Malgré un contexte régional et national plus qu’instable, les banques libanaises parviennent pour l’heure à faire montre de solidité, grâce à une politique bancaire conservatrice. Avec en parallèle, une stratégie offensive à l’international qui permet aux banques d’asseoir leur position.
Les temps sont durs pour l’économie. Entre le Printemps arabe qui tourne à l’orage, le conflit syrien voisin qui n’en finit plus de déborder sur le Liban et une situation interne loin d’être au beau fixe, les Libanais n’ont pas vraiment de quoi se réjouir. Et pourtant, s’il est bien un secteur qui montre, malgré tout, sa bonne résistance, c’est celui des banques.
Pour autant, il faut rester tempéré. Car les banques libanaises, même si elles font preuve d’une relative bonne santé, sont tout de même touchées à une certaine échelle par la situation régionale. Notamment par la crise syrienne.
En effet, pas moins de sept banques libanaises détiennent des filiales en Syrie. La Banque libano-française y est présente via la Banque al-Sharq, dont elle détient 49%. La Fransabank est actionnaire à hauteur de 55,67% de Fransabank Syria. La Byblos Bank Syria est détenue à 52,37% par la maison mère Byblos Bank, tandis que la Bank Audi possède 47% de Bank Audi Syria. Enfin, la Blom Bank est actionnaire à 49% de la Bank of Syria & Overseas, et la Bank Bemo, à 22% de la Bemo Saudi Fransi.
Pas de retrait de Syrie
Pour l’heure, et malgré un conflit qui s’enlise tant sur le terrain, que sur le plan politico-diplomatique, aucune banque libanaise n’a fait montre d’une quelconque envie de stopper ses activités en Syrie. Les activités ne sont donc pas à l’arrêt, mais en revanche, les investissements sont au point mort.
Afin de se protéger de possibles répercussions sur leurs activités, les banques libanaises impliquées dans le tissu bancaire syrien ont, dès le début du conflit, réduit leur exposition aux acteurs économiques syriens. Malgré ces précautions, l’impact est tout de même important. Les bilans des banques concernées ont affiché des chiffres en berne, au mieux une contraction, dès 2012, subissant également l’impact de la dévaluation de la livre syrienne. Sans compter l’impact des sanctions imposées par la communauté internationale sur certains avoirs syriens. Les banques ont dû surveiller étroitement certains comptes, et d’autres ont été gelés.
Côté crédit, comme on peut s’y attendre, la tendance est logiquement baissière. Pourtant, les défauts de paiement restent plutôt rares, les banques parlent pour l’instant de délais de paiement plus longs.
Dans un rapport publié en 2012, l’Association des Banques libanaises a d’ailleurs averti les établissements financiers des «risques du marché syrien (qui) sont suffisamment élevés et que ces risques sont devenus un élément gênant pour les banquiers libanais».
Stratégie modifiée
En l’attente d’un règlement de la situation en Syrie, les banques libanaises ont quelque peu modifié leur stratégie. Cela, afin de continuer leur expansion à l’international, qui leur est nécessaire, compte tenu de l’étroitesse du marché national. Elles choisissent donc de grandir en ouvrant des branches dans d’autres zones géographiques, de préférence porteuses au niveau des opportunités d’affaires. Et où, généralement, les Libanais ont des intérêts ou une forte présence démographique.
Les pays arabes voisins, il n’y a pas si longtemps très prisés par les banques libanaises, restent aujourd’hui en veille, à part quelques-uns. Le Printemps arabe est passé par là, notamment pour l’Egypte. Le nouveau régime au pouvoir a mis en place une nouvelle législation financière encourageant l’expansion de la finance islamique. Les banques libanaises, qui opèrent déjà sur place, pourraient toutefois, en cas de problème, vendre leurs actions sans perte financière pour elles, car elles ont déjà réalisé des gains suffisants.
Dans la région, deux marchés importants continuent de concentrer l’attention des banques du Pays du Cèdre: la Turquie et l’Irak. La Turquie représente un marché profond et les échanges commerciaux avec le Liban et le reste du monde arabe sont très dynamiques. Sans oublier une densité démographique importante qui permet une expansion rapide et lucrative. En s’installant en Turquie, les banques s’assurent d’être présentes dans un pays qui tient un rôle de plateforme commerciale d’échanges entre les pays de la région Mena.
Autre pays au centre de la stratégie des banques libanaises: l’Irak. Depuis quelques années, les établissements se sont positionnés notamment dans la zone d’Erbil, à fort potentiel d’affaires pour les entreprises libanaises. Bagdad, la capitale, fait aussi l’objet de toutes les attentions.
Expansion en Afrique
Hormis ces pays voisins, les banques libanaises tablent aussi sur une expansion en Afrique, où réside une diaspora aux revenus élevés. Le Congo, en perpétuelle reconstruction, le Nigeria, ainsi que les pays de l’Afrique de l’Ouest, voient de plus en plus l’installation de filiales libanaises. Les Libanais d’Afrique sont prompts à investir dans plusieurs pays à la fois. Ce qui présente un grand attrait pour les banques qui sont de plus en plus nombreuses à lorgner sur un marché africain, qui se bancarise de plus en plus.
L’Afrique du Nord, avec l’Algérie, figure également dans les projets de certaines banques. Le pays recèle de nombreuses richesses, il ne reste plus qu’à attendre le feu vert des autorités.
En dehors de ces régions, les banques libanaises sont bien évidemment présentes en Europe, où elles sont installées en France, en Suisse ou encore en Grande-Bretagne. La France représente pour ces banques une place stratégique, car elle permet de soutenir des clients pour des affaires dépassant le cadre de l’Hexagone, dans l’import-export notamment vers le Maghreb, l’Afrique francophone ou le Moyen-Orient. Sans oublier la Belgique, la Suisse et le Royaume-Uni. Outre-Atlantique, on recense également des implantations de banques libanaises au Canada, à Montréal et à Sao Paulo au Brésil où vivent plusieurs dizaines de millions de Libanais. L’Europe de l’Est attire également.
Au total, les institutions financières libanaises sont présentes dans trente-trois pays.
Jenny Saleh
Une longue préparation
L’installation d’une banque libanaise sur un sol étranger nécessite de nombreuses années de préparation et des études de marché approfondies. Les Banques centrales de chaque pays ont leurs exigences et les institutions bancaires candidates doivent répondre à des standards internationaux avant de se lancer.
Des centres de régulation existent et sont destinés à réglementer les implantations bancaires à l’étranger. Enfin, des conventions bancaires existent entre les différentes autorités monétaires internationales. Ces conventions internationales, comme le Gats, régissent les implantations et interdisent toute discrimination. Si un pays qui en est adhérent autorise les implantations bancaires étrangères, il ne peut pas refuser l’arrivée de telle ou telle banque en fonction de sa provenance.
Pour les établissements libanais qui souhaitent s’expatrier, une autorisation préalable de la Banque centrale du Liban est nécessaire, en bonne et due forme.
Différentes formes d’implantation
Les banques libanaises peuvent choisir d’ouvrir une succursale, une filiale ou un bureau de représentation.
Une succursale n’a pas de personnalité morale, donc elle n’est qu’un simple établissement de l’entreprise.
La filiale, en revanche, dispose d’une personnalité juridique. Elle possède un patrimoine propre qui ne se confond pas avec celui de la banque mère. Par ailleurs, la filiale devra se conformer à la législation bancaire locale. La plupart du temps, les banques libanaises s’associent avec une banque locale, en lui rachetant une partie de son actionnariat.
Le bureau de représentation, lui, est davantage destiné à mettre en relation des opportunités d’affaires. Les banques choisissent notamment cette option quand le pays où elles s’installent est déjà fortement bancarisé.
Une fois sur place, les banques peuvent fournir des services à l’étranger depuis le Liban, via des lettres de crédit par exemple. Selon le marché et le taux de bancarisation, certaines se lancent également dans la banque de détail, en tenant compte, à chaque fois, de la spécificité du marché.