Le 24 avril, les chercheurs de l’Institut de Reproduction animale d’Uruguay et de l’Institut Pasteur de Montevideo ont annoncé la naissance, en octobre dernier, de neuf agneaux transgéniques fluorescents. Des moutons qui brillent? Les plantes OGM font régulièrement parler d’elles, voilà que les animaux s’en mêlent.
Introduire des molécules d’ADN de méduse dans une cellule-œuf de mouton. Voici une idée parfaitement farfelue (La cellule-œuf constitue le premier stade embryonnaire, immédiatement après la fécondation, ndlr). Le résultat l’est encore davantage; le gène que les moutons de Montevideo ont reçu, les rend parfaitement visibles lorsqu’ils sont placés sous une lumière ultraviolette. A part pour les quelques insomniaques qui les compteront plus facilement, la luminescence des moutons, ça ne sert vraiment à rien. Même pour les scientifiques. «Hey Manu, tu viens on fait des moutons qui brillent? –Mais pour quoi faire? – Je sais pas, on fait des moutons qui brillent!». C’est un peu ça l’idée. Le gène qui code une protéine fluorescente verte est issu de la méduse Aequorea victoria. Sa découverte a valu le prix Nobel de chimie 2008 à Osamu Shimomura, Martin Chalfie et Roger Tsien. Les scientifiques l’utilisent aujourd’hui comme marqueur d’une protéine. Il suffit de la fusionner avec le gène de la protéine à étudier.
Mais revenons à nos moutons. En fait, grâce à cette expérience insolite, les biologistes uruguayens ont pu vérifier l’efficacité de leur nouvelle méthode de transgénèse. En clair, ils sont parvenus à transformer le patrimoine génétique d’un mouton et à lui ajouter ainsi une caractéristique. Cette réussite positionne l’Uruguay au plus haut niveau scientifique mondial et ouvre des perspectives nouvelles. Ce sont en substance les propos du président de l’Irau, Alejo Menchaca, qui précise: «C’est une technique très efficace. Nous pouvons travailler maintenant avec un autre gène qui sera d’un plus grand intérêt, pour produire une protéine spécifique».
Applications possibles
Certains champs d’application sont déjà connus et de plus en plus exploités.
– Une société américaine a, d’ores et déjà, commercialisé à dix dollars le Glo-fish, un poisson fluorescent ayant subi la même transformation que nos moutons.
– Plus sérieusement, dans la recherche médicale, les animaux sont fréquemment utilisés pour comprendre les symptômes et le développement d’une maladie. En oncologie par exemple, des gènes impliqués dans la genèse d’une tumeur peuvent être ajoutés ou retirés d’un rongeur.
– Certaines transformations génétiques permettent de faire produire à un animal une substance médicamenteuse, ou des hormones de croissance à bas prix. Il existe déjà un exemple en Argentine où le laboratoire de biotechnologie Biosidus a réussi à faire produire de l’insuline à ses vaches. Prélevée dans leur lait, celle-ci devrait revenir un tiers moins chère que celle qui est disponible sur le marché.
Les chercheurs entrevoient d’autres applications dans un futur plus ou moins proche, même si certaines barrières éthiques restent à franchir.
– Avec la xénotransplantation, il deviendrait possible de produire des animaux qui auraient des organes que le corps humain tolérerait sans problèmes en vue d’une greffe.
– Dans l’agroalimentaire, il sera bientôt aisé de produire de la viande plus rapidement et de meilleure qualité.
Aujourd’hui, le sigle OGM suscite bien de réticences. Des études approfondies sur l’impact des OGM sur la santé et l’environnement restent à mener. A l’abri de l’opinion publique, la science avance aujourd’hui très vite. Dans un contexte où les limites de l’acceptable et de l’inacceptable sont ténues grâce au flou des normes juridiques, il sera impossible de se passer d’un débat éthique. L’exigence de rentabilité, l’impératif de productivité ont trop tendance à s’affranchir de ces questions vitales. «Science sans conscience n’est que ruine de l’âme», disait Rabelais.
Antoine Wénisch