Dans le quartier de Wadi Nahlé, situé dans la région du camp palestinien de Beddaoui au Liban-Nord, les ouvriers s’affairent, portant des sacs de ciment gris ou des blocs de parpaings. Les habitants semblent être pris d’une frénésie contagieuse de constructions illégales, un débordement aux conséquences létales.
En fin de week-end, des constructions illégales érigées à Beddaoui ont été démantelées par les forces de l’ordre. «Il existe deux types d’infractions à Tripoli: celles prenant la forme de constructions bâties sur des propriétés appartenant à autrui ou celles faisant l’objet de délits au code foncier comme l’édification d’étages supplémentaires», signale Rachid Jammali, ancien maire de Tripoli.
La destruction des édifices illégaux a rapidement dégénéré en un affrontement entre les soldats de l’Armée libanaise et les Forces de sécurité intérieure (FSI), d’une part, et les habitants, de l’autre. Des tirs ont été échangés alors que des véhicules des FSI ont été incendiés. Deux personnes ont été tuées, Mohammad Abdallah Seif, 17 ans, qui serait mort sur le coup, alors qu’un autre résidant, Mohammad Riyya, est décédé des suites de ses blessures. Deux autres personnes seraient également dans un état grave. Plus d’une dizaine de personnes ont été blessées, dont un gendarme. Un deuxième représentant des forces de l’ordre, dont le nom n’a pas été divulgué, est mort des suites de ses blessures.
La pauvreté
«Le problème majeur motivant ces infractions est la pauvreté dans laquelle est plongée la population, conjuguée aux taux de natalité élevés. Ces facteurs poussent les gens à agrandir leurs habitations sans accomplir au préalable les formalités nécessaires», ajoute l’ancien maire.
A la suite de ce face-à-face meurtrier, les routes principales ont été coupées par des dizaines de jeunes gens de la famille Seif, dont l’artère principale reliant la ville de Tripoli à la région du Akkar. Des tirs nourris ont également été entendus dans les rues du chef-lieu du Liban-Nord.
La situation s’est toutefois calmée après le retrait des forces de l’ordre et l’intervention du père de l’une des victimes, Abdallah Seif, lui-même blessé. Ce dernier a négocié, dès sa sortie des urgences, avec les notables de son clan et le président de la municipalité de Beddaoui, Hassan Ghamraoui, dans le but de convaincre les protestataires de débloquer les routes reliant Tripoli au Akkar, aux intersections de Wadi Nahlé et Mankoubine.
En début de semaine, les véhicules de la municipalité de Beddaoui sont parvenus à libérer les axes routiers. Une commission de suivi se réunissait en présence des responsables sécuritaires de la ville de Tripoli afin de suivre l’affaire. «Les hommes politiques tripolitains ont décidé de mettre fin aux infractions au code foncier, mais cela n’est pas suffisant. Ce type d’empiètement existe partout dans Tripoli; je crains que ce genre d’incidents se reproduise à l’avenir. C’est une question épineuse que ni les FSI ni la municipalité n’ont été en mesure de régler. Sans solution durable, il est possible qu’une nouvelle confrontation ait lieu entre les habitants et les appareils sécuritaires», conclut Jammali.
Mona Alami
Les politiques interviennent
Une réunion politico-sécuritaire s’est tenue au domicile tripolitain du ministre d’Etat sortant, Ahmad Karamé, comprenant les députés Mohammad Kabbara et Samir Jisr, Ahmad Safadi, représentant le ministre sortant des Finances, Mohammad Safadi, ainsi que des officiers de l’armée et des FSI. Une commission de suivi a été formée. Cette dernière a contacté le président de la République, Michel Sleiman, le Premier ministre désigné, Tammam Salam, et le ministre démissionnaire de l’Intérieur, Marwan Charbel, afin d’obtenir le renforcement des mesures de sécurité dans la ville. Le juge Sakr Sakr, commissaire du gouvernement auprès du Tribunal militaire, a supervisé l’enquête entamée dimanche dernier.