Magazine Le Mensuel

Nº 2897 du vendredi 17 mai 2013

à la Une

The Prophet de Gary Tarn. Voyage intime au cœur de la vie

Le film The Prophet de Gary Tarn, basé sur le texte de Gibran Khalil Gibran, est projeté actuellement au cinéma Métropolis à l’Empire Sofil. Entre images, narration et musique, The Prophet est une expérience unique.

«To see the world in a grain of sand
And Heaven in a wild flower
Hold infinity in the palm of your hand
And eternity in an hour».
C’est sur ces vers du poète William Blake que s’ouvre le film The Prophet de Gary Tarn. Des vers qui annoncent au spectateur ce qui suivra durant l’heure que durera la projection: au cœur de ce «grain de sable», au cœur de ce film, réside la vie même dans son entité. Gary Tarn affirme aimer les films qui débutent par des citations qui poussent le spectateur à réfléchir, à réfléchir par exemple sur l’image de ce cordonnier fabriquant de ses mains des chaussures, «une occupation banale, quotidienne, mais qui souvent, pour moi, contient une part d’universalité. Ce grain de sable c’est ce que j’essaie de faire avec ce film».
Et la vie semble défiler à mesure que défile le film. Des mots qui peuvent sonner pompeux ou vides de sens. Mais The Prophet est une expérience qui se vit plus qu’elle ne se raconte en mots tangibles, concrets, réducteurs. Une expérience où le spectateur voyage aux quatre coins du monde tout en restant sur place, où il se retrouve dans une situation d’intimité profonde tout en s’ouvrant au monde entier, où il se laisse aller à une totale perception des sens, submergé par une kyrielle de sons, d’images, de mots, une kyrielle de sensations. Tarn avoue qu’il «est difficile de décrire le film par des mots, mais il est facile à comprendre une fois visionné». The Prophet est très loin d’être un film obscur, élitiste, difficile ou complexifié. Ce serait même le contraire. Sur le site du film, il parle d’un «voyage cinématographique d’amour, de vie et de perte». Plus concrètement comme il l’explique, «Il s’agit d’images de gens pris dans leur vie quotidienne, d’une bande de son qui récite le texte du Prophète et d’une musique orchestrale qui lie narration et images». Et pourtant, c’est tellement plus que ça. «Je ne crois pas qu’il est possible de le voir une seule fois et de tout saisir en même temps. Il peut submerger le spectateur, je comprends cela, mais je pense qu’il ne faut pas essayer de tout saisir. Mais de le laisser plutôt couler».

D’images en sensations
Après avoir réalisé, en 2005, son premier documentaire Black Sun, basé sur un texte et des images, Gary Tarn a commencé à plancher sur plusieurs qui utilisent la même technique. Un jour, un ami lui offre en cadeau une copie du Prophète de Gibran Khalil Gibran. Il en avait déjà eu plusieurs auparavant, mais depuis longtemps. Et voilà qu’il se remet à le lire, au moment où il venait juste de terminer son travail, durant quelques mois, sur le tournage du film Children of men, d’Alfonso Cuarón. En se rappelant que le livre contenait une narration, il pense à des images, et immédiatement se demande si «ça marcherait de mettre des images modernes avec ce texte écrit à l’ancienne. Je n’ai pas pensé au départ que je m’attaque à un livre apprécié par des millions de gens ou comment ils réagiraient. J’avais juste cette idée en tête». Il fait un premier test et se décide à se lancer dans cette idée un peu folle, dans cette idée unique.
Tarn s’est donc entièrement immergé dans le livre qu’il a lu et relu encore, jusqu’à cerner ses sensations et le sens qu’il en a perçu. Puis il le met de côté. Et le voyage commence, en 2006. Premier arrêt «logique», le Liban, pays d’origine de Gibran où Tarn n’était jamais venu. Et puis, il s’est laissé guider par son idée. Au fil de ses voyages, équipé toujours d’une caméra, il filme des images, de manière libre, en ayant en tête le genre d’images qui lui plaît, qui l’intéresse. Une sorte de sélection naturelle, sur le pif. Au moment où il sent qu’il en a suffisamment, il commence le montage, quitte à piocher dans ses archives, ou à prendre d’autres images ultérieurement. Le film vous emmène du Liban à Belgrade, en Serbie, à Milan, en Grande-Bretagne, à Taiwan, en Inde… sans que vous arriviez à situer dans quelle ville vous êtes. «Le Prophète parle d’une cité imaginaire, Orphalese. A partir de là, mon idée est de créer une cité de toutes ces cités. Donc, on voit des images du Liban, puis Belgrade, puis Londres… mais qui ne renvoient finalement qu’à une seule cité, celle d’Orphalese, une cité imaginaire, car construite visuellement de diverses cités».

A mesure que le spectateur voyage, Thandie Newton égrène le texte de Gibran, d’une voix calme, profonde, douce. «Au départ, explique Gary Tarn, j’avais pensé à un homme, mais je n’ai trouvé aucune voix masculine qui correspondait. Puis j’ai pensé que ça marcherait mieux si c’est une femme. J’ai donc envoyé le film à Thandie Newton et elle a accepté de le faire. C’est une vraie citoyenne du monde à qui je voue un grand respect. Elle incarne réellement l’esprit du livre. Je crois qu’elle a vraiment compris l’essence même du Prophète», d’où sa voix douce, qui sonne presque comme un murmure et qui donne l’impression au spectateur qu’il était impossible que ce soit autrement, que ce soit une autre narratrice, tellement sa voix s’accorde avec les images et avec la musique composée par Gary Tarn lui-même. «Tout le film repose sur une sorte de triangle entre les images, la voix et la musique, et la balance oscille constamment entre elles».
Gary Tarn est conscient de présenter sa version personnelle du Prophète. «Ce n’est sûrement pas la seule version possible, mais c’est la mienne. Je le sais dès le départ. Et je serai d’ailleurs content si on propose une autre version, parce que je suis sûr qu’elle ne sera pas comme la mienne». The Prophet est une expérience intime et universelle en même temps qui ne pourra qu’être appréciée, qu’on aime le livre ou non, qu’on le connaisse ou non. Un voyage au cœur de la vie, hypnotisant.

Nayla Rached
 

Cinéma Métropolis à l’Empire Sofil.

Il y a aussi
The Great Gatsby
Drame romantique de Baz Luhrmann.
Circuit Empire – Grand Cinemas.

Star Trek – Into Darkness 3D
Science-fiction de J.J. Abrams.
Circuits Empire et Planète – Grand Cinemas.

Emperor
Drame historique de Peter Webber.
Circuit Empire – Grand Cinemas.

Dead man down
Thriller de Niels Arden Oplev.
Circuits Empire et Planète.

Et rendez-vous avec la 5e édition du Cabriolet Film Festival, organisée par Laboratoire d’art, les 24, 25 et 26 mai, sur les escaliers Saint-Nicolas, dès 20h.
 

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