Le Louvre des Sables, à Abou Dhabi, n’ouvrira ses portes au public qu’en 2016. Pour faire patienter les amateurs d’art jusque-là, l’émirat vient d’inaugurer une exposition présentant quelque 130 œuvres acquises, dont certaines n’ont jamais été exposées.
Pour son baptême du feu en tant que nouvelle antre de l’art au Moyen-Orient, l’émirat d’Abou Dhabi frappe fort. L’exposition Naissance d’un musée, organisée à quelques mètres du futur Louvre des Sables (voir encadré), sur l’île de Saadiyat, présente 130 œuvres choisies parmi les 460 pièces déjà acquises par le musée. Des choix ambitieux à travers lesquels les autorités d’Abou Dhabi ont souhaité transmettre «une mise en regard des cultures, des civilisations et des religions», souligne Laurence des Cars, directrice scientifique de l’agence France-Muséums, une filiale du Louvre parisien et des grands musées français, au quotidien Les Echos. Pour preuve, la présence, côte à côte, dans la galerie d’exposition d’un Coran mamelouk et d’une Torah yéménite. Ou encore, l’accrochage des magnifiques nus de Vénus et nymphes au bain de Louis Jean François Lagrenée.
Aux dires de Laurence des Cars, «certaines pièces vont surprendre». Mais visiblement, les Emirats ont voulu passer outre le conservatisme, afin de constituer des collections très universelles pour le futur Louvre des Sables.
Parmi les œuvres exposées sur l’île de Saadiyat, celle d’Yves Klein, internationalement connu pour son bleu incomparable. Anthropometry est un autoportrait réalisé par l’artiste et sa femme, qui s’étaient enduit le corps de peinture bleue avant de se plaquer sur la toile. Ce chef-d’œuvre côtoie, un peu plus loin, dans la première salle d’exposition, La princesse de Bactriane, une idole d’Asie centrale datant du IIIe siècle avant Jésus-Christ.
Autres œuvres d’exception, le Portrait d’une dame, de Picasso, réalisé à la gouache, à l’encre et au papier collé, datant de 1928, qui n’a jamais été exposée aux regards, avant cet accrochage. Les amateurs d’art pourront admirer aussi une très belle huile sur toile de Paul Gauguin, Les enfants luttant (1888), ou encore Le Bohémien, de Manet. A voir également, une splendide Vierge à l’Enfant de Giovanni Bellini, datant du XVe siècle.
La peinture classique tutoie, lors de cette exposition, d’autres œuvres plus modernes, comme la Composition avec bleu, rouge, jaune et noir, de Mondrian, acquise par le Louvre Abou Dhabi lors de la vente aux enchères issue des collections Pierre Bergé-Yves Saint Laurent. A voir également, le Jeune émir à l’étude d’Osman Hamdi Bey, ou encore un tableau de Paul Klee, inspiré d’un voyage en Tunisie, ou un ensemble contemporain de Cy Twombly, rappelant l’art de la calligraphie.
D’autres œuvres d’art, hors peinture, sont exposées, comme ce plat, représentant le Banquet des noces de Psyché, du XVIe siècle, un bassin d’aiguière, spécialité de Venise à l’époque de la Renaissance, ou encore un plateau iranien sassanide.
La photographie trouve aussi sa place, avec l’exposition d’un des plus vieux clichés au monde (1843), signé Joseph-Philibert Girault de Prangey, qui représente Ayoucha, une femme voilée.
On l’aura compris, avec cette première ébauche de ce qu’exposera le Louvre Abou Dhabi, l’émirat entend se défaire d’une réputation conservatrice et donner à voir l’art sous toutes ses formes. Ici, pour l’heure, pas de censure rigoriste mais, au contraire, un esprit de dialogue interculturel bien vivace. Dans Le Figaro Magazine, l’ancien ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, qui a signé l’accord de coopération culturelle entre la France et les Emirats arabes unis, affirme que «ce musée unique en son genre porte un message universel de paix et de tolérance, qui, dans le contexte actuel, prend toute sa force».
Un message fort, apparu dès la pose de la première pierre de l’édifice, par Nicolas Sarkozy et les autorités d’Abou Dhabi, qui avaient choisi, comme première œuvre exposée, «un Christ sur une croix datant de la Renaissance», selon Donnedieu de Vabres.
Signe d’une coopération forte entre les deux pays, Naissance d’un musée, qui est visible à Saadiyat jusqu’au 20 juillet, sera ensuite présentée au Louvre à Paris, en octobre.
Jenny Saleh
Encadré
40 millions d’euros
Le futur Louvre des sables bénéficie de la part de l’émirat d’un budget d’achat de 40 millions d’euros par an. Quatre expositions seront proposées chaque année. De quoi faire rêver de nombreux musées internationaux.
Côté construction, l’architecture du futur édifice a été confiée à Jean Nouvel. Le musée, établi sur quelque 17000 mètres carrés, prendra la forme d’une coupole perforée créant «une ombre ponctuée d’éclats de soleil».