Il n’y a pires hypocrites que ceux qui font semblant de s’indigner de l’assassinat des trois soldats libanais à Ersal, alors qu’ils assument eux-mêmes une part de responsabilité dans cette odieuse agression et dans les attaques en règle contre l’armée à Tripoli, ces derniers jours. Car avant de passer à l’acte, les assaillants ont reçu un précieux soutien à travers la préparation du terrain sur les plans politique, médiatique et psychologique. Leurs complices, c’est dans la classe politique libanaise qu’il faut aller les chercher, surtout parmi les têtes brûlées qui ont crevé tous les plafonds avec leurs discours extrémistes, et pulvérisé toutes les lignes rouges, que même les chefs de milices n’osaient pas franchir pendant la guerre civile.
Ces sous-hommes politiques, parfois enturbannés, ont lancé une campagne systématique de dénigrement contre l’Armée libanaise. Ils mettent en doute son patriotisme, la chargent de tous les maux, l’accusent de parti pris, de suivisme, d’inefficacité, de fainéantise. Ils affirment qu’elle est manipulée par des puissances régionales, qu’elle met en œuvre des agendas partisans, qu’elle manque à son devoir. Après avoir banalisé ce discours destructeur, ils ont passé à un stade supérieur, s’en prenant nommément au commandant en chef, à des officiers supérieurs, à des responsables des services de sécurité. Poursuivant leurs basses œuvres, ils se sont ensuite employés à discréditer certaines unités et brigades, leur accolant les pires épithètes, parfois à partir des tribunes des mosquées lors des prêches du vendredi.
L’effronterie a atteint des limites inimaginables. Non seulement ces asociaux s’autorisent des campagnes d’injures et de diffamation qui ont ouvert la voie à des agressions physiques contre l’armée, mais les voilà qu’ils se mobilisent pour protéger les présumés agresseurs. Il y a quelques mois à Ersal, hier à Tripoli et aujourd’hui à Jeb Jennine, où une foule de Syriens et de comparses libanais a tenté d’empêcher l’armée de placer sous surveillance judiciaire un blessé transporté en douce dans cet établissement, et qui serait l’un des attaquants du barrage de l’armée.
Ce matraquage incessant n’est pas innocent. En accablant l’institution militaire, c’est son rôle que l’ont veut neutraliser, celui du dernier dénominateur commun entre toutes les forces politiques et toutes les communautés, à l’ère du repli confessionnel et des identités invisibles. A une époque où les vents de la partition et du démembrement des Etats soufflent sur les pays du Levant. Leur objectif est d’éloigner les yeux, les oreilles et les bras de l’armée des régions où ils sévissent, pour les transformer en zones de non-droit, où sont exécutés des complots ourdis à l’étranger.
Ces sous-hommes sont d’autant plus coupables que leur crime est impardonnable, parce que prémédité et réfléchi.
L’incurie des pouvoirs politiques a encouragé ces provocateurs à aller de l’avant, à faire preuve d’une insolence toujours plus grande. Les dirigeants se complaisent dans la politique de distanciation, qu’ils appliquent sélectivement quand il s’agit de la crise syrienne, mais qu’ils respectent scrupuleusement vis-à-vis de leurs responsabilités.
Toutefois, les plus pernicieux restent ces personnalités qualifiées de «respectables», «sympathiques», ces chouchous des médias, qui tiennent un discours ambigu. Après avoir couvert l’institution militaire d’éloges et de louanges, ils glissent dans leurs discours de petites phrases assassines, sur la nécessité de muter cet officier jugé «partial», ou de retirer telle unité et la remplacer par une autre. Ces gens-là souhaitent une armée à la carte, prête à se conformer à leur agenda.
Dans un Etat qui se respecte, ces têtes brûlées, ces pourfendeurs de l’armée, ne doivent pas siéger sur les strapontins du Parlement mais croupir dans les cellules des prisons après avoir été jugés pour haute trahison.
Paul Khalifeh