Magazine Le Mensuel

Nº 2905 du vendredi 12 juillet 2013

Presse étrangère

Le règne des clans et des communautés

La presse internationale dresse un tableau noir de la situation au Liban. Les communautés et les réflexes claniques se font la part belle, au détriment de l’Etat et du citoyen.

The New York Times
Depuis plusieurs semaines, le sujet du ressentiment de la communauté sunnite libanaise est très largement traité par les médias occidentaux et ceux du Golfe. Le papier de la semaine sur ce thème est publié dans The New York Times.
Les sunnites expriment de plus en plus ouvertement leur méfiance envers l’Armée libanaise, considérée comme l’institution la plus indépendante du pays. «Il y a un sentiment général de colère et de marginalisation au sein de la communauté qui s’inquiète de l’omnipotence du Hezbollah», déclare Mohammad Chatah, conseiller de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, dont l’assassinat en 2005 a volé à la communauté sunnite son dirigeant le plus puissant et charismatique.
De nombreux sunnites ont le sentiment que les politiciens traditionnels ne s’élèvent pas clairement contre la montée en puissance du parti chiite lourdement armé. «L’extrémisme sunnite remplit ce vide», estime Chatah.
Il n’existe pas de sondages qui quantifient le phénomène et les observateurs ne sont pas d’accord sur son étendue. Mais ils sont peu à nier cette tendance devenue plus forte depuis que le Hezbollah a ouvertement rejoint la guerre en Syrie. La structure de la communauté sunnite au Liban est très hétérogène; les laïcs cohabitent avec les ultraconservateurs, mais la communauté reste tributaire de la surface financière des grandes familles d’hommes d’affaires.
Beaucoup ont espéré que Saad Hariri prenne la suite de son père mais son exil rend les choses difficiles. Aucun leader sunnite n’a véritablement réussi à émerger.
La plupart des partisans de Assir ne sont pas des dévots, plutôt des jeunes hommes qui cherchent un leader pour exprimer leurs frustrations. Beaucoup de haine a été créée, et personne ne sait ce qui va se passer.

Le Devoir
Qui cherche à déstabiliser le Liban? s’interroge le quotidien québécois Le Devoir. Alors que resurgit régulièrement le spectre d’un débordement du conflit syrien au Liban, l’affrontement le plus meurtrier qu’a connu le pays depuis cinq ans est passé pratiquement inaperçu. Les 23 et 24 juin derniers, près de soixante hommes ont péri au cours des combats qui ont éclaté entre les troupes d’un chef salafiste et l’Armée libanaise. Malgré ce lourd bilan humain, l’incident n’a pas retenu l’attention de la presse occidentale.
Où le cheikh voulait-il en venir? Ici, les avis et les témoignages divergent. Mais on s’entend pour dire que l’opération consistait à discréditer l’armée, qui a déjà essuyé quelques revers sur le territoire libanais. Plusieurs estiment qu’une fois l’armée neutralisée, les troupes du chef salafiste projetaient de fermer définitivement la route du Sud, isolant ainsi les régions chiites les unes des autres. En portant un coup de boutoir à l’armée, poursuivent les analystes, Ahmad el-Assir espérait mettre ainsi l’Etat libanais hors jeu et profiter de l’actuel vide politique pour déclencher une confrontation entre sunnites et chiites.
Les Libanais savent que la guerre guette leur pays. Si dans les rues, les marchés et les cafés, un sentiment d’impuissance est perceptible, ils sont de plus en plus nombreux à croire que si la guerre s’installe, elle n’aura pour motif principal ni la survie du régime de Bachar el-Assad, ni la discorde entre sunnites et chiites qui lui servira de façade. Quoi qu’on pense du Hezbollah et de son action régionale, tout indique que c’est parce qu’on cherche à le piéger que le Liban est aujourd’hui menacé.

The Washington Post
Cette semaine, The Washington Post consacre un long reportage dans les dédales du camp palestinien de Aïn el-Heloué.
Les leaders des camps palestiniens au Liban expliquent qu’ils essaient de les garder à l’écart des retombées libanaises de la guerre en Syrie mais préviennent: la tâche devient de plus en plus difficile à cause de la montée en puissance des groupes islamistes. Les observateurs s’accordent sur l’idée que le leadership palestinien saura garder le couvercle fermé, mais que des bouffées de vapeur pourront s’échapper ici ou là. Les chefs traditionnels de la population palestinienne, à savoir les représentants des branches libanaises du Fateh et du Hamas, s’inquiètent de la popularité grandissante des factions islamistes, qui pourraient mettre en péril la position officielle de neutralité des Palestiniens du Liban. Ils craignent la mise en place d’un scénario à la Nahr el-Bared. «La région et la communauté libanaise, dont nous sommes partie intégrante, sont en plein bouleversement», explique Mounir Maqdah, commandant du Fateh dans le camp. L’atmosphère y reste tendue. Dans sa villa, Maqdah a installé 16 télévisions qui filment les principales artères du camp. «Il y a quelques fauteurs de troubles», dit-il en scrutant ses écrans. La plupart d’entre eux sont des membres de Jund el-Cham, une force combattante qui ne compte pas plus de 70 individus, installés dans le quartier de Taamir, à la périphérie du camp. C’est d’ailleurs Abou Ahmad Fadel Taha, le représentant du Hamas dans le camp, qui est intervenu personnellement pour négocier entre les hommes du Jund el-Cham et l’Armée libanaise lors des affrontements de Saïda.
Plusieurs observateurs expliquent que c’est l’implantation de Jabhat el-Nosra qui est surtout à craindre. Taha concède 
qu’al-Nosra a des représentants dans le camp, mais principalement pour recruter des combattants pour la Syrie.

The National
Le titre choisi par le quotidien émirati The National ne va pas par quatre chemins: Le Liban est trop corrompu pour mettre fin à la corruption.
Lorsqu’on parle de corruption au Liban, vous avez deux types de personnes: vous avez le «haboob», quelqu’un de naïf et de candide (en d’autres termes, trop stupide pour voler), et le «zaki», le malin, qui tire le meilleur de toutes les possibilités et qui est respecté. C’est triste, mais c’est comme ça.
Pas étonnant dans ce contexte d’observer que jamais la corruption au Liban n’a été aussi profondément étendue. Interrogés par l’Association libanaise de la Transparence (ALT), 60% des chefs d’entreprises libanais disent tolérer la corruption et en avoir usé, notamment pour l’obtention de permis et d’autorisation administrative ou commerciale. Mis en lumière, les agents des douanes, les politiciens et les magistrats.
Pourtant, les conclusions de l’ALT ne devraient pas agiter l’opinion publique. Au Liban, les parents encouragent leurs enfants à tricher pour qu’ils ne redoublent pas, et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Le zaki commence sa carrière très jeune. La corruption a évidemment un effet destructeur sur la notion d’Etat et d’identité. Aujourd’hui, le Libanais se définit d’abord par rapport à sa communauté, ensuite par sa nationalité. Corruption, népotisme, apologie du vol, plus personne ne fait confiance à l’Etat. Allez à Moukhtara, dans le château de Walid Joumblatt, et vous verrez le défilé des demandeurs d’emplois, médicaments et pistonnages. Pas grand-chose comparé à l’industrie du Hezbollah, dont les aides individuelles s’élèveraient à 500 millions de dollars.

Julien Abi Ramia

Facebook au cœur d’une polémique
The Wall Street Journal revient sur l’incident qui a mis aux prises les gardes du corps du député Nadim Gemayel et des activistes du collectif Nassawiya. Incident qui montre la montée en puissance des réseaux sociaux au Liban. Le site officiel du député Nadim Gemayel a été piraté par le groupe de pirates informatiques «Raise Your Voice». La page d’accueil du site Web de Gemayel a été changée par les hackers. En lieu et place de la page principale, une vidéo de l’incident survenu le vendredi 28 juin entre les gardes du corps du député et de jeunes activistes membres du collectif féministe Nassawiya. Relayée par le collectif et de très nombreux activistes, la vidéo de l’incident a fait le tour des réseaux sociaux pour décrédibiliser la version donnée par le député d’Achrafié, victime, selon lui, «de jets de pierres par une cinquantaine d’activistes».

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