Le ministre de l’Energie et de l’Eau reproche à certains alliés de se contenter d’aviser les chrétiens de leurs décisions. Gebran Bassil reconnaît l’existence de divergences et une volonté d’ouverture.
Quelles seront les répercussions de votre ouverture sur l’Arabie saoudite sur l’alliance avec le Hezbollah?
Nous n’envisageons jamais de nouer une relation au détriment d’une autre. Celui qui a un esprit ouvert et qui sait comment nous avons établi l’entente avec le Hezbollah pour sauver le pays, nous comprendra. Aujourd’hui, les positions sont exacerbées et peut-être que nous pouvons aider à alléger les tensions afin de sauver le pays.
Pourquoi ce timing? Est-il lié à des échéances comme la présidence de la République, par exemple?
Pas du tout. La visite est en lien avec notre volonté de réduire la pression. Que personne ne s’égare et ne fasse des calculs erronés, alors que notre seul but est la sauvegarde de la stabilité en barrant la voie à la fitna. Si cette ouverture est favorable à la détente, tant mieux. Mais les autres visées que l’on nous prête ne sont pas exactes, les jours à venir le prouveront.
Avez-vous ouï des reproches suite aux propos qui vous ont été attribués, lorsque vous avez dit: le Hezbollah nous a trahis et a trahi la
démocratie en souscrivant à la prorogation du
mandat du Parlement?
Premièrement, j’ai apporté des éclaircissements à ces propos, dès le lendemain. J’ai déclaré que nous ne faisions pas partie de l’unanimité qui s’était dégagée à ce sujet. Trahison signifie mensonge, or nous savions et étions conscients de cette prise de position. J’ai dit, ils ont trahi la démocratie et nous ont touchés, c’est vrai. Tout le monde sait que l’auto-reconduction d’un mandat parlementaire ne sert pas la démocratie. Existe-t-il une divergence avec le Hezbollah au sujet de la prorogation? Certainement, mais cela ne va pas plus loin.
Le président Nabih Berry dit ne pas avoir trahi le général Aoun au chapitre du maintien du
commandant en chef de l’armée dans ses fonctions, il dit avoir évoqué cette question devant les députés du CPL dont Ibrahim Kanaan…
S’il a évoqué le sujet, cela ne veut pas dire que nous devons l’approuver. Nous n’endossons pas les décisions prises par les autres, nous participons aux décisions. Je peux comprendre que nombreux sont ceux qui ont pris l’habitude de traiter les affaires des chrétiens en se contentant de les aviser. Nous devons être des artisans de la décision, participer à son adoption pour être partie prenante de l’Etat et préserver ses institutions, ses lois, et sa Constitution. Les décisions prises de cette façon depuis 1990 jusqu’aujourd’hui contribuent à la destruction de l’Etat. Preuve en est la conjoncture actuelle.
Le président Berry a convoqué une réunion des Commissions mixtes en inscrivant le projet gazier à son ordre du jour. Est-ce pour amadouer le général Aoun et l’encourager à participer à la séance
législative du 16 juillet?
Les deux séances sont indépendantes l’une de l’autre. Le projet a été transmis par le gouvernement en mars 2012, il est parvenu au Parlement en juin 2012. Nous avons beaucoup tardé. Si nous devions calculer le manque à gagner dû à ce retard, il s’élèverait à 1 milliard de dollars environ pour une année. Il est temps d’agir et mieux vaut tard que jamais. Mais cela n’a pas à voir avec notre présence à la séance législative. L’essentiel c’est que le projet soit entériné parce qu’il rattache le nord du Liban au sud et fournit le gaz à l’ensemble du littoral libanais, à toutes les centrales électriques et à toutes les industries. C’est une question fondamentale. On ne peut pas parler de gaz et de pétrole dans la mer sans les ramener sur terre.
Votre position quant à la reconduction du
commandant en chef de l’arme dans ses fonctions reste-t-elle inchangée?
C’est une position de principe. Lorsque le général Rifi est parti à la retraite, ils ont dit que cela engendrera du désordre chez les FSI. Les institutions militaires qui jouissent d’une hiérarchie bien structurée ne sont pas influencées par ces changements.
C’est-à-dire que l’armée ne sera pas dévastée par le départ du général Jean Kahwagi?
L’armée est une institution qui a son hiérarchie et sa gradation. Ce qui peut ruiner l’institution, c’est de jouer avec l’échelonnement comme ils l’ont fait avec les autres institutions en procédant à des prorogations fantaisistes. Chaque camp croit être en mesure de gagner l’appui de l’armée, par ce biais. Au contraire, nous voulons une troupe et un commandement qui se mettent au service de l’intérêt public et qui interviennent naturellement lorsqu’ils font l’objet d’une agression sans attendre une couverture politique à chaque fois. Ce genre d’opérations ne nécessite aucune couverture politique.
Propos recueillis par Saad Elias