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Nº 2906 du vendredi 19 juillet 2013

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Attentats, embuscades, assassinats. Le Hezbollah à découvert

L’attentat de la semaine passée ayant visé le périmètre sécurisé de la banlieue sud, bastion du Hezbollah, constitue tout un symbole, avec en toile de fond la polarisation croissante de la société libanaise, gangrenée par des rivalités de dimension confessionnelle. Quelles sont les factions derrière l’explosion? Magazine enquête.
 

Des groupes extrémistes seraient sans doute responsables de l’attentat de Bir el-Abed, dans la banlieue sud de Beyrouth, selon des sources bien informées. La voiture piégée, chargée de 
35 kg de matières explosives, a été garée dans l’ancien périmètre de sécurité du Hezbollah. L’attentat a fait 53 blessés.
Les attaques terroristes visant le Hezbollah se sont multipliées ces derniers mois. En avril, Jabhat al-Nosra et l’Armée syrienne libre (ASL) avaient menacé le Hezbollah, décriant son engagement dans la guerre en Syrie aux côtés du régime du président Bachar el-Assad.
Cet ultimatum avait été suivi par plusieurs attaques visant le Parti de Dieu. Deux roquettes ont frappé, le 26 mai, le sud de Beyrouth, blessant quatre personnes. Fin juin, deux bombes ont explosé au passage d’un convoi du Hezbollah dans la vallée de la Békaa, sans faire de victimes. Ces agressions ont été suivies par l’attaque terroriste de Dahié, le 9 juillet, provoquée par l’explosion d’un 4X4 de marque Nissan dans un parking situé dans le secteur de Bir el-Abed, culminant mardi matin avec l’explosion d’une bombe au passage d’une voiture du Hezbollah ayant fait deux blessés.
L’attentat de Dahié a été revendiqué par un groupuscule syrien inconnu appelé la Brigade 313, en représailles à la participation du Hezbollah à l’offensive de l’armée régulière syrienne sur la ville de Homs.
Au Liban-Nord, les salafistes de Tripoli nient toute implication dans ces activités terroristes. Tout en s’abstenant d’exclure la participation de certains éléments radicaux libanais à une telle opération, ils assurent disposer d’autres informations, notamment «d’une possible coordination entre les membres de l’ASL et certaines factions palestiniennes dans le cadre de cette affaire», explique une source salafiste s’exprimant sous couvert d’anonymat. Les relations entre Libanais et Syriens se seraient renforcées lorsque certains Libanais ont combattu auprès de groupes islamistes en Syrie, comme les Brigades Farouk.

Extrémistes arrêtés
Une information que semble confirmer l’arrestation cette semaine de cinq militants par l’Armée libanaise. Deux Syriens, un Libanais et deux Palestiniens, circulant à bord d’une camionnette chargée d’explosifs, ont été appréhendés dans le secteur de Ersal. «Les deux Palestiniens impliqués dans ce dernier incident étaient des militants proches du (commandant du Fateh) Mounir Maqdah», commente Hajj Maher Oueid, chef de Ansarallah, faction proche du Hezbollah.
Hajj Oueid souligne la volonté des principales factions palestiniennes d’éviter tout enlisement dans le conflit libanais. «Je ne vais pas exclure pour autant la participation au niveau individuel de certains Palestiniens dans des activités terroristes. Cependant, les personnes suspectes sont étroitement surveillées», ajoute-t-il.
Selon la version officielle, l’Armée libanaise a saisi, dimanche, une camionnette remplie d’armes et d’explosifs à un barrage à Ersal dans la Békaa. Les cinq personnes arrêtées portaient des ceintures d’explosifs avec l’inscription «Il n’y a de Grand que Dieu», un slogan principalement attribué aux groupes affiliés à al-Qaïda. Selon certaines informations, les personnes arrêtées seraient liées au Front al-Nosra, proche d’al-Qaïda, et tentaient d’entrer en Syrie. Le chauffeur, ainsi que plusieurs autres personnes impliquées dans l’affaire, ont été livrés aux autorités pour les besoins de l’enquête. Le véhicule transportait une quantité d’armes et de munitions, de grenades et de détonateurs d’engins explosifs.
Selon certaines sources salafistes, l’implication à plus haut niveau des mouvances radicales est devenue quasi impossible par le manque de financement. «Le cheikh Ahmad el-Assir a bénéficié de la générosité d’émirs et d’hommes d’affaires arabes en s’appuyant sur les relations du chanteur Fadel Chaker (de son vrai nom Chmandour), ce qui n’est pas le cas pour les autres militants», ajoute une autre source.
Bien que l’absence de financement soit une indication de celle d’une volonté régionale de manipuler les cellules radicales au Liban dans l’immédiat, le chaos politique sur la scène locale, ainsi que la radicalisation du sentiment sectaire entre sunnites et chiites, pourraient facilement être exploités par al-Qaïda.
D’une part, les sunnites libanais et les réfugiés syriens, également sunnites, dont le nombre est estimé à plus d’un million (d’ici à décembre, une personne sur trois au Liban sera de nationalité syrienne selon World vision), soutiennent en grande partie les rebelles syriens. Par ailleurs, la plupart des chiites sont partisans du régime du président Assad. Cette polarisation grandissante, conjuguée à l’affaiblissement de l’Etat et au pourrissement de la situation sécuritaire, pourrait permettre à al-Qaïda de renforcer sa présence au Liban. Cette possibilité a d’ailleurs été étayée par plusieurs rapports émanant de sources salafistes et palestiniennes, soulignant l’émergence du Front al-Nosra dans les camps des réfugiés palestiniens dans le pays. «Al-Qaïda aurait certainement revendiqué un tel attentat dans le cas où elle en aurait été responsable», commente le cheikh Omar Bakri, un salafiste d’origine syrienne.
Selon un rapport qui circule à Beyrouth depuis fin juin, c’est-à-dire avant l’attentat de Bir el-Abed, les services de sécurité libanais ont reçu des informations de leurs homologues américains indiquant qu’al-Qaïda avait préparé deux grands engins explosifs visant Dahié. L’Agence centrale de renseignement américaine (CIA) aurait informé les autorités libanaises de l’introduction au Liban, par un groupe 
d’al-Qaïda, de grandes quantités d’explosifs. Dans un premier rapport, les Américains auraient affirmé posséder des informations selon lesquelles une formation de cette mouvance aurait piégé deux camions avec sept tonnes d’explosifs.
Le deuxième rapport stipule qu’un autre groupe ayant des liens avec al-Qaïda aurait introduit près de 2 000 kg d’explosifs au Liban destinés à des attaques visant  l’Armée libanaise, les intérêts du Hezbollah et les ambassades de l’Arabie saoudite et du Koweït à Beyrouth, et éventuellement, des diplomates russes et chinois.
Que ces opérations soient le fait d’al-Qaïda ou le résultat d’une convergence d’intérêts entre des factions syriennes, palestiniennes et libanaises radicales ne change rien à la configuration politique d’une extrême dangerosité qui semble se former au Liban.
Des sources proches du Hezbollah ont par ailleurs affirmé que deux engins explosifs avaient été désamorcés ce week-end, l’un dans les environs du Conseil supérieur chiite, l’autre près de la municipalité de Ghobeiri. Magazine n’a pas pu vérifier ces informations auprès de l’Armée libanaise.
Certaines sources du service de renseignement de l’Armée libanaise soulignent néanmoins que Dahié n’est plus désormais la seule cible, l’armée étant également dans le collimateur des groupes terroristes. «Jusqu’à présent, les politiques et les services de renseignement ont toujours pu contrôler dans une certaine mesure les militants, mais les récents événements ont montré que certains combattants agissaient d’une manière autonome», ajoutent-elles. 


Mona Alami

Deux attentats en une semaine
Mardi 16 juillet, un convoi du Hezbollah qui se dirigeait vers la frontière syrienne a été visé par l’explosion d’une bombe dans la localité d’Akramié, près de la ville de Majdel Anjar. L’un des véhicules du convoi, de type GMC, a été touché. Deux personnes ont été blessées, Hussein Bdeir et Fadi Hijazi. Les autres véhicules faisant partie du convoi ont poursuivi leur route. Mercredi, le politicien syrien Mohammad Jammo, proche du régime, a été criblé de balles par des assaillants dans le secteur de Sarafand au Liban-Sud.

Une Palestinienne arrêtée?
Le Hezbollah aurait été mis au courant de la voiture piégée quelques minutes avant qu’elle n’explose, le 9 juillet à Bir el-Abed, a indiqué le site d’informations en ligne, Now Lebanon. Le Hezbollah aurait alors demandé aux habitants de s’éloigner du parking, ce qui expliquerait l’absence de morts et la nature superficielle des blessures subies par les victimes, ainsi que les dégâts qui étaient matériels. Selon une source citée par Now Lebanon, «une femme palestinienne, voilée et vêtue d’une djellaba noire, aurait garé la voiture dans le parking». Elle a affirmé que la photo de la femme publiée par l’AFP correspondait à celle de la personne suspectée interpellée par des membres du Hezbollah et embarquée à bord d’une voiture.

La brigade 313
Un groupe rebelle syrien peu connu appelé Liwa’a (Brigade) 313, qui serait une faction appartenant à l’Armée syrienne libre (ASL), a revendiqué la responsabilité de l’attentat à la bombe de Bir el-Abed. Dans un communiqué publié en langue arabe sur Facebook, le groupe s’en est pris à l’Etat libanais qui 
soutiendrait le Hezbollah. La brigade a indiqué que l’explosion était une réponse à la 
participation de ce dernier à l’offensive du régime syrien contre la ville de Homs. «Nous avons mis en garde contre l’intervention [du Hezbollah] en Syrie à plusieurs reprises», a ajouté la brigade. Le groupe rebelle a 
également affirmé qu’il était derrière l’attaque d’un convoi du Hezbollah dans l’est du Liban, le 28 juin. De son côté, l’Armée syrienne libre a condamné l’attaque dans la banlieue sud la décrivant comme un acte «terroriste».

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