Il était une fois la famille Rahbani. Assi, Mansour et Feyrouz, puis Elias, puis Ziad, puis Oussama, Ghadi, Marwan… Des générations qui se succèdent, des styles qui se croisent, se décroisent, se différencient, se retrouvent, s’affirment. Chacun a apporté sa pierre à l’édifice, son énergie, son inspiration, son souffle, son innovation. Dans l’histoire de notre pays, dans l’histoire de notre musique, une légende qui se perpétue.
Durant deux soirées, les 17 et 18 juillet, Oussama et Ghadi Rahbani ont présenté un bouquet de chansons du répertoire des Rahbani, toutes générations confondues, devant un public venu par milliers, de toutes les régions libanaises, pour assister à ces moments grandioses, ces moments glorieux d’un Liban qui essaie toujours de garder espoir. Parce que les airs des Frères Rahbani resteront toujours, au-delà de tout, synonymes d’un Liban de gloire. C’est à partir de cet acquis que Ghadi et Oussama Rahbani ont produit ce concert, en puisant dans le répertoire des frères Rahbani certains morceaux qu’ils ont réarrangés, mais également dans le répertoire d’Elias Rahbani et le leur évidemment, pour nous présenter, comme l’affirme Ghadi au début de la soirée, une promenade sur le chemin des Rahbani, depuis les débuts jusqu’à aujourd’hui.
La musique, un moment de gloire
Dès le moment où les artistes font leur entrée, le public ressent la splendeur de ce moment qu’il espère magique. L’orchestre est impressionnant; plus d’une trentaine de musiciens, entre Libanais et membres de l’Orchestre symphonique national d’Ukraine, dirigés par le chef d’orchestre Vladimir Sirenko, et accompagnés par un chœur de vingt voix féminines et masculines. Et au piano évidemment Oussama Rahbani lui-même. Tour à tour se succéderont face au micro des voix qu’on connaît depuis des années et d’autres qu’on est toujours en train de découvrir: Ronza, Hiba Tawaji, Ghassan Saliba, Simon Obeid, Nader Khoury et Elie Khayat.
Le concert est présenté en deux temps, entrecoupés par un entracte, où les chansons alternent entre ambiance romantique et patriotique, puissance et douceur, force et légèreté. Chacun des interprètes donnera corps d’une manière particulière aux morceaux qu’il entonne: fragilité et profondeur pour Ronza, puissance et douceur pour Hiba Tawaji, et une virilité différente à chaque fois pour Ghassan Saliba, Simon Obeid, Nader Khoury et Elie Khayat. Même si le répertoire n’était pas aussi jouissif qu’on l’aurait espéré, le public se laisse emporter sur les rivages d’un voyage dans le temps. Entre les gradins, on ne cesse de reprendre les paroles, de fredonner les rythmes, d’osciller les mains, pris par le moment; les plus âgés voyagent dans leurs souvenirs, les plus jeunes découvrent le passé de leurs parents. Parce que le public est composé de spectateurs de toutes les générations, venus en famille, en couple, entre amis. Un concert de la famille Rahbani ne se rate pas, même si, malgré tout, au-delà de tout…
Et c’est un vrai moment de puissance quand Hiba Tawaji interprète la composition d’Oussama Rahbani, Lazim nghayir el-nizam, une chanson patriotique d’une certaine manière et qui sonne tellement d’actualité, aussi moderne que contemporaine. Et Hiba Tawaji parvient à nous secouer merveilleusement, à nous sortir de notre léthargie, avec sa voix tour à tour puissante, fragile, lyrique, forte, qui oscille au fil des émotions que les paroles suscitent et qui enclenchent en vous une kyrielle de sensations et de frissons, toujours d’actualité. Un cri venu du cœur, retentissant, poignant. Et qui fait écho à un autre cri du cœur, la dernière chanson écrite par Mansour Rahbani et arrangée par Oussama. Sabah el-kheir, ou ce salut respectueux que feu Mansour Rahbani adressait chaque matin à sa patrie. Présentée en première au Festival international de Byblos, Sabah el-kheir est interprétée par Hiba Tawaji d’une voix de douce mélancolie: «kill yawm b’ellak sabah el kheir, ya watani elli tayer 3a jnah el tayr». L’esprit des Rahbani s’incarne sur scène pour redonner courage au public.
Nayla Rached