Cette semaine, dans le flot des articles d’opinion décortiquant la décision prise par l’Union européenne contre le Hezbollah, des reportages de fond sur des thèmes peu repris par les médias locaux. Florilège.
Women in the World
The Daily Beast est un site d’informations américain qui publie uniquement des opinions ou des analyses qu’il veut sans pitié. Il héberge le célèbre Newsweek et Women in the World, qui traite de l’actualité des femmes dans le monde. Cette semaine, il consacre un reportage aux réfugiées syriennes du Liban, contraintes à la «prostitution de survie».
Elles ont fui une guerre pour se retrouver prisonnières d’une autre, dans un conflit beaucoup moins couvert, sans balles ni missiles. Les armes utilisées ici sont le harcèlement, les abus sexuels, la violence domestique et l’exploitation par des gens peu scrupuleux, obligeant les victimes à accepter de se prostituer, d’autres à vendre leurs filles comme cadeau de mariage. Pour beaucoup de femmes syriennes qui ont cherché refuge dans le Liban voisin, leur terre d’accueil est chargée de nouvelles menaces, de nouvelles souffrances. En dehors de l’appartement de trois pièces qu’elle partage, avec son mari, ses cinq enfants et six autres parents, Maryam raconte un harcèlement sexuel incessant, du flirt léger aux caresses plus poussées, jusqu’aux faveurs sexuelles exigées par des propriétaires de magasins ou des représentants de l’Etat (…). Certains travailleurs humanitaires ne sont pas exempts de tout reproche. C’est une amie divorcée, mère de deux enfants, qui l’a raconté à Maryam. «Un membre d’une ONG lui a proposé de coucher avec elle contre tout ce qu’elle demanderait (…). A cause du stress et de toutes ces histoires, la relation avec mon mari a changé. Alors qu’il ne l’avait jamais fait, mon mari frappe les enfants, me dispute, me hurle dessus. C’est devenu intenable». Une responsable de l’UNHCR s’inquiète. «Je crois que les cas qui sont portés à notre connaissance ne sont que la pointe d’un gigantesque iceberg».
Al-Hayat
Dans l’une de ses éditions de la semaine dernière, al-Hayat titre Un parti qui ne se trompe jamais.
Rien n’affecte le Hezbollah. Rien. Ni sa mise à l’index par l’Union européenne, ni la décision similaire du CCG (Conseil de Coopération du Golfe), ni les centaines de cercueils de ses combattants qui meurent en Syrie, ni ses failles sécuritaires, ni la campagne médiatique contre lui qui ne mérite que des moqueries et des sourires énigmatiques. Mais il y a une justification à cette arrogance. En effet, depuis sa création, le parti s’est abrité entre deux parapets. Le premier, son rôle d’outil régional au service de l’axe syro-iranien; le deuxième, sa large représentativité au sein de la communauté chiite du Liban. Quand le premier est menacé, le Hezbollah peut se réfugier sous le deuxième. C’est comme cela qu’il fonctionne depuis sa création.
Cette stratégie accorde au parti la possibilité de se démarquer des exigences intérieures libanaises. Chaque fois que le parti est confronté à des objections arabes et internationales entourant son rôle en Syrie par exemple, il descend à l’étage inférieur et assure qu’il a un droit de veto dans l’équation politique libanaise. Cette caractéristique unique dont jouit le parti lui donne le droit d’être arrogant et de se moquer d’eux, et permet à ses chroniqueurs de décrire les Libanais qui ne pensent pas comme eux d’ignorants et d’incapables.
The Daily Beast
Dans The Daily Beast cette fois, une analyse sur «le jeu d’al-Qaïda» au Liban. Des jihadistes affiliés à al-Qaïda sont en train de nouer des alliances avec des groupes radicaux sunnites au Liban afin d’utiliser le pays comme une base arrière du jihad global et de recruter des combattants sur le front syrien. Des sources de l’Armée libanaise s’inquiètent de l’activité grandissante de ces groupuscules qui mobilisent énormément de leurs ressources en hommes et en temps. Avec le Hezbollah qui contrôle une grande partie du sud du Liban et de la vallée de la Békaa, il y a peu de régions isolées où les groupes djihadistes peuvent opérer librement. Les exceptions sont la douzaine de camps de réfugiés abritant plus de 400000 Palestiniens à travers le pays, ainsi que la campagne autour de la ville septentrionale de Tripoli […].
La population de Aïn el-Heloué, avant la guerre civile syrienne, s’élevait à environ 80000, mais le camp aurait accueilli, depuis, près de 27000 personnes de plus, principalement des Palestiniens de Syrie; une surpopulation et un hétéroclisme qui attisent les tensions. Parmi ces nouveaux arrivants, on compte des islamistes purs et durs, explique le général à la retraite Hicham Jaber, qui s’ajoutent aux éléments radicaux qui étaient déjà dans le camp. «Personne ne sait quand les jihadistes se réveilleront vraiment. Il y a sans doute des milliers de combattants dans les camps».
Washington Post
Voici le reportage le plus diffusé cette semaine sur les réfugiés syriens au Liban «qui font face à la suspicion». Il est signé Diaa Hadid, correspondante d’Associated Press, notamment repris par le Washington Post.
Ils sont légers, faciles à assembler et munis de couvercles qui sont censés vous garder au frais en été et chaud en hiver. L’agence pour les réfugiés des Nations unies propose des logements individuels en kit pour les Syriens fuyant la guerre civile dans leur pays. Mais cette initiative rencontre la résistance féroce des autorités libanaises, qui craignent que l’amélioration des conditions de vie des réfugiés syriens les décourage de rentrer chez eux après la fin des combats; ce qui frustre les organisations humanitaires qui tentent désespérément de canaliser le flux massif des réfugiés à travers le pays.
La position du Liban s’explique par l’expérience de la guerre civile et son déclenchement que de nombreux Libanais attribuent à la présence des réfugiés palestiniens. Beaucoup observent les Syriens avec suspicion et s’inquiètent de la possibilité que les réfugiés, pour la plupart musulmans sunnites, s’installent de façon permanente, bouleversant le délicat équilibre confessionnel du pays.
En un jour, ce sont des centaines, voire des milliers de réfugiés qui franchissent la frontière, avec leurs enfants et leurs biens. En se promenant à Beyrouth, on aperçoit des Syriens dans les parkings souterrains, sous les ponts ou sur des chantiers de construction, qui vivent sans eau courante ou électricité…
Vice
Le magazine américain décapant Vice titre cette semaine Les religieux renégats combattent le Hezbollah. L’auteur de l’article s’est mis en tête de rencontrer Ahmad el-Assir, avant les affrontements de Saïda. Justin Salhani était au cœur des affrontements autour du KFC de Saïda. Il raconte son expérience.
Après les affrontements entre les hommes d’Assir et les Brigades de la Résistance (le 18 juin), l’armée a mis en place un check-point au pied de la montée qui mène à la mosquée Bilal Ben Rabah. Après l’avoir prise, je me retrouve face à un jeune homme, grand et sombre, d’une vingtaine d’années. Il m’a conduit dans un petit appartement attenant à la mosquée. Derrière un bureau, un cheikh d’une cinquantaine d’années qui porte une longue barbe blanche. Ce n’est pas Assir. «Je suis désolé mais vous ne pourrez pas voir le cheikh aujourd’hui», m’explique-t-il. «L’armée a arrêté deux de nos hommes ce matin, et je crois que les choses vont empirer». Acceptant mon malheur, j’ai quitté la mosquée et j’ai décidé de manger un morceau au KFC. En m’asseyant pour manger sur la terrasse extérieure à environ 14 heures, j’ai aperçu un cheikh en train de discuter avec un soldat, jusqu’à ce que deux hommes armés en gilet pare-balles arrivent et commencent à crier en pointant leurs fusils en l’air…
Julien Abi Ramia
Le Figaro
Science et homosexualité
Au Liban, des médecins prônent un discours scientifique sur l’homosexualité. Extrait d’un article du Figaro.
C’est une première au Moyen-Orient. Choquée par des cas récents d’abus à l’encontre de la communauté gay et par l’apologie de certains psychologues adeptes de la «thérapie réparatrice», la Société libanaise de psychiatrie (SLP) a voulu rappeler quelques vérités scientifiques concernant l’homosexualité. L’incitation à la «reconversion sexuelle» est souvent portée par la religion et est popularisée dans des talk-shows. Un homme, se présentant comme un «ex-gay», a ainsi comparé son «retour» à l’hétérosexualité comme un «retour à la foi», rapporte le moniteur libanais LGBT des médias. D’autres talk-shows ont présenté l’homosexualité comme étant une «maladie».