Magazine Le Mensuel

Nº 2913 du vendredi 6 septembre 2013

LES GENS

Atef Majdalani au service des autres

La médecine et la politique sont, pour lui, deux vocations qui ont un seul et même but: être au service des autres. Profondément attaché à la pluralité du Liban, il se veut modéré et prône le dialogue. Depuis l’an 2000, il est le député grec-orthodoxe de Beyrouth et fait partie du Courant du futur. Portrait du docteur Atef Majdalani.

Né à Beyrouth, il  passe son enfance et son adolescence entre Mazraa et Mssaïtbé. Il fait ses études scolaires au Lycée et à l’école Saint-Elie Btina. Alors qu’il est en classe de seconde, il se trouve impuissant à assister un oncle mourant, c’est alors que naît chez lui le goût pour la médecine. «Après avoir passé plus de cinquante ans aux Etats-Unis, un de mes oncles maternels, âgé de 75 ans, est venu s’installer chez nous. Un jour où il avait quelques formalités à faire, je l’ai accompagné. En fin de journée, il était très fatigué. Il a consulté un médecin. Je l’ai veillé cette nuit-là. J’étais assis à son chevet et je voyais qu’il avait des difficultés à respirer et je ne savais pas quoi faire. Dans la nuit, il est décédé sous mes yeux. Cet événement m’a marqué, et depuis ce jour-là, j’ai voulu être médecin», dit Atef Majdalani.
Après avoir obtenu une bourse, c’est à Saint-Pétersbourg, à l’époque encore Leningrad, qu’il fait pendant sept ans des études de médecine. «Je suis ensuite revenu au Liban où j’étais résident en médecine à l’hôpital Saint-Georges avant de me rendre en France où j’ai étudié la neurologie», raconte Atef Majdalani. Il passe quinze ans en France où il exerce la médecine. Il présente avec succès le concours des praticiens des hôpitaux et, pendant cinq ans, il est praticien des hôpitaux de Paris. En 1992, il rentre définitivement au Liban et travaille à l’hôpital Saint-Georges et au Sacré-Cœur jusqu’en 1997, date à laquelle il devient à plein temps à l’hôpital Saint-Georges.

Entre médecine et politique
Sa décision de faire la politique est venue après avoir pratiqué la médecine. «Pour moi, la médecine est une vocation, une sorte de mission. Je faisais mon devoir en tant que médecin, mais je considérais que c’était limité. Par le biais de la politique je pouvais donner encore plus qu’en tant que médecin dans un hôpital». C’est à travers les yeux du médecin que Atef Majdalani porte un regard sur la politique. «Mon slogan a toujours été: la médecine et la politique sont une même profession humanitaire». Pour lui, il n’existe aucun tiraillement entre les deux, puisqu’en définitive, les deux ont le but de servir. «La politique est pour moi le moyen de servir les autres à une échelle nationale». Quand on lui demande s’il n’est pas trop idéaliste, il répond tout simplement: «Si on n’est pas idéaliste, on ne peut pas avancer. Mais en même temps, je suis parfaitement réaliste et je sais qu’on ne peut pas atteindre l’idéal, mais il faut quand même faire quelque chose, apporter un petit plus pour son pays».
C’est après son arrivée au Liban qu’il fait la connaissance de Rafic Hariri par le biais d’un ami commun, l’ophtalmologue Hosni Majzoub. «Hariri m’a proposé de me présenter aux élections législatives. Ce fut l’occasion pour moi de commencer une collaboration politique avec lui. C’était facile, car nous avions les mêmes soucis et nous partagions la même vision concernant l’avenir du Liban». «C’était une collaboration tout à fait naturelle. Ce n’était pas une relation de chef à subordonné, notre relation était marquée par l’amitié et la confiance». C’est ainsi que Atef Majdalani décrit sa relation avec Rafic Hariri. «Contrairement à l’impression que l’on pourrait avoir de l’extérieur, dit-il, Rafic Hariri était un homme qui écoutait beaucoup. Ce n’était pas quelqu’un qui dictait sa volonté. Souvent, il lui arrivait de changer d’avis lorsqu’on réussissait à le convaincre. Il disait tout le temps, au lieu de critiquer, proposez des solutions». Aujourd’hui, la relation avec Saad Hariri n’est pas pareille. «On ne peut pas comparer les deux relations. Elles sont certainement différentes quoique le principe est toujours le même. Il y a une chose que Saad Hariri partage avec son père, c’est la qualité de l’écoute». Lorsque commence sa relation avec Rafic Hariri en 1995, Saad est encore tout jeune. «Il y a une relation humaine très forte entre nous. Je connais toute la famille depuis longtemps», dit-il.
Candidat aux législatives de 1996, ce n’est qu’en 2000 qu’il sera élu pour la première fois député. Il est également président de la Commission parlementaire de la Santé publique où il se retrouve totalement. «C’est une grande responsabilité. Il existe beaucoup de points négatifs dans notre système de santé publique où l’on fonctionne par à-coups». Dès le départ, il essaye de faire l’inventaire du système en collaboration avec le bureau du Pnud qui existe au Parlement, et dont la mission est d’assister les députés dans tout ce qui est logistique. «J’ai essayé de combler les points négatifs. Sur le plan législatif, j’ai travaillé sur trente-trois projets de lois dont je suis cosignataire et douze autres projets qui portent ma signature uniquement. Je suis fier de ce travail, mais j’estime que j’aurais pu faire encore mieux».

Modération et ouverture
En 2005, les conditions de sécurité rendent l’exercice de la médecine très difficile. «Je ne pouvais plus donner de rendez-vous à mes patients et je n’avais plus le temps de les suivre de près. C’est une grande responsabilité à laquelle il faut consacrer du temps. De plus, j’ai été bloqué chez moi pendant deux ans. Je ne pouvais plus sortir avant d’avoir vécu dans les hôtels, des prisons cinq étoiles». Face à cette situation, il se voit dans l’obligation de renoncer à la neurologie. «La médecine avance quotidiennement et si on n’est pas à jour, on ne peut pas être à la hauteur. Je ne peux pas revenir à la médecine avec quelques années de décalage. Il est vrai qu’Internet aide beaucoup, mais ce n’est pas pareil. Avec la pratique, on gagne de l’expérience et ce sont ces deux éléments qui font un bon médecin», souligne Majdalani.
Marié, depuis 1998, à Gladys Amine 
el-Aour, Atef Majdalani a une excellente relation avec le fils de son épouse, Tarek Chéhab. «Nous avons de très bons rapports tous les deux et Tarek m’aide beaucoup. C’est lui, d’ailleurs, qui s’occupe de mon Facebook», confie le député.
Face aux bouleversements et aux incertitudes que traverse toute la région, Atef Majdalani estime que si les chrétiens savent faire prévaloir la modération dans la vie politique, ils auront toujours leur place. «Ce qui me fait peur c’est la perte de cette modération dans les différentes factions libanaises. L’extrémisme chiite tente d’affaiblir la modération du Courant du futur et fait émerger de nouveaux courants extrémistes». Malgré tout, il croit encore dans ce pays. «Le Liban est passé par différentes étapes. Les maronites ont cru pouvoir gouverner le pays grâce aux Français et pendant les événements grâce aux Israéliens et n’ont pas réussi. Les sunnites ont essayé de le faire à travers les Palestiniens et ont échoué. Aujourd’hui, c’est au tour des chiites de tenter ce projet avec l’aide de l’Iran et de la Syrie et ils ne vont pas réussir. Le Pays du Cèdre ne peut être gouverné par une seule communauté». Et de conclure: «Le Liban ne peut survivre que par la modération et le pluralisme». 


Joëlle Seif
Photos Milad Ayoub-DR

La loi antitabac
La plus grande réalisation de Atef Majdalani est incontestablement la loi N°174 interdisant de fumer dans les endroits publics. Il en est fier. Elle a nécessité onze ans de travail et d’effort pour être finalement appliquée. Même si cette loi n’a pas fait l’unanimité, il n’en demeure pas moins que c’est un grand pas en avant dans la lutte antitabac. Majdalani est, toutefois, surpris par la réaction des femmes qui sont plus réfractaires que les hommes à l’égard de cette loi. «Souvent, elles me disent être humiliées lorsqu’elles sont forcées de fumer une cigarette sur le pas de la porte 
du restaurant».

Ce qu’il en pense
Social Networking: «Je suis sur Facebook et Twitter. Ils ont un côté très positif, mais le problème réside dans le manque de contact personnel avec les gens. C’est froid et cela ne remplace pas les relations humaines 
auxquelles je tiens beaucoup. J’aime 
observer les expressions face à face et cela vous donne une impression plus exacte de la réaction des gens».
Ses loisirs: «La lecture et les voyages. Dans le temps je faisais beaucoup de sport et j’ai été pendant quelques années président du racing club».
Sa devise: «Tout est relatif dans la vie. Je reprends les propos de Jacques Attali qui disait que cinq Juifs ont changé la face du monde: Moïse qui a dit que tout est dans la loi, Jésus qui a dit que tout est dans l’amour, Marx qui a dit que tout est dans le capital, Freud qui a dit que tout est dans le sexe et Einstein qui a dit que tout est relatif».

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