L’enquête sur le double attentat devant les deux mosquées de Tripoli, le 23 août dernier, révèle des éléments nouveaux. Après l’arrestation du cheikh Ahmad el-Gharib, membre du mouvement islamiste al-Tawhid, le chef de cette organisation, le cheikh Hachem Minkara, a été libéré sur ordre du juge d’instruction militaire Riad Abou Ghida.
L’affaire est déférée devant le premier juge d’instruction militaire, Riad Abou Ghida, qui a émis deux mandats d’arrêt à l’encontre du cheikh Gharib et du journaliste Moustafa Houri. Il a demandé la mise en liberté sous caution d’élection de domicile du cheikh Minkara accusé d’entrave à la justice. Ce dernier aurait été au courant d’un «projet terroriste et n’en avait pas informé les autorités», avant que le juge Sakr Sakr ne décide de le garder en détention et de le déférer devant la Cour de cassation militaire.
Le cheikh Gharib est accusé, avec le journaliste Houri qui a, occasionnellement, travaillé pour des chaînes libanaises de télévision, puis pour la chaîne irakienne Asia basée à Beyrouth, d’avoir «fait partie d’une cellule terroriste qui a placé les voitures piégées devant deux mosquées à Tripoli» dont font partie deux ressortissants syriens: le capitaine Mohammad Ali, responsable des services syriens de sécurité à Tartous, et le dénommé Khodr el-Aryane.
Diverses versions ont été avancées. La première fait assumer au régime syrien la responsabilité des deux attentats: le cheikh Gharib aurait été au courant de ce qui se tramait et avait rencontré un officier syrien.
Selon une autre version, un rapport de travail liait Houri au cheikh Gharib en contact depuis près d’un an et demi, mais que des différends ont séparés il y a un mois. Le cheikh Ahmad el-Gharib aurait informé des proches que Houri avait évoqué avec lui des questions liées à la sécurité.
La troisième version est que le cheikh Gharib aurait informé le cheikh Minkara, il y a six mois, que des officiers syriens lui avaient demandé de collecter des informations sur l’ancien directeur des FSI, Achraf Rifi, et sur deux cheikhs de la ville de Tripoli, Salem Raféï et Bilal Baroudi, ainsi que sur les députés Khaled Daher et Moustafa Allouch, l’informant qu’ils préparaient des attentats contre eux. Ils l’avaient chargé de trouver les personnes pouvant exécuter le plan. Il a pris contact alors avec Moustafa Houri. Ce dernier en aurait immédiatement informé Achraf Rifi de l’agression qui se fomentait contre lui. C’est ainsi que les services de renseignements des FSI ont été informés.
De son côté, Rifi affirme que Houri lui a rendu visite, il y a un mois, pour l’informer que le général syrien Ali Mamlouk prépare des attentats contre la ville de Tripoli, et qu’il l’avait dirigé sur les services de renseignements des FSI.
Selon cette version, le cheikh Minkara a été mis au courant du complot par le cheikh Gharib et a refusé d’y prendre part.
Le cheikh Hachem Minkara est considéré comme l’un des leaders du mouvement al-Tawhid, depuis sa création en 1982 sous la présidence du cheikh Saïd Chaaban. Il avait pris alors la direction de l’«émirat du Mina», et mené des batailles contre plusieurs partis, notamment le parti communiste, dont les éléments ont été victimes de ce qui fut connu sous le nom du «massacre des communistes» dans la région du Mina.
En 1985, après la guerre conduite par la coalition des partis sous l’égide de l’armée syrienne, la mainmise du mouvement al-Tawhid sur Tripoli et Mina a réalisé un grand coup. Le cheikh Minkara a été obligé de fuir vers les hauteurs de Dennié, où il fut arrêté en 1986 et conduit en Syrie où il fait plus de quinze ans de prison. Libéré en 2000, il retourne chez lui, à Mina, et reprend le contrôle de la mosquée Issa Ben Maryam, considérée comme l’un des centres du mouvement al-Tawhid avant 1985. Il avait annoncé son appui à la Résistance et sa scission du mouvement al-Tawhid dirigé, depuis 1988, par le cheikh Bilal Chaaban après le décès du cheikh Saïd Chaaban.
Au cours de cette période, Minkara s’est rapproché du Hezbollah et est resté en contact avec les autorités syriennes. Fin 2012, un incident a éclaté devant la mosquée Issa Ben Maryam avec des éléments salafistes poussant l’Armée libanaise à intervenir. Minkara a remis la mosquée à Dar el-Fatwa. Et depuis, il s’est éloigné des médias.
Arlette Kassas
Le régime syrien accusé
La justice libanaise a déjà accusé directement le régime syrien d’être impliqué dans une
tentative de déstabilisation du pays. En février, la peine de mort a été requise contre
l’ex-ministre libanais Michel Samaha et le chef des Renseignements syriens Ali Mamlouk, jugés devant un tribunal militaire pour avoir voulu commettre des attentats contre des
personnalités libanaises.