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Nº 2913 du vendredi 6 septembre 2013

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Demeures anciennes. Leur préservation n’est pas garantie vu l’incidence foncière élevée à Beyrouth

Les Libanais se préoccupent-ils suffisamment de préserver leur patrimoine immobilier? Font-ils assez de résistance face à la flambée des prix des terrains en refusant de vendre leurs anciennes demeures, qui représentent la mémoire de leur patrie et l’image de leur culture ancestrale? Selon la loi en vigueur, la loi des Antiquités de 1930 obsolète, tout bâtiment construit avant 1700 est considéré comme ayant une valeur historique. Le ministère de la Culture considère aujourd’hui qu’un bâtiment ayant une valeur patrimoniale est antérieur à l’introduction de l’architecture moderne au Liban (vers 1940). L’interdiction de démolition frappe les bâtiments appartenant à une typologie traditionnelle claire (bâtiment «à hall central» par exemple). La loi de 1930 ne s’applique pas au patrimoine architectural; un projet de loi moderne a été élaboré par les ministres Ghassan Salamé et Tarek Mitri, mais n’a pas été voté au Parlement.
Selon Fadlallah Dagher, architecte et membre actif de l’Association pour la préservation des sites et anciennes demeures (Apsad), les bâtiments à valeur patrimoniale se trouvent sur l’ensemble du territoire. Cependant, ils sont menacés quand la pression immobilière est importante (ce qui se traduit par des taux d’exploitation élevés et un coût important du terrain), comme c’est le cas à Beyrouth. Les vieilles villes de Saïda et Tripoli sont en principe protégées par des plans de préservation. Dagher souligne qu’«il n’y a pas de critères clairs qui puissent s’appliquer au sujet des prix des anciennes demeures. Alors qu’une maison de montagne, même en mauvais état, a une valeur certaine, selon la qualité de sa construction ou son esthétique, une maison à Beyrouth n’a aucune valeur marchande intrinsèque: cela est dû au prix extrêmement élevé du mètre carré de terrain à Beyrouth, et au très fort potentiel à bâtir associé à la demande immobilière, alors qu’en montagne, les coefficients d’exploitation et le prix des terrains sont bas, ce qui valorise le bâtiment. Il est commun de considérer que conserver une ancienne maison à Beyrouth est un «gaspillage» ou un luxe excessif, alors que cela semble aller de soi en province».
L’expert justifie sa réflexion par des chiffres qui, bien plus que les mots, illustrent la situation. Le coût de réhabilitation d’un bâtiment ancien varie entre 2 000-2 500 dollars/m2, alors que le prix moyen du mètre carré de terrain à Beyrouth est de 8 000 dollars. Quant à l’incidence foncière moyenne dans la capitale − ce qui équivaut au nombre de mètres carrés constructibles sur un terrain (prix du terrain/m2 vendable) − elle se situe dans une fourchette entre 1 600 dollars et 1 800 dollars/m2. Parallèlement, le prix moyen du mètre carré de terrain en montagne varie entre 100 et 150 dollars pour une incidence foncière en montagne s’étendant entre 100-150 dollars/m2.
Interrogé sur ce que signifie «un bâtiment en fin de vie», Fadlallah Dagher explique que «cela dépend du type et des techniques de construction: les bâtiments à structure en béton armé ont une durée de vie maximale de 100 ans. Les bâtiments à structure en pierre (ou en pierre et bois) ont une durée de vie quasi illimitée, pourvu qu’ils soient protégés des eaux et des séismes… Et d’ajouter: «Cela peut aussi être lié à la fonction de ces bâtiments, qui peuvent devenir obsolètes et inhabités. Ainsi, il s’agira de requalifier le bâtiment (lui assigner une autre fonction), ou de le transformer, ou, enfin, de le démolir».
En deux mots comme en mille, tout bâtiment en fin de vie n’est pas nécessairement une demeure ancienne à préserver.

Liliane Mokbel

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