Magazine Le Mensuel

Nº 2915 du vendredi 20 septembre 2013

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Le cannabis ne sera pas détruit. Silence, on fume!

La crise politique et le climat d’insécurité, prévalant cette année au Liban, vont sans doute empêcher les Forces de sécurité intérieure de mener à bien l’éradication des champs de cannabis, comme elles le font chaque année à la même époque.
 

Le marché très lucratif du cannabis devrait bénéficier du conflit politique grandissant, estiment certaines sources sécuritaires. «Les cultivateurs feront certainement une bonne récolte ce mois-ci, certains paysans ayant même exprimé le regret de ne pas avoir remplacé cette année leurs cultures traditionnelles par du cannabis en raison de l’apathie de l’Etat», souligne un officier des services de renseignement sous couvert d’anonymat. Une véritable embellie pour les cultivateurs principalement due aux réticences du gouvernement à détruire les récoltes afin d’éviter d’aggraver une situation sécuritaire, déjà précaire. Le Pays du Cèdre est, en effet, victime depuis plusieurs mois d’une série d’attentats et de conflits ponctuels.
Le marché local du cannabis est estimé à près de 80 millions de dollars. Le cannabis est cultivé au Liban sur une étendue de près de 30 000 donoums. La production libanaise se situe annuellement entre 60 000 et 210 000 kilos, un chiffre qui varie selon les techniques d’irrigation pratiquées par les agriculteurs. La culture du cannabis s’étend dans les régions du Hermel, Deir el-Ahmar, Bouday, Yammouné, Dar el-Wassat et Ras Baalbeck, entre autres.
«Il est d’ailleurs trop tard pour entreprendre le travail d’éradication nécessaire qui aurait dû avoir lieu depuis deux mois déjà», ajoute l’officier.
L’autre hic pouvant expliquer les réticences du gouvernement et, notamment celles du ministère de l’Intérieur, serait l’incapacité de ce dernier à financer des cultures de substitution. Selon le quotidien al-Akhbar citant le ministre de l’Intérieur, Marwan Charbel, le gouvernement aurait promis d’allouer aux agriculteurs 35 milliards de livres libanaises dans le cadre d’un programme échelonné sur cinq ans afin de permettre le développement de cultures de substitution, l’aménagement de systèmes d’irrigation, et de leur fournir une subvention destinée au fourrage nourrissant le bétail. Cependant, aucune somme n’a été déboursée à ce jour par le ministère des Finances.
Le programme, défendu par Charbel, existe au Liban depuis la fin de la guerre. Le gouvernement libanais, en coopération avec le Programme des Nations unies pour le développement, a lancé une initiative similaire visant à remplacer les cultures de haschisch par des cultures légitimes. Le Pnud avait estimé à l’époque que 300 millions de dollars seraient nécessaires pour mener à bien un programme de développement rural, comprenant la création de cultures alternatives au cannabis comme le chanvre industriel, dont sont extraites les fibres et l’huile. On ne sait toujours pas si les fonds ont été dilapidés ou n’ont tout simplement jamais été reçus.
«Les pressions, dont a fait l’objet le ministre Charbel ces derniers mois, l’ont sans doute découragé, aucune décision portant sur l’éradication des cultures illégales n’ayant été prise», explique l’officier.

Mona Alami

A coups de B7
Depuis deux ans, le travail des FSI pour 
l’éradication des récoltes est semé d’embûches. L’année dernière, les policiers des unités 
antidrogue libanaises ont été victimes de coups de feu et de tirs de roquettes B7, au moment de la récolte de cannabis. Le climat d’insécurité ayant encouragé les barons de la drogue à se montrer plus agressifs en s’appuyant 
notamment sur la population locale et en 
organisant des manifestations visant à perturber le travail de la police. Les FSI n’avaient pas en effet obtenu le feu vert des politiques afin d’empêcher ces mouvements de protestation. La police a également dû protéger les propriétaires de tracteurs avant la saison de la récolte, ces derniers responsables de la destruction des plants de cannabis ayant fait l’objet de menaces de la part des chefs de clans contrôlant le 
secteur de la drogue. Seuls près de 6 000 donoums de champs de cannabis auraient été détruits en 2012. Les feuilles de cannabis sont transformées en résine de cannabis qui sera revendue à des dealers locaux avec un profit plus important.

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