Magazine Le Mensuel

Nº 2915 du vendredi 20 septembre 2013

LES GENS

Walid el-Khoury. Le député à la blouse blanche

Chirurgien de renom, particulièrement aimé et respecté dans sa région, il dirige également l’Institut de gestion de la santé et de la protection sociale (IGSPS) de l’Université Saint-Joseph. Depuis 2005, il est député maronite de Jbeil et membre du Bloc du Changement et de la Réforme. Portrait du docteur Walid el-Khoury.
 

Il a fait du chemin le jeune homme qui, à 18 ans, se retrouvait orphelin d’un père terrassé par une «stupide» crise cardiaque, lui laissant la responsabilité d’une jeune veuve de 36 ans et de deux frères adolescents. C’est à Amchit que Walid el-Khoury est né, dans une famille de notables de Jbeil. Son père est chef d’état-major des Forces de sécurité intérieure. Il est scolarisé au Lycée et entreprend ensuite des études de médecine à l’Université Saint-Joseph. «C’était pendant les années de la guerre, je faisais ma spécialisation à l’Hôtel-Dieu. J’ai assisté à toutes les atrocités et les horreurs de la guerre. J’ai vu les corps déchiquetés ou criblés d’éclats d’obus», se souvient Walid el-Khoury. Passionné par son métier, il confie: «J’adore ma profession. La beauté de la chirurgie c’est de pouvoir sauver des vies, redonner aux mourants dans les urgences un aspect humain. Les gens placent en vous une grande confiance. C’est un métier qui vous procure une satisfaction inégalée. Aucune autre profession ne peut vous la donner».

Esprit d’ouverture
Après trois années de médecine pratiquée au Liban, il se rend en France. Il rencontre là de grands patrons qui lui donnent le goût de l’Amérique. C’est ainsi qu’il passe une année intense à la fameuse Mayo Clinic où il est formé à la chirurgie anglo-saxonne. «La médecine américaine possède de grands moyens financiers et accomplit beaucoup de recherches. J’ai vécu un grand nombre d’expériences intéressantes», souligne Walid el-Khoury. Il côtoie de près les chirurgiens américains, «des gens très modestes aimant venir en aide aux autres». A leur côté, Walid el-Khoury développe une grande ouverture d’esprit. «Je n’étais plus cloîtré dans la médecine française. Aux Etats-Unis, il existe une méritocratie. Lorsque vous êtes travailleur, vous êtes remarqué, quelle que soit votre origine ou votre couleur de peau». Il se spécialise en chirurgie colorectale à la Mayo Clinic puis en chirurgie des cancers digestifs dont il est formé au prestigieux Memorial Sloan-Kettering Cancer Center.
Il rentre au Liban où, pendant quinze ans, il exerce la médecine à l’Hôtel-Dieu de France et enseigne à l’USJ. «Je suis ensuite sollicité par l’Hôpital Notre-Dame des Secours à Jbeil, qui appartient à l’Ordre libanais maronite». C’est en quelque sorte un retour aux sources et peu à peu, Walid el-Khoury est happé par sa région. Il occupe la position de chef de service, puis chef de département à l’hôpital. Il prend en charge également la direction des affaires scientifiques et il est membre du conseil d’administration de l’hôpital. La collaboration avec l’Université libanaise le remplit d’enthousiasme. «Les jeunes médecins et chirurgiens de l’UL sont extraordinaires. Ils travaillent très sérieusement et peinent pour arriver, la plupart venant de milieux très modestes», souligne le député.

 

Son entrée en politique
Infatigable travailleur, Walid el-Khoury est complètement consacré à ses fonctions. Il développe l’enseignement clinique à l’hôpital et l’enseignement académique à la faculté de médecine. «J’ai structuré l’enseignement comme un hôpital universitaire tout en adaptant les normes de celui-ci à un hôpital régional. J’ai incité les médecins à donner un enseignement important aux étudiants. C’est ainsi que l’hôpital Notre-Dame des Secours est devenu un pôle d’excellence dans l’éducation universitaire». Sous son impulsion, l’Usek crée une faculté de médecine qui date maintenant de dix ans. «Nous avons alors présenté les documents nécessaires et, depuis six ans, l’hôpital est un centre hospitalier universitaire». Walid el-Khoury est très fier de l’hôpital et de tout ce qui a été réalisé au niveau du secteur médical, pathologique, ainsi que du rayonnement de l’Usek, dont les étudiants en médecine occupent les meilleurs postes de résidanat au monde. «C’est la preuve que la persévérance et une vision claire peuvent faire des miracles», dit-il.
En 2000, cet homme qui se dépense sans compter atteint un plateau de saturation. «Je me suis dit: je continue ainsi ou j’apporte un plus. J’ai alors décidé de m’inscrire à l’Esa pour un MBA en Management. A l’hôpital Notre-Dame des Secours, je fais partie du conseil d’administration et je gère également les budgets. C’était une excellente opportunité de faire autre chose». Depuis six ans, il occupe le poste de directeur de l’Institut de gestion de la santé et de la protection sociale (IGSPS). Créé en 1997, cet institut est une sorte d’observatoire de la santé. Il offre un programme de MBA accrédité par l’université Paris-Dauphine et l’IGE.
Il était tout à fait naturel que Walid el-Khoury s’intéresse à la politique, lui qui appartient à une famille dont l’histoire remonte à plus de 200 ans et qui a toujours été impliquée dans l’assistance et l’aide aux autres. «On s’appelle Khoury car il y a toujours eu un prêtre dans la famille. Ceux-ci traitaient les malades avec la médecine arabe. Le dernier des prêtres de la famille avait trois fils: un pharmacien, un médecin et mon père, officier de  gendarmerie». Chahid el-Khoury fut le premier membre de la famille à être élu député en 1947, la première fois et en 1964 une deuxième fois. Lorsqu’il décède à mi-mandat, Najib (le père de Walid) est élu. En 1968, face au fameux «Helf» qui fait une sorte de tsunami au Mont-Liban, Najib el-Khoury est le seul chéhabiste à percer. Il fut élu pour un deuxième mandat.
A la disparition de celui-ci, Walid est en première année de médecine. Dans son regard bleu, brille l’expression de ceux qui n’ont pas oublié les coups durs de la vie. Lui qui est si discret se laisse aller à des confidences: «C’était une très lourde responsabilité. Mes frères et moi avons beaucoup travaillé. Nous sommes tous les trois chirurgiens et nous nous sommes éduqués et formés nous-mêmes. Nous ne sommes pas des fils à papa. Nous avons réussi après beaucoup de combats. Je pense que lorsqu’on fait son devoir et on travaille discrètement, tôt ou tard on finit par être remarqué».
2005 marque un tournant. Entre l’assassinat de Rafic Hariri, le départ des Syriens et le retour du général Michel Aoun, c’est l’année de tous les bouleversements. Il est appelé par Aoun pour intégrer sa liste. Il est élu en 2005 et réélu en 2009. Avec modestie, Walid el-Khoury déclare: «Je n’ai rien fait pour. Il y avait ce sentiment de renaissance d’un pays auquel j’aspirais. Je voulais faire partie de
cette nouvelle configuration qui se dessinait. Je croyais en ce nouveau Liban, à la réforme et au changement». Sa relation avec le général Michel Aoun est excellente. «J’ai une relation privilégiée avec lui. Nous communiquons souvent et j’ai beaucoup appris de lui non seulement sur la politique. Il possède un côté philosophique et religieux extraordinaire. Sa vision du monde est très mystique».
Marié à Rania Georges Frem, c’est avec beaucoup d’amour et d’estime que Walid el-Khoury parle de sa femme. «Rania est une femme extraordinaire, très discrète, elle s’occupe de la fondation qui porte le nom de son père. J’adore ma femme», dit-il en souriant. Ils sont parents de deux enfants, une fille, Thalia (14 ans), et un garçon, Najib (13 ans). Malgré ses longues journées qui commencent dès six heures du matin et ne finissent jamais avant une heure du matin, il essaie d’être présent à toutes les occasions familiales et leur réserve les dimanches. Il croit fermement aux relations humaines. Samedi, c’est open house chez lui à Amchit. Il reçoit personnellement les doléances et les demandes et y répond lui-même. Il rappelle personnellement l’intéressé même si c’est pour lui signifier qu’il n’a pas pu donner suite à sa demande. Sa source d’inspiration et son guide spirituel? «Le Christ. Il a réussi à rallier les hommes par la bonne parole. Il a tout réuni en Lui: le guérisseur, le prêcheur et le communicateur».

Joëlle Seif
Photos Milad Ayoub-DR

 

Sa vision du Liban
Selon le député de Jbeil, le Liban est aujourd’hui à un tournant dangereux. Sur le plan économique, le pays ne peut plus fonctionner avec une administration aussi désuète. «La reconstruction doit se faire par des gens qui ont une vision économique globale, mais ils devraient le faire aidés par la politique. Il faut qu’il y ait une force émergente nouvelle pour un nouveau Liban. La politique doit aider l’économique et cela peut créer de nouvelles alliances. Nous ne pouvons plus continuer ainsi. Nous sommes tous sur un même bateau et nous allons tous couler si nous ne nous réveillons pas». Walid el-Khoury espère qu’un temps viendra où les politiciens pourront discuter du taux de 
chômage et de la croissance, qui sont les sujets quotidiens des autres pays. «Il faut que tous les blocs se mettent d’accord pour redresser le pays et ceci n’a rien à voir avec la politique. Nous devrions commencer à 
réfléchir tous ensemble sur le moyen de garder les Libanais sur leur terre, et comment tous les Syriens reviendront chez eux. La situation est terrible et personne ne fait rien».

Ce qu’il en pense
Social Networking: «Ça me fait peur. Je n’aime pas m’exposer sur le plan personnel et je n’aime pas parler de mes réalisations, mais je suis devenu de plus en plus 
convaincu de l’utilité du social Networking».
Ses loisirs: «La natation, le judo étant jeune et le violon. J’aimerais beaucoup reprendre le violon. Surtout voyager. Ça me déconnecte complètement. Je viens de rentrer d’un voyage aux Etats-Unis en compagnie
de ma famille».
Sa devise: «Honnêteté et transparence».

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