Magazine Le Mensuel

Nº 2916 du vendredi 27 septembre 2013

Affaire Déclassée

La banque Saidah, en 1946. Première faillite frauduleuse

Si la faillite de la banque Intra en 1966 a marqué les années soixante et influé indéniablement sur le secteur bancaire et sur toute l’économie libanaise, en 1946, deux ans et demi après l’Indépendance, ce fut celle de la banque Saidah qui s’est répercutée sur le secteur bancaire à une époque où l’Etat libanais se construisait.  
 

Le 28 février 1946, l’annonce par la banque Saidah de cesser tout paiement a fait l’effet d’une bombe. Le secteur bancaire est sous le choc. Des millions de livres libanaises étaient placées auprès de la banque qui ne pouvait ou ne voulait plus faire face à ses obligations. Le pays est secoué. L’affaire prend beaucoup d’ampleur. La faillite résultait d’une gestion frauduleuse.
Deux jours plus tard, le tribunal mixte de Beyrouth se prononce sur l’affaire. La banque est mise en faillite. Elle a, à son passif, plus de 2,4 millions de livres libanaises. Ce qui représentait à l’époque une somme énorme. La question est de savoir où était passé cet argent.
Il s’est avéré, à partir des éléments de l’enquête menée auprès de l’administration de la banque, et ceux du dossier présenté au juge, que Saidah proposait des intérêts beaucoup plus élevés que ceux de la moyenne pratiquée par ses confrères. Histoire d’attirer les épargnants. Les autres banques donnaient environ 2,5% d’intérêt, alors que la Saidah proposait des intérêts variant entre 7,5% et 9%. Cette politique s’est avérée fructueuse pendant quelque temps. Des centaines de déposants se sont laissé tenter par ces offres. Mais les fonds ainsi recueillis étaient investis dans des opérations douteuses.
Un montant d’un million et demi de livres libanaises avait été ainsi avancé à Assad Jaouiche pour des investissements en Côte d’Ivoire et en Alaska. Aussitôt l’affaire ébruitée, les épargnants se sont rués sur les guichets de la banque pour retirer les sommes qu’ils y avaient déposées. Mais celle-ci avait fermé ses portes le 2 mars. Sa mise en faillite a été prononcée par décision judiciaire et les épargnants ne savaient plus comment récupérer leur argent.
Plus d’une centaine de petits déposants se sont rassemblés devant le siège de la banque où ils ont rencontré son avocat, 
Me Jean Jalkh, qui leur a proposé 
une solution à l’amiable.Ils pourraient obtenir le remboursement immédiat de 44,5% de la somme déposée par chacun d’entre eux, ou 50%  dans un an, une fois l’actif de la banque liquidé et ses biens vendus. Les déposants acceptent ce règlement. Ils ont besoin de rentrer en possession de leurs créances, même réduites de plus de la moitié.
Cependant, l’avis du tribunal est tout autre. L’examen des documents de la banque et des livres de comptabilité a montré qu’il s’agissait d’une faillite frauduleuse. Une décision est prise. Les propriétaires de la banque, Emile Saidah et Assad Jaouiche, sont arrêtés. L’enquête devait montrer que ce dernier avait reçu un million et demi à titre de commission sans en révéler les raisons. Son train de vie pendant les dernières années dénote un très grand luxe. Il promet de remettre une somme importante dépassant celles avancées à Saidah afin de renflouer la banque, mais il ne le fait pas. Il est mis avec celui-ci derrière les barreaux. L’affaire a fait beaucoup du bruit.

 

Arlette Kassas

Les informations citées dans cet article sont tirées du Mémorial du Liban – le mandat Béchara el-Khoury, de Joseph Chami.
 

Les faillites bancaires
La première faillite dans le secteur bancaire est celle du comptoir bancaire «Kyriakos et Zouhair» en mars 1932. Elle avait soufflé un vent de panique chez les petits déposants d’autant que les petits établissements de crédit ne publiaient pas de bilan, et que les déposants étaient donc dans l’impossibilité de connaître l’état de l’établissement. Des mesures ont été prises par les autorités pour éviter des faillites en série des petites entreprises. Il fut établi que la faillite du comptoir bancaire était due à des erreurs de gestion, ainsi qu’à la récession mondiale et à des investissements mal placés.

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