Quand l’Institut français ne se prend pas au sérieux, il voit les choses en grand. Professionnels du cirque, ténors de la glisse extrême ou sopranos du graffiti, tout le monde était au rendez-vous, le 18 septembre dernier, pour fêter le Street Art et le rendre accessible à ses petits invités.
Rue de Damas, dans l’enceinte de l’Institut français, en plein milieu de l’après-midi, des rythmes de techno narguent la quiétude habituelle. Masques vissés sur le visage, bombes à la main, trois jeunes Libanais «taguent» les murs de l’Institut alors que, quelques mètres plus loin, sur la pelouse du centre que l’on ose à peine habituellement fouler, une escadrille d’enfants courent à en perdre la tête ou s’exercent à l’art du cirque, sans parler des acrobates de BMX qui font virevolter leurs vélos sous les arcades de l’allée centrale.
L’IF aurait-il été pris en otage et transformé par ses kidnappeurs en un paradis pour enfants? Eh bien non! Pas de contrainte à l’horizon. Pour cette rentrée 2013, le centre culturel français donne le ton et vote pour le Street Art. «Tout est parti du projet Graff me Lebanon, financé par l’Union européenne pour soutenir la culture urbaine, introduit Agathe Robert, chargée de mission culturelle à l’IF. Dans ce cadre, nous avions programmé une performance de graffiti. Puis, nous avons souhaité organiser un événement plus large, une sorte de fête de rentrée tournée vers la jeunesse, ouverte à tous, gratuite et organisée en collaboration avec des associations locales». Un seul mot d’ordre: s’amuser. Et oublier les tensions sécuritaires car, du côté français, on a décidé de maintenir tous les événements culturels de ce début d’année scolaire, pour le plus grand plaisir des invités du jour. Et parmi les quelque 200 petites têtes furibondes présentes, on retrouve 70 enfants, réfugiés syriens, amenés par l’association Amel. Aujourd’hui, sur le terrain de jeu, tous ces petits garnements sont égaux. Courir sur de l’herbe verte, un luxe pour tous! Plusieurs ateliers sont au programme: jonglage, diabolo, roller ou encore skate-board. Equipés de multiples protections, surveillés de près par des professionnels au petit soin, les invités expérimentent les joies de la glisse, sur surface plane pour les débutants au half-pipe signé Guilbert Extreme pour les plus téméraires, aménagé sur la pelouse de l’institut.
Enfants et parents ont l’air heureux. Flore, assise sur un banc le temps de remettre ses rollers, est enchantée: «J’ai fait du patin et une amie m’a appris à faire du skate-board, s’enthousiasme la jeune ado. Je m’amuse beaucoup». Et lorsqu’une pause s’impose, le stand de l’association Juice for Charity a sa botte secrète pour rafraîchir les convives à renfort de jus de fruits frais tout en récoltant des fonds pour d’autres ONG. Le mécanisme est simple mais efficace: employer des personnes marginalisées pour les réintégrer dans la vie sociale dont le travail sera de vendre des jus de fruits frais dont les bénéfices seront reversés chaque mois à une ONG différente. En septembre, le bénéficiaire est l’association pour la protection des animaux, Beta.
Le haut-parleur retentit. C’est l’heure de la démonstration de BMX, comprendre le vélo acrobatique. Et l’assistance du jour est bon public. Les yeux écarquillés, les jeunes regardent s’enchaîner les exercices d’équilibre et de maîtrise du deux-roues avant d’applaudir avec entrain. L’ambassadeur de France au Liban est également de la partie, en toute discrétion. A savoir ce qu’il pense de l’invasion du Street Art dans l’enceinte de l’Institut français, il n’y a aucune fausse note: «La culture, ce n’est pas que la musique, souligne Patrice Paoli, c’est également le sport ou les fresques de rue. D’autre part, l’événement d’aujourd’hui illustre parfaitement l’idée que l’IF n’est pas qu’un espace sérieux réservé à une catégorie de personnes, mais un lieu où on peut s’amuser, ouvert à tous».
Au programme également, une tombola, histoire de ramener à la maison un skate-board pour s’entraîner et maîtriser sa glisse. Puis, les artistes du Cirque en Ciel reprennent place sur l’herbe pour une dernière démonstration.
Un après-midi bien rempli! En tout: 53 nouvelles amitiés créées, 100 km parcourus en courant, 542 jonglages réussis, 950 éclats de rire et 2 548 sourires affichés, de quoi garder de beaux souvenirs de ce fol après-midi du Street Art à l’Institut français.
Delphine Darmency