Sous le mandat français, le Liban et la Syrie avaient plusieurs services en commun. Après l’Indépendance, chacun des deux pays a acquis son autonomie dans plus d’un secteur. Ce n’est qu’en 1948 que le Liban décide la rupture monétaire avec la Syrie.
Le 1er février 1948, le ministère libanais des Finances annonce que la livre syrienne n’avait plus cours au Liban et que les billets syriens ne seraient plus acceptés par la Banque de Syrie et du Liban. La livre syrienne valait alors une livre libanaise.
Mécontente de cette initiative, la Syrie tente de faire fléchir les responsables libanais au cours d’une réunion à Chtaura, mais en vain. Ceci étant, Damas impose un embargo sur les marchandises en provenance et à destination du Liban. Mais sans résultat.
Quatre mois plus tôt, des négociations entre les responsables libanais, syriens et français sont entreprises pour régler les affaires financières du pays mandataire avec les deux pays. Elles aboutissent à un accord monétaire de dix ans entre le Liban et la France. Cet accord règle tous les problèmes financiers découlant de la période du mandat. Malgré toutes les tentatives françaises, la Syrie reste récalcitrante. La situation se dégrade et c’est alors que le Liban annonce sa décision de séparer sa monnaie de celle de la Syrie.
L’accord entre le Liban et la France remplaçait celui de 1944 conclu à l’accession de l’Indépendance et que la Syrie avait agréé. Signé à Paris entre les ministres des Affaires étrangères, Hamid Frangié et Georges Bidault, il stipule que les avoirs en francs détenus par la Banque de Syrie et du Liban seront inscrits dans des comptes séparés des deux pays et pourront servir à l’achat de marchandises de la France et de devises européennes. La France s’engageait, également, par cet accord, à remettre au Conseil supérieur des intérêts communs les sommes qu’elle détient au titre de la gestion de ces intérêts.
Les termes de l’article portent aussi sur les engagements et les créances de la France au Liban et ses biens immobiliers que le Liban s’engage à acquérir, ainsi que sur la créance française concernant le matériel militaire livré au moment de l’évacuation.
Ceci provoque une grande colère en Syrie. Le chef du gouvernement syrien, Jamil Mardam, prononce un discours virulent contre les responsables libanais que le président syrien, Chucri Kouatly, tente d’atténuer. Les dirigeants libanais font la sourde oreille et estiment que la signature de cet accord est dans l’intérêt du pays et règle différentes questions commerciales et financières en suspens. Il a été conclu après des négociations auxquelles la Syrie a assisté avant de changer d’avis. Pour Damas, les termes de cet accord sont injustes. Les représentants syriens avancent plusieurs propositions, pour le modifier, refusées par les autorités françaises. Le Liban signe seul et la Syrie se déchaîne contre les responsables libanais.
Les Libanais divisés
Le peuple libanais est divisé. Les milieux sunnites critiquent l’accord avec la France et le désaccord avec la Syrie, alors que les chrétiens l’appuient. Cependant, le Premier ministre, Riad el-Solh, le soutient. L’affaire est conclue par un accord entre les Premiers ministres du Liban et de Syrie sur les questions monétaires et les intérêts communs entre les deux pays. Il est signé le 31 mars 1948. Seules les douanes entre le Liban et la Syrie demeurent unifiées. L’accord sera prorogé par un autre signé en mai 1948.
Le 30 août 1948, à l’issue de longs et houleux débats à la Commission parlementaire des Finances, la Chambre des députés ratifie l’accord avec la France. Une altercation intervient entre Hamid Frangié et Camille Chamoun qui avait estimé que les termes de l’accord lésaient le Trésor libanais. L’accord est, enfin, adopté à 39 voix contre six. Parmi les opposants, Camille Chamoun, Kamal Joumblatt, Adel Osseiran et Sami el-Solh.
Arlette Kassas
Aperçu historique
Le 13 novembre 1936, un traité franco-libanais reconnaît l’indépendance du Liban. Cependant, après le renversement des autorités françaises vichystes, les gaullistes tentent de maintenir le pays sous contrôle. L’indépendance est acquise le 22 novembre 1943, mais la souveraineté du Liban ne sera officiellement reconnue que le 3 janvier 1944, en même temps que celle de la Syrie, et les dernières troupes françaises ne quitteront la région qu’en 1946.