Magazine Le Mensuel

Nº 2917 du vendredi 4 octobre 2013

POLITIQUE

Gouvernement. Dans l’attente d’une mise à jour

Engagés dans des pourparlers stériles, Nabih Berry et Fouad Siniora attendent les résultats de la visite du président iranien Hassan Rohani en Arabie saoudite − si elle a lieu − qui a reporté celle du chef de l’Etat Michel Sleiman, pour avancer sur le dossier du gouvernement.  
 

Les suites de l’accord russo-américain sur le dossier syrien, et plus précisément la reprise spectaculaire des discussions entre les Etats-Unis et l’Iran, convergent vers l’idée d’un compromis global entre les grandes puissances de la région: entre l’Arabie saoudite et l’Iran sur le dossier libanais. A la fin de la semaine prochaine, le roi Abdallah et le président Rohani décideront du sort politique du pays en fonction de leurs concessions respectives sur les dossiers syrien, irakien, yéménite et bahreïni sur lesquels Riyad et Téhéran s’affrontent. En 2010, le «sin-sin», l’accord syro-saoudien, cher à Nabih Berry, avait échafaudé une solution. Trois ans plus tard, l’Iran remplace la Syrie mise hors jeu. De l’extérieur, la déstabilisation est venue, de l’extérieur le salut viendra. Dès lors, les revendications du Hezbollah et du Courant du futur seraient-elles devenues caduques? Elles leur ont permis en tout cas de s’étalonner, de préparer le rapport de force qui déterminera lequel des deux camps aura l’ascendant sur l’autre dans le prochain gouvernement.
 

Sleiman temporise
Première conséquence des discussions à venir entre l’Arabie saoudite et l’Iran, la mise entre parenthèses des projets du chef de l’Etat. Parti dans l’idée de former rapidement un gouvernement sous la forme des trois huit et obtenir l’approbation des pays du Golfe, le président Michel Sleiman, auréolé du succès au sommet de New York sur le Liban, a été obligé de faire marche arrière. D’abord parce que l’Arabie saoudite va, peut-être, revoir ses positions sur le dossier libanais, surtout que le leader du Parti socialiste progressiste (PSP), Walid Joumblatt, fin lecteur des rapports de force et parrain du futur gouvernement, a modifié son discours.
Jeudi dernier, il a mis en garde «tous ceux qui s’opposent à la participation des autres au cabinet, sachant que nul ne peut écarter l’autre», s’adressant sans le dire à la coalition du 14 mars qui refuse la présence du Hezbollah au gouvernement dans les conditions actuelles. «Seul le choix d’arrondir les angles, de faire preuve de flexibilité et de renoncer aux conditions impossibles est susceptible d’aboutir», ajoutait-il. Quelques heures plus tard, il expliquait que «la formule des trois huit avait besoin d’être révisée, à l’heure où seul un cabinet fédérateur permet de relever les multiples défis auxquels fait face le Liban». Sans doute a-t-il pris acte du dernier discours du secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah qui a démonté ladite formule.
C’est à partir de là que le concept du 9-9-6 a vu le jour, formule beaucoup plus claire donnant aux deux camps le tiers de blocage. Certaines sources, introduites au palais présidentiel, indiquent que le chef de l’Etat ne serait pas contre cette idée, surtout si l’ensemble des forces politiques y étaient favorables. D’autres sources indiquent également que l’un des représentants habituels du président de la République, l’ancien ministre Khalil Hraoui, aurait proposé la formule à Fouad Siniora. Le Premier ministre désigné, Tammam Salam, qui perdrait dans cette formule le pouvoir de décision, y semble moins favorable.
La direction, que prennent les opérations, satisfait pleinement les alliés du Hezbollah. L’idée d’un gouvernement du fait accompli est désormais enterrée. Autre point positif à leurs yeux, le bon accueil de la formule du 9-9-6 qui rejoint leur volonté d’un gouvernement représentatif des rapports de force parlementaires. Les Kataëb, comme les indépendants du 14 mars, voire même certains cadres du Courant du futur, ne seraient pas contre cette formule. Le parti d’Amine Gemayel juge «nécessaire sur ce plan de cesser de miser sur des parties extérieures et de se libérer des revendications égoïstes et des intérêts privés pour revenir aux concepts constitutionnels et former un gouvernement rassembleur, bénéficiant d’un appui politique et populaire, capable d’assumer les responsabilités qui lui incombent en cette période critique».

 

Le 14 mars fulmine
L’autre point positif, la poursuite des discussions entre Nabih Berry et Fouad Siniora. Après avoir sévèrement critiqué l’initiative du président du Parlement, le leader du Courant du futur a repris langue avec lui lors d’une rencontre organisée le 26 septembre à Aïn el-Tiné, en présence de Nader Hariri, chef du cabinet de Saad Hariri. Les discussions se sont déroulées dans une bonne atmosphère, ont expliqué les deux parties. Concrètement, en réponse à l’initiative de Berry, Siniora et le Courant du futur acceptent de participer aux séances de dialogue, tout en refusant que la formation du gouvernement y soit évoquée, compte tenu des prérogatives constitutionnelles du Premier ministre. Berry exposera les points convenus au président de la République, qui prendra les mesures qui s’imposent concernant la convocation ou non de la table du dialogue à la lumière des résultats de la rencontre. Interrogé au sujet de l’échéance électorale, le chef du Législatif a répondu: «Il est prématuré de débattre de cette question sur laquelle je me pencherais à partir du 25 mars 2014. Concernant la possible prorogation du mandat du président Michel Sleiman, personne n’a évoqué la question».
«Le dialogue est le bon chemin», a indiqué l’ancien Premier ministre. Mais, à ses yeux, le temps presse. Le bloc parlementaire du Futur, qui a tenu sa réunion hebdomadaire, a réitéré son appel au président de la République, Michel Sleiman, et au Premier ministre désigné, Tammam Salam, les pressant de «se hâter de former un gouvernement afin de rétablir la confiance dans les institutions».
Beaucoup moins patient, le leader des Forces libanaises Samir Geagea. «Le pays, a-t-il dit, ne peut plus continuer sans gouvernement (…). Il a exhorté une nouvelle fois le président Michel Sleiman et le Premier ministre désigné Tammam Salam à former un cabinet le plus vite possible. «Continuer d’attendre, désormais, ne mènera à rien», a-t-il souligné.
De son côté, le vice-président de la Chambre, Farid Makari, a estimé que le dossier gouvernemental a été «ramené à la case départ».
«Le gouvernement ne verra pas le jour avant que les choses ne se clarifient au niveau de la région en ce qui a trait aux contacts entre les Etats-Unis et l’Iran, d’une part, et entre Riyad et Téhéran, de l’autre. Je regrette que l’on soit contraint d’attendre l’étranger pour que la voie se libère devant la mise sur pied du gouvernement», a-t-il ajouté, estimant que l’appel de Geagea au Premier ministre désigné à former le gouvernement sans tenir compte des demandes des hommes politiques est «juste» mais peu réaliste.
Le pays est encore une fois entré dans une phase d’attente.

Julien Abi Ramia

Les évêques sonnent l’alerte
Au cours de leur assemblée mensuelle, les évêques maronites, réunis à Bkerké sous la présidence du patriarche Béchara Raï, ont salué «l’action prépondérante du président de la République auprès des instances 
internationales en faveur de la distanciation du Liban vis-à-vis du conflit syrien», ajoutant que «le futur gouvernement devra protéger le Liban des considérations personnelles, 
communautaires et confessionnelles. Le gouvernement souverain du Liban ne peut être que libanais. Si le contraire devait se produire, le résultat serait la division, le début d’une nouvelle crise».

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