Magazine Le Mensuel

Nº 2919 du vendredi 18 octobre 2013

Confidences Moyen-Orient

Confidences Moyen-Orient

Arrêtez les chabbihas
Le vice-Premier ministre et ministre du Commerce syrien, Qadri Jamil, a toujours été un personnage extravagant. Ainsi, bien que numéro deux du gouvernement présidé par Waël el-Halki, il aime se présenter en opposant au régime. Et lors du dernier congrès de son parti, le Mouvement populaire pour le changement et la libération, il a critiqué sévèrement certaines actions du régime du président Bachar el-Assad. Il a ainsi déclaré: «Il faut barrer la route aux chabbihas et aux fanatiques islamistes», se mettant à dos aussi bien les baassistes que leurs détracteurs. Les proches du président syrien n’y ont pas réagi. Jamil étant, après tout, l’homme de Moscou à Damas.


Bachir abandonné
Le président soudanais, Omar Hassan el-Bachir, se retrouve désormais seul contre tous. Même les partis, qui avaient soutenu son régime autoritaire pendant les trente dernières années, lui demandent de rendre le tablier. Ainsi, son ancien ministre de l’Information, Tayyeb Mustafa, qui n’est autre que son oncle, l’a supplié publiquement de quitter son poste. Cependant, pour le président, qui assure qu’il n’est pas question d’abandonner, ses opposants ne sont que «des lâches et des traîtres, financés et orchestrés par des agents étrangers qui veulent du mal au Soudan». Des propos qui rappellent ceux de l’ancien colonel libyen Mouammar Kadhafi.       

Ramtan Lamamra ministre algérien des Affaires étrangères, a été le premier responsable maghrébin à pointer du doigt les vraies raisons de la rupture avec le Maroc voisin. Il n’y aura pas, dit-il, de normalisation entre Alger et Rabat avant que le dossier du Sahara occidental ne soit résolu une fois pour toutes. Il a ajouté qu’«en 1994, les frontières ont été fermées à cause du problème sahraoui. En 2013, rien n’a vraiment changé». C’est l’une des rares fois où un politicien n’utilise pas la langue de bois.

Keyhan le journal iranien porte-parole du camp conservateur, a encore une fois fait preuve de manque de professionnalisme. Ayant interviewé en exclusivité le ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, le quotidien a déformé ses propos pour créer la zizanie dans le camp réformateur du président Hassan Rohani. Résultat, le ministre, peu habitué à la politique politicienne, a été transféré à l’hôpital où il a été traité pendant plusieurs heures pour soigner son stress. Les fanatiques qui contrôlent le journal refusent de lui présenter des excuses, prétendant qu’ils ne faisaient que leur devoir. Keyhan avait mis, par le passé, le président Mohammad Khatami dans sa ligne de mire, lui infligeant des séquelles morales importantes s’en prenant même à sa famille.    

En pointillé…
A la suite d’informations qui ont filtré dans la presse selon lesquelles le convoi du Premier ministre jordanien Abdallah Ensour aurait été attaqué, la cacophonie a régné dans le royaume hachémite affaiblissant encore plus la position du chef de l’Exécutif. Ensour, qui se rendait à Irbid, a dû faire demi-tour. Des hommes armés, membres d’une tribu locale, n’appréciant pas qu’il rende visite à une tribu rivale, avaient ouvert le feu sur son convoi. A Amman, les autorités ont très mal géré cet incident, prétendant que Abdallah Ensour ne s’était même pas rendu à Irbid et que l’histoire avait été fabriquée de toutes pièces. Alors qu’au même moment, le ministre de l’Information, Mohammad Momani, confirmait à une chaîne satellite le déplacement du chef du gouvernement.          

Bachir abandonnéKhalfan soutient Sissi
Le chef de la police de Dubaï, le général Dahi Khalfan, s’investit énormément dans la politique égyptienne. Il fut l’un des derniers à défendre le régime du président Hosni Moubarak après la révolution du 25 janvier et ses tweets contre le président Mohammad Morsi avaient provoqué une crise diplomatique entre Abou Dhabi et Le Caire. Les choses ont bien changé depuis la chute de Morsi. Khalfan appelle ouvertement le ministre de la Défense égyptien, Abdel-Fattah el-Sissi, à se présenter aux prochaines élections présidentielles. «Sissi, dit-il, est une garantie de l’unité et de la stabilité de l’Egypte. Tant qu’il est chef des armées, personne ne pourra affaiblir les institutions de l’Etat. Voilà pourquoi il est nécessaire de le voir occuper de plus hautes fonctions».
Au Caire, le ministre de la Défense maintient le suspense.      

Le nouvel homme fort d’Alger
L’année 2013 a été très mouvementée à Alger, le président Abdel-Aziz Bouteflika ayant surpris ses amis et ses ennemis en choisissant comme successeur probable le numéro deux du ministère de la Défense, le général Ahmad Gaïd Saleh. Le chef de l’Etat, également ministre de la Défense, vient d’autoriser ce dernier à exercer les fonctions de ministre, le rendant ainsi chef d’état-major et ministre de la Défense de facto. Jamais Bouteflika n’avait donné tant de pouvoirs à un seul homme, désirant s’assurer la loyauté et l’obéissance totale des forces armées. Mais à cause de son état de santé fragile, il s’est vu forcé de choisir son dauphin à l’approche des nouvelles élections présidentielles en 2014 qui s’annoncent très mouvementées, puisque plusieurs candidats se sont déjà déclarés. Feuilleton à suivre.     

Nouvel échec pour Ashton
La Haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et sécuritaires, Catherine Ashton, n’a pas vraiment brillé ces derniers mois. Les Européens se sont trouvés sur le banc de touche dans des négociations de paix entre Palestiniens et Israéliens, malgré de longs mois de médiations menées par la diplomate britannique. De plus, cette dernière a tenté de faire une percée en Egypte où elle maintenait de bons liens avec les généraux de l’armée et le mouvement des Frères musulmans. A Bruxelles, on espérait une solution politique à la crise égyptienne grâce aux efforts d’Ashton, mais son échec fut, encore une fois, cuisant. Les généraux au pouvoir ont refusé toutes ses propositions. Le ministre de la Défense lui aurait même lancé à la figure: «Ne nous menacez pas de couper l’assistance économique, car nous avons d’autres amis capables de nous aider». Les analystes au Caire ont noté que les nouvelles autorités ne voulaient plus entendre parler de la commissaire européenne, jugée trop proche des Ikhwan.

Benkirane cède du terrain
Il aura fallu plusieurs mois au Premier ministre marocain, Abdel-Ilah Benkirane, pour former un nouveau gouvernement après la démission des ministres du parti al-Istiqlal. Mais c’est chose faite et la bonne nouvelle est que la gent féminine est désormais représentée par six ministres, alors qu’une seule femme figurait dans le premier cabinet de Benkirane. Autre innovation, le parti islamiste majoritaire a dû céder le ministère des Affaires étrangères, qu’occupait  Saadeddine el-Othmani, au secrétaire général du parti Rassemblement national des indépendants, Salaheddine Mezouar. De plus, Benkirane a été forcé de nommer un indépendant à la tête du ministère de l’Intérieur. Ces choix n’ont pas fait l’unanimité au sein du parti au pouvoir. Plusieurs voix se sont élevées contre ces concessions de taille. Mais Benkirane n’est pas connu pour être un démocrate au sein de son mouvement!            

Rien à signaler…
Les critiques qui émanent de tout bord contre les autorités qataries, pour l’esclavagisme pratiqué par Doha sur les employés asiatiques travaillant sur le chantier de la Coupe du monde 2022, n’affectent guère l’émir du pays. Or, selon les organisations internationales des droits de l’homme, plusieurs dizaines de Bengalais et de Népalais auraient péri, ces dernières semaines, à cause des conditions de travail inhumaines qui leur sont imposées. Mais le pouvoir qatari, non seulement dément toutes ces accusations, mais défie de plus la communauté internationale en refusant à des syndicalistes dépêchés à Doha tout accès au chantier en question. Cerise sur le gâteau, le Comité qatari en charge de l’organisation de la Coupe du monde a, lui aussi, refusé de leur accorder une audience les forçant à faire demi-tour.     

9 milliards de dollars est la valeur du patrimoine des 70 Tunisiens les plus fortunés. Le nombre de millionnaires à Carthage aurait, ainsi, augmenté de 60 en 2012 à 70 en 2013 selon le rapport de Wealth-X, une société asiatique basée à Singapour et spécialisée dans les finances. Ce chiffre est très surprenant vu les problèmes auxquels fait face l’économie locale depuis la chute du dictateur Zein el-Abidine Ben Ali et la prise du pouvoir par le mouvement islamiste Ennahda, dont les leaders se sont avérés de faibles administrateurs. Résultat: la situation sécuritaire se détériore, de jour en jour, affectant directement le secteur économique, avec une chute libre des investissements et une baisse énorme au niveau du rendement du secteur touristique, principal moteur de l’économie locale. Des mauvaises langues au Pays de Bourguiba commentent cette hausse du nombre de millionnaires en se demandant si les dix nouveaux venus n’étaient pas proches d’Ennahda, notant que rien n’avait vraiment changé depuis l’époque de Ben Ali à part les noms des escrocs.    

45 ans est l’âge du très influent chef des services du renseignement turc Hakan Fidan qui, bien qu’homme de l’ombre, voit son nom sur toutes les lèvres. Nommé à son poste en juin 2010 par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, il avait inquiété les dirigeants israéliens à cause de ses liens étroits avec Téhéran. Mais depuis, les choses ont bien changé. Fidan a adopté une ligne très dure envers le régime syrien du président Bachar el-Assad, ce qui l’a peu à peu éloigné du voisin iranien. A Ankara, l’opposition s’inquiète de le voir jouer un rôle primordial, non seulement au niveau de la sécurité, mais aussi à celui des affaires étrangères. Tout ce tumulte ne l’affecte pourtant pas, étant apprécié par le Premier ministre pour sa loyauté. Ce dernier se sert de lui pour maintenir les généraux de l’armée sous contrôle.

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