Dans ce dernier ouvrage, Les anges de Millesgarden, Alexandre Najjar partage avec ses lecteurs ses impressions sur la Suède, «un pays à la fois familier par certains aspects
et terriblement exotique par d’autres»… un pays où le narrateur rencontrera des anges. Cap sur une destination surprenante…
Pourquoi avoir choisi de parler de la Suède que vous dites être «autre chose», presque une autre planète?
A l’occasion d’une conférence à Stockholm, j’ai découvert cette ville et la culture suédoise qui m’a paru aux antipodes de notre propre culture. Ce fut pour moi un dépaysement total. J’ai surtout mesuré le fossé qui sépare notre pays de la Suède dans nombre de secteurs notamment l’écologie, la discipline, l’absence de corruption… j’ai senti que ce qui manquait au Liban se trouve en Suède et que ce qui manque aux Suédois – la chaleur humaine, un brin d’anarchie et d’imprévision – se trouve au Liban. Comme j’ai toujours le réflexe quand je voyage d’observer les lieux et les hommes avec des yeux d’écrivain et comme j’ai justement trouvé que la Suède est «un autre monde», j’ai pensé qu’il était important de témoigner de mon expérience et de confronter les deux cultures.
Quelles sont les coutumes les plus surprenantes de ce pays?
D’abord, l’absence de corruption. Je raconte comment une ministre a dû démissionner pour avoir acheté une tablette de chocolat avec l’argent de son ministère et comment les comptes de chaque institution sont à la fin du mois rendus publics et mis à la disposition de la population. Il y a aussi une vénération de la nature et un sens écologique très poussé. Les droits de la femme et de l’enfant sont très bien protégés. On parle même de l’enfant-roi dans les écoles, les rapports très conviviaux entre élèves et enseignants. Il existe même dans certaines classes un canapé permettant à l’élève fatigué de s’allonger et de prendre un moment de repos ou de lire une bande dessinée s’il en a envie. Toutes ces coutumes sont à des années-lumière des nôtres.
Qu’est ce qui vous a le plus marqué dans ce pays où, dites-vous, vous avez rencontré des anges?
En fait, on a toujours assimilé ce pays à un paradis peut-être en raison de l’Etat providence qui veille sur tout et de l’environnement bien préservé. Je cite en exergue une phrase d’Artaud: «J’ai besoin d’anges. Assez d’enfer m’enveloppe depuis trop d’années». En explorant la Suède, je suis tombé en effet sur de nombreux anges aussi bien au sens figuré que sous forme de sculptures notamment au jardin de Millesgarden où l’artiste, Carl Milles, expose des dizaines de personnages ailés qui rappellent le paradis que je viens d’évoquer.
Qu’est-ce que cela apporte d’être écrivain de voyages?
Il existe une tradition pour des écrivains du XIXe siècle, tels Lamartine, Flaubert, Nerval qui consiste à visiter l’Orient et en rapporter des récits de voyages édifiants. J’ai fait cette même démarche mais en allant cette fois-ci du Sud vers le Nord en rapportant ce que j’ai vu avec les yeux émerveillés du personnage central des lettres persanes de Montesquieu. Le voyage pour un écrivain est une grande source d’inspiration. En découvrant un nouveau lieu, il se découvre lui-même et réfléchit mieux aux questions qui le préoccupent. La collection dans laquelle est publié le livre, Le sentiment géographique chez Gallimard, est merveilleuse. Elle permet à des écrivains de publier leurs carnets de voyage et de partager leur périple avec leurs lecteurs.
Vos projets futurs?
Je travaille actuellement à mon prochain livre: un Dictionnaire amoureux du Liban à paraître chez Plon dans la collection Dictionnaire amoureux. C’est un travail colossal mais passionnant.
Propos recueillis par Danièle Gerges
Alexandre Najjar, l’auteur
Alexandre Najjar, avocat de carrière, a publié une trentaine d’ouvrages traduits dans une douzaine de langues. Fondateur du prix Phénix, il a à son actif, plusieurs prix littéraires dont la bourse de l’écrivain de la Fondation Hachette, le prix Méditerranée et le prix Hervé Deluen de l’Académie française.