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Nº 2921 du vendredi 1er novembre 2013

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Alain Marsaud, député des Français de l’étranger. Il faut reconnaître les intérêts des chrétiens d’Orient

Le mercredi 23 octobre, le député Alain Marsaud arrivait à Beyrouth pour participer à la commémoration de l’attentat du Drakkar, l’une des plus grosses tragédies ayant frappé l’armée française depuis la Seconde Guerre mondiale (voir encadré). L’occasion pour Magazine de l’interroger sur le rôle de la France au Moyen-Orient, les chrétiens de Syrie, la place du Hezbollah dans la politique libanaise… Rencontre avec un connaisseur de la région qui n’a pas sa langue dans la poche.
 

Avant d’être élu député par la population de la Xe circonscription des Français de l’étranger en juin 2012, Alain Marsaud (UMP) comptait déjà une impressionnante palette d’activités à son palmarès. De la magistrature, il est passé dans les années 80 à la sécurité intérieure en devenant chef du Service central de lutte antiterroriste au parquet de Paris. Membre du conseil d’administration de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), un think-tank sur la sécurité internationale, il se bat particulièrement pour la défense des minorités en Syrie et au Moyen-Orient en général, à travers notamment la «Coordination pour les chrétiens d’Orient en danger» (Chrédo), association créée au sortir de l’été. Installé dans les spacieux canapés de la résidence de l’ambassadeur de France à Beyrouth, il répond donc sans ambages lorsque la question des chrétiens de Syrie est abordée: «Nous avons besoin d’insister auprès du gouvernement français afin que la situation de l’ensemble des chrétiens de la région soit véritablement prise en compte. Nous sommes un certain nombre dans la majorité comme dans l’opposition à considérer qu’on ne tenait pas forcément compte de ces populations jusqu’à maintenant. Et que l’on privilégiait, notamment dans l’affaire syrienne, beaucoup plus les intérêts d’une majorité… ou d’une minorité sunnite par rapport à ceux des chrétiens. C’est la raison pour laquelle il me semble utile de réagir. La diplomatie française est actuellement bloquée par son positionnement initial sur le conflit syrien, puisque je vous rappelle qu’elle a décidé d’armer l’opposition… Par conséquent, je pense qu’aujourd’hui la France a besoin de franchir un pas très important pour reconnaître les intérêts, d’une part des laïcs, mais aussi des chrétiens d’Orient. Je crois surtout qu’au moment de tenir un discours au niveau international, la France doit se souvenir de ce qui a été une de ses réussites au niveau national, c’est-à-dire la laïcité. La séparation ferme et stricte de l’Eglise et de l’Etat, entre la mosquée et l’Etat. En tenant ce discours au niveau international, on permettra de manière effective la défense des minorités, qu’elles soient alaouites, chrétiennes ou autres».
Depuis le début de la crise syrienne, Alain Marsaud a soutenu l’option diplomatique comme seule solution envisageable pour mettre fin aux massacres. «Depuis un an, je répète que la diplomatie russe a toutes les cartes en main dans cette affaire. Si nous ne sommes pas en accord avec elle, nous n’arriverons à rien. Nous n’avons pas été entendus à l’époque, puisque le 31 août dernier, le gouvernement a décidé de lancer une offensive contre la Syrie. Il se trouve qu’Obama a changé d’avis à 18h00 heure française, et que tout le système s’est retrouvé bloqué. Aujourd’hui, qui peut parler à Assad? Et Dieu sait que le régime syrien est un régime sans doute haïssable, mais qui peut lui parler? Vladimir Poutine, et personne d’autre. Ce qui fait qu’on aura beau gesticuler, seul Poutine a les cartes en main. C’est pourquoi il faut que la diplomatie française se mette au moins en accord avec la diplomatie russe, sans quoi il n’y aura pas de solution envisageable en Syrie. Le discours que je tiens, c’est que la diplomatie russe est depuis le début totalement incontournable dans cette affaire, tout simplement parce qu’il y avait le droit de veto russe et que je n’imaginais en aucun cas que les Etats-Unis ou la France puissent envisager une action militaire en dehors du cadre de l’Onu. A titre personnel, j’ai eu l’occasion de dire que j’étais totalement opposé à toute intervention française, y compris avec l’accord de l’Onu. Nous sortions de l’affaire malienne, qui ne s’était globalement pas trop mal passée, nous sortions de l’affaire libyenne, devenue une catastrophe, et j’estimais que nous n’avions aucune raison diplomatique, militaire ou stratégique de rentrer de cette manière dans le conflit syrien. Ce qui voulait dire que si les Américains et les Britanniques décidaient de frapper le régime syrien, la décision leur appartenait, mais mon pays, mes soldats, ma France, n’avaient strictement aucun intérêt à s’engager dans cette affaire».
Mais comment protéger les minorités menacées en Syrie à l’heure où l’option militaire a été abandonnée avec fracas? Dans cette optique, et pour préparer au mieux l’après-Assad, certains pays ont choisi de soutenir un ou plusieurs groupes rebelles de façon directe ou indirecte, au grand dam du député qui pose la question de la légitimité de ces soutiens: «J’aurai l’occasion dans les jours qui viennent de recevoir des responsables de l’Armée syrienne libre (ASL). Dans leur cas, la question qui se pose c’est «que représentent-ils?». Dans les couloirs de la diplomatie, ils sont très actifs, mais il semble qu’ils ne représentent strictement rien sur le terrain. Dans ces conditions, on ne peut pas s’appuyer sur eux pour avancer dans le conflit. Cette guerre civile est épouvantable, l’Armée syrienne libre est certainement un des éléments de la solution. Mais hélas, il y a d’autres éléments, qui sont les jihadistes, et contre qui la France ne sait pas quoi faire. Vous savez, je crois que l’Occident, toutes tendances confondues, a commis de gros dégâts sur une partie de l’Orient. On peut enlever l’Afghanistan de la liste, puisque l’Otan l’a envahi à la suite du 11 septembre, mais en Irak, en Libye, nous avons semé l’horreur, la misère, le désespoir. Et aujourd’hui, ces pays sont dans une situation dont personne n’a plus les clefs. Nous avons une grosse responsabilité, et si véritablement les responsables politiques occidentaux doivent avoir un rôle, c’est d’imaginer une sortie de ces crises violentes».
L’invitation au Quai d’Orsay d’un député du Hezbollah semble être l’une de ces sorties de crise, selon Alain Marsaud: «Le Hezbollah existe sur le terrain libanais, on peut dire qu’il y occupe un tiers de l’horizon politique. On peut imaginer de l’ignorer totalement, malgré toutes les actions qu’il mène au niveau politique, au niveau social… Ou on peut décider de tenir compte de la réalité. Récemment, un député du Hezbollah a été reçu au Quai d’Orsay, sans doute au niveau du cabinet du ministre des Affaires étrangères. C’est un bouleversement total, cela n’était pas envisageable il y a six mois. La cause la plus évidente de ce   bouleversement, c’est la modification de la ligne politique entre l’Iran et certains pays occidentaux. Je crois que si l’on veut envisager de renouer le contact avec l’Iran, cela passera également par le dialogue avec le Hezbollah. En juillet, l’Union européenne a décidé que son aile militaire était un mouvement terroriste.
D’un autre côté, il a une représentation politique qui fait qu’on doit peut-être le regarder différemment. Je prends acte d’une autre situation, c’est qu’aujourd’hui s’il y a effectivement ici au Liban des groupes violents ou terroristes, ils sont plus d’inspiration sunnite que chiite, par conséquent peut-être faut-il que l’on revoit notre positionnement par rapport aux différentes forces en présence».

Pierre de Rougé

L’UMP commémore le Drakkar
Le député Alain Marsaud, accompagné de l’ambassadeur de France Patrice Paoli et de compatriotes français, s’est rendu ce 
mercredi 23 octobre sur les lieux de l’attentat du Drakkar pour commémorer la mort des 
58 parachutistes français disparus voici trente ans. «Nous n’oublions pas, nous n’oublierons pas les sacrifices (des parachutistes français,) ainsi qui des citoyens libanais qui ont péri ici», a-t-il déclaré. «Ils ont été vengés, ils seront vengés». Le soir même, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, et celui des anciens combattants, Kader Arif, rallumaient symboliquement, sous l’Arc de Triomphe à Paris, la flamme du soldat inconnu.

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