Gouvernement, élection présidentielle, paralysie du Parlement, crise syrienne, repositionnement de Walid Joumblatt: tour d’horizon avec Jamal Jarrah, député du Courant du futur pour la Békaa-Ouest.
Une réunion surprenante est prévue avec les
députés du Bloc du Changement et de la Réforme. Quel en est le but?
Le bloc souhaite discuter de certains dossiers avec nous. De notre côté, nous avons énormément de questions à poser sur les sujets conflictuels, comme la perception du Parlement, la formation du gouvernement, la déclaration de Baabda et l’intervention du Hezbollah en Syrie. Nous espérons que ces concertations constituent le point de départ d’un accord national et mènent au dégagement de dénominateurs communs.
Est-ce vrai que Saad Hariri est revenu à la charge pour proposer la formation d’un cabinet neutre?
C’est notre proposition initiale. Le président Saad Hariri a soumis une proposition complète pour un gouvernement apolitique prenant en compte la dichotomie dans le pays entre le 8 et le 14 mars, et aussi l’existence de personnes compétentes, ayant un sens national aigu, qui pourraient gérer le pays pour une période transitoire, à l’ombre de la pauvreté et de la chute du taux de croissance…
Vous appelez le Hezbollah à se retirer de Syrie, alors que son secrétaire général, sayyed Hassan Nasrallah, parle de victoires et de modification de l’équilibre des forces…
C’est l’intérêt du Liban qui nous dicte ces propos. Pour ce qui est des déclarations du secrétaire général, comment et sur qui a-t-il enregistré ses victoires? S’il a triomphé contre le peuple syrien, c’est une honte pour lui et s’il pense avoir marqué des points sur le mouvement du 14 mars, son partenaire dans la nation, pourquoi voudrait-il s’associer à lui au sein du gouvernement? Qu’il forme un cabinet monochrome, surtout qu’il prétend détenir la majorité, et qu’il assume la responsabilité des développements dans le pays. Je rappelle à cet effet que sayyed Nasrallah a déclaré dans plus d’un discours qu’il serait capable de gouverner un pays dix fois plus grand que le Liban, et il s’est avéré qu’il ne pouvait contrôler ni Haret Hreik, ni al-Maamoura par le moyen de son autosécurité. Il faudrait aujourd’hui faire une pause réflexion en faveur de la patrie et non en faveur de l’Iran qui envoie les résistants qui ont vaincu Israël à la mort en Syrie pour des slogans communautaires dénués de sens, tout en prétendant être contre la fitna. Sinon sayyed Nasrallah devrait informer le peuple libanais et lui dire: je suis un soldat de Wilayat el-Fakih et j’exécute les ordres.
Vous considérez donc fictive la victoire clamée par Nasrallah?
Tous les observateurs savent que la situation en Syrie correspond à un va-et-vient perpétuel. Aujourd’hui, le régime envahit tel village alors que l’ASL investit une autre ville. Il n’y a pas de vainqueur jusqu’à présent. Le président Assad n’a pas pu annoncer une victoire sur l’opposition. Ajoutez à cela, les raids israéliens sur Lattaquié et Damas qu’ils nient… Ils se contentent de parler de Qoussair!
L’autre camp fait assumer au Moustaqbal la responsabilité de la paralysie du Parlement.
Nous avons demandé au président Nabih Berry d’établir un ordre du jour comportant des sujets à caractère urgent et nécessaire, mais il est resté sur ses positions. A partir de là, il est facile de déduire quelle est la partie qui paralyse le Parlement. De même, il semble interdit de former un gouvernement s’il n’obtient pas l’aval de l’autre camp, cela jusqu’à l’échéance présidentielle. J’affirme dès aujourd’hui qu’il existe un plan iranien pour le sabotage du scrutin présidentiel afin d’avoir en main tous les atouts lors des négociations avec les Etats-Unis.
Même si le général Michel Aoun et le chef des Marada, Sleiman Frangié, sont candidats au poste?
Le Hezbollah ne veut pas que Michel Aoun accède à la présidence de la République. C’est clair. Leur seule chance est l’élection du député Frangié ou alors le vide. Cela prouve clairement que le pays est l’otage de l’Iran via le Hezbollah.
Est-il vrai que l’Arabie saoudite bloque la formation du gouvernement?
Pas du tout. Le 14 mars estime que la formule proposée de 6-9-9 consacre le blocage et permet au Hezbollah de mettre la main sur la décision politique à travers ses armes. Il fuit le dialogue qui aborde la question de ses armes, intervient en Syrie sans aucune considération pour les institutions et donc ne doit pas faire partie du pouvoir.
Pourquoi d’après vous, le député Walid Joumblatt s’accroche à l’équation des 6-9-9?
C’est une faute historique que de consacrer le principe du blocage au niveau du pouvoir exécutif et la suprématie des armes sur le pouvoir politique. Cela veut dire que nos enfants hériteront du fusil du Hezbollah qui contrôlera leur sort et leur avenir. C’est ce que nous rejetons… Si le député Joumblatt considère que la formule 6-9-9 est dans l’intérêt du pays, c’est son avis!
Propos recueillis par Saad Elias