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Nº 2922 du vendredi 8 novembre 2013

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Un ermite dans la grande maison, par Carmen Boustani. La réponse à une promesse

Dans son dernier ouvrage, Un ermite dans la grande maison, Carmen Boustani raconte comment Myriam, la narratrice, venue se reposer dans la maison familiale, tombe sur un carton poussiéreux dans lequel sont conservés des entretiens avec abouna, comprendre le père Antonios Tarabay, un des derniers ermites de la Vallée sainte. Interview.
 

Qu’a appris Myriam sur la Vallée sainte et sur l’identité d’Antonios Tarabay, à travers les fiches qu’elle a trouvées?
La narratrice, venue passer un court séjour, dans la maison familiale déserte, découvre une boîte poussiéreuse pleine de fiches roses. Elle y reconnaît l’écriture penchée de sa sœur disparue depuis quelques années. Elle imagine de prime abord être tombée sur une correspondance amoureuse. A sa grande surprise, il s’agit de conversations avec le père Antonios Tarabay, un ermite qu’elle a rencontré dans la Vallée sainte. Il y avait vécu trente-deux ans avant d’être accueilli au couvent du Christ-Roi, à cause de sa maladie et de sa vieillesse. Le roman est composé de deux récits. L’un est véridique. Il raconte la vie de l’ermite depuis la Première Guerre mondiale et celle du silence. Il évoque la prière et l’expérience mystique où le corps est habité du transport des sens, des privations régénératrices et des jouissances mystiques, celles de l’âme. Myriam est sidérée de la description d’un corps, si frêle et malade, et d’un visage rayonnant de paix et de sérénité. Le second volet porte sur la vie de Myriam et sur l’amour.

Vous abordez, dans cet ouvrage, la question du féminin-masculin dans la religion. A quelles 
conclusions êtes-vous parvenue?
Ce récit est un jeu de miroitement. Un récit dans le récit, celui de l’ermite, celui de l’amour de la narratrice et celui de l’histoire de sainte Marina, la première femme prêtre, à mon avis, dans l’histoire de l’église maronite. Elle a passé toute sa vie dans la vallée de Qannoubine, déguisée en prêtre. Sa vérité est révélée à sa mort. Je me demande pourquoi l’Eglise, ayant découvert son histoire, n’a pas toléré l’ordination de femmes prêtres et dans quelle mesure peut-on parler de sexisme de l’Eglise?

Quelle est la part biographique de ce roman, 
notamment dans le récit d’une histoire d’amour entre la narratrice et un archéologue français?
J’ai tenu à ce que la vie spirituelle d’un ermite soit décrite dans celle de tous les jours. C’est pour cela que la narratrice raconte aussi sa vie au quotidien, sa rencontre avec un archéologue français venu faire des fouilles au centre-ville de Beyrouth. Dans l’ensemble, c’est toujours l’ermite qui est le centre focal du roman. Il raconte sa vie à la première personne. Autour de lui, gravitent d’autres personnages. Et c’est au lecteur d’adopter le point de vue de l’un de ces narrateurs. Le roman s’articule autour d’une idée centrale. C’est pourquoi il y a un abîme entre l’éros charnel et l’agape de l’amitié. Les deux se traduisent par le mot amour. C’est un rapport entre l’amour divin et l’amour humain, l’un étant dans la privation de soi et l’autre dans l’exaltation. Dans toute écriture, l’écrivain met une part de biographie. Mais le roman parle, sans doute, de lui-même et les personnages prennent parfois des tournures sur la page écrite contraires à la volonté de l’écrivain. On ne peut toutefois pas nier que l’inconscient prend sa place et toute écriture romanesque est teintée d’une part de soi. J’ai connu, personnellement, Abouna Tarabay, pendant seize ans et j’ai été fascinée par cet homme de Dieu. Je lui ai promis de son vivant que j’écrirai un livre sur son parcours. Ce roman est la réalisation d’une promesse. Je tiens à dire que j’ai écrit ce roman avec une joie infinie.

Propos recueillis par Danièle Gerges

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