En réponse à l’alerte lancée par Nabih Berry, sur la mise en place du plus gros système d’espionnage contre le Liban, les autorités du pays entendent prendre des mesures. Une levée de boucliers sans doute sans lendemain concret.
Le 6 novembre dernier, jour d’audiences parlementaires, le président de la Chambre révélait qu’Israël a installé du matériel d’espionnage tout au long de la ligne bleue, de Naqoura à Chébaa, en passant par Khiam. «Une procédure d’espionnage sans précédent dans le monde», selon ses dires. Sur la base de documents et de photographies collectés par le ministère des Télécommunications, Nabih Berry décrit «des stations d’espionnage dotées du matériel et des techniques les plus modernes», couvrant l’ensemble du territoire libanais et «reliées à des relais établis sur le mont Hermon, dans les fermes de Chébaa et à Tel-Aviv». Au même moment, le vice-président du conseil exécutif du Hezbollah, le cheikh Nabil Kaouk, expliquait: «L’ambassade des Etats-Unis est un centre d’espionnage de tous les Libanais et pratique l’écoute au profit d’une banque de données israéliennes». Une situation d’urgence qui a conduit Nabih Berry à demander au président de la Commission parlementaire des Télécommunications et de l’Information, le député du Hezbollah Hassan Fadlallah, de convoquer une réunion avec tous les ministres concernés, pour examiner ce dossier et «envisager les mesures qui s’imposent».
Cette réunion a eu lieu lundi. Les informations recueillies montrent l’édification, de Naqoura à Maïs el-Jabal, la porte de Fatmé, Adaïssé, et jusqu’à la portière des fermes de Chébaa et Abbassiyé, de pylônes couverts d’antennes, connectés à des stations radar et des systèmes de détection et d’analyse, capables d’infiltrer la totalité des réseaux téléphoniques du pays. Il y est également noté que des robots ont été mis au point pour traiter ces données. Selon les chiffres donnés par Fadlallah, les autorités libanaises avaient comptabilisé 21 installations de ce type en 2010; on en compte aujourd’hui une quarantaine. Concrètement, avec ce matériel, les Israéliens sont capables de photographier de larges bandes du territoire du Sud. Ces données sont analysées par des machines et envoyées à une chambre d’opérations. Détruite par le Hezbollah en 2006, la station de Jal el-Alam − la 2e du pays après celle d’Abbad −est dirigée vers les stations de transmission des deux opérateurs de téléphonie mobile au Liban. «Nous considérons cet acte comme une atteinte à la souveraineté du Liban», a déclaré le député. «Nous devons faire face à cette agression par tous les moyens possibles».
Selon le rapport de Fadlallah, Israël a des équipements à l’intérieur même du territoire libanais. Les écoutes ne se limiteraient pas au champ politique. Les experts estiment qu’ils pourraient tenir de l’espionnage économique, qui menacerait le secret bancaire et la sécurité des entreprises. Alors quelles suites? «Nous avons convenu de présenter une plainte au Conseil de sécurité de l’Onu», a expliqué Fadlallah. «Il s’agit d’une violation claire de la ligne bleue et de la résolution 1701. Nous ne pouvons nous taire face à un espionnage aussi évident. Le Liban a des alternatives diplomatiques et techniques». Une alternative technique développée par le ministre des Télécoms, Nicolas Sehnaoui, qui affirmait il y a quelques jours que «le Liban était parfaitement capable de se défendre en mettant un terme à l’espionnage israélien».
Plus tôt, il expliquait pourtant que les Israéliens ont envoyé des ondes puissantes qui pourraient avoir entravé le travail des machines libanaises et rendu leurs données plus ou moins erronées. L’illustration d’une guerre asymétrique.
Julien Abi Ramia
En alerte depuis août
Selon des informations de presse, la présidence du Conseil des ministres aurait demandé, depuis le mois d’août dernier, la désignation d’un comité dont la mission serait de s’informer sur ce programme d’espionnage. Ce comité a effectivement été formé, avec des représentants du ministère des Télécoms et de l’armée. Il est présidé par un officier spécialiste en la matière. Il a déjà effectué des dizaines de missions de reconnaissance au Sud sur les radars israéliens, à l’aide d’appareils de fabrication japonaise
pouvant déceler l’activité d’installations de ce type à 300 mètres de distance. Selon Sehnaoui, l’une de ces machines aurait même été détruite par les Israéliens.