Reportée à plusieurs reprises, la visite du président Michel Sleiman à Riyad devait déterminer les intentions du pouvoir saoudien à l’égard du Liban. La présence remarquée du leader du Courant du futur constitue un élément de réponse.
«Ma visite en Arabie saoudite apportera de grandes choses pour le Liban», espérait le chef de l’Etat avant de s’envoler pour Riyad. Après la signature de l’accord russo-américain sur les armes chimiques en Syrie et la reprise des négociations internationales sur le nucléaire iranien, l’Arabie saoudite s’est donné le temps de réévaluer sa politique extérieure en Syrie d’abord, au Liban ensuite. C’est désormais chose faite, et il est devenu évident, ce lundi, que les intérêts du royaume au Liban passent par la personne de Saad Hariri. Signe de cela, les autorités saoudiennes ont donc convié l’ancien Premier ministre aux discussions entre Michel Sleiman et le roi Abdallah. Le président libanais était-il au courant? Des sources proches de Baabda expliquent que la présence du leader du Courant du futur a surpris sans pour autant déranger. Le chef de l’Etat était venu chercher un soutien et des réponses. En voilà une très clairement affichée. Que signifie pour l’Arabie saoudite cette mise en avant de Saad Hariri? En une phrase: le choix de la modération.
Avec son hôte libanais, le roi Abdallah a insisté sur «l’importance de préserver la stabilité politique et sécuritaire du Liban». Riyad n’est pas insensible à la radicalisation du discours de la communauté sunnite au Liban et encore moins aux accusations portées contre le royaume, soupçonné d’alimenter cette escalade en soutenant les takfiristes. En plaçant Saad Hariri dans la lumière, l’Arabie saoudite veut tordre le cou à ces conjectures. Elle ne soutient ni l’islamisme, ni le terrorisme. La voix de l’Arabie saoudite au Liban, c’est le discours modéré que porte le leader du Courant du futur. Pour ce qui est de la sécurité, les discussions de Michel Sleiman avec le ministre saoudien de l’Intérieur, Mohammad Ben Nayef, et le ministre de la Garde nationale, Motheb Bin Abdallah, ont porté sur l’aide matérielle et financière que le royaume pourrait apporter au pays, conformément aux recommandations de la conférence internationale d’aide au Liban, en septembre dernier à New York. Autre dossier évoqué, celui des réfugiés syriens, pour lequel le roi s’est dit prêt à aider.
Sleiman satisfait
Le président Sleiman a qualifié cette visite de «bonne et productive». Sans doute a-t-il particulièrement apprécié le soutien du roi à «la consolidation de la déclaration de Baabda et aux constantes nationales susceptibles de protéger le Liban des répercussions des pays voisins», ainsi qu’au dialogue qui valide sa vision politique. Après celui du président iranien Hassan Rohani, c’est au tour du monarque saoudien de lui apporter son appui. Le président libanais espère, peut-être, qu’une rencontre entre les deux hommes ait enfin lieu pour concrétiser ces beaux discours, mais le dossier syrien reste encore trop sensible. Les positions nébuleuses de l’Arabie saoudite sur «la nécessité d’une solution politique à la destruction et à la guerre en Syrie», le flou artistique entourant la deuxième conférence de Genève et l’implication du Hezbollah dans le conflit syrien montrent qu’il est encore trop tôt pour espérer une percée dans ce sens.
Le retour officiel de l’Arabie saoudite sur le terrain libanais s’effectue donc de manière progressive. La promotion ostensible de Saad Hariri est un message très clairement adressé aux contempteurs du royaume qui veut rassurer tout en préservant son rôle essentiel dans le pays.
Julien Abi Ramia
Gouvernement, pas d’avancées
Globalement positive, la visite de Michel
Sleiman en Arabie saoudite semble pourtant plombée par l’échec attendu d’une avancée sur le dossier gouvernemental. Les deux parties se sont accordées sur la nécessité
de la formation d’un gouvernement
«responsable». Le chef de l’Etat aurait préféré le terme «rassembleur». Le dossier a été le sujet principal de l’entretien qui a réuni Michel Sleiman et Saad Hariri. Selon plusieurs sources concordantes, le président aurait clairement demandé à l’ex-Premier ministre de l’aider à faciliter sa formation, insistant sur l’importance, pour tous les partis, d’alléger leurs revendications, notamment sur la
question de la composition du futur gouver-nement et du poids des partis en son sein.