Des festivités automnales, du 25 octobre au 10 novembre, aux couleurs du Maghreb et du Machrek et où les Libanais ont occupé une belle place autant dans les arts de la scène qu’au Salon de la culture.
Charbel Rouhana dans Constantinople
Carrefour de la Méditerranée IV
L’heure est au recueillement. Dans l’enceinte feutrée de la Salle Bourgie, ancienne église transformée en salle de concert, les lumières sont douces et les vitraux écoutent. Kiya Tabassian, l’Iranien, chef du groupe, joue du sitar. Neva Ozgen est turque et joue du Kemence (minuscule viole à trois cordes mais aux fortes résonnances). Sa compatriote Didem Baser fait vibrer son kanoun, alors que Charbel Rouhana module son oud aux fréquences persanes et turques. Dans la salle octogonale, les cultures se mélangent. Les mémoires aussi.
Enraciné à Montréal, pour la douzième année et après trente-cinq créations qui ont voyagé dans plus de cent dix villes dans vingt pays (dont le Liban), le groupe Constantinople a présenté ce soir-là un spectacle qui métisse les traditions et les époques. Charbel Rouhana y a offert un substrat de son art du luth et quelques mélodies de sa voix grave et profonde.
Un moment féerique qui a envoûté un public de connaisseurs qui discutera longtemps après le spectacle avec les musiciens… Question d’essayer de comprendre comment la magie de la musique réunit les hommes.
Passeport No 10452
Pièce de théâtre de et avec Betty Taoutel
Engoncés dans leurs manteaux d’hiver, ils ont retrouvé cette chaleur, cette bonhomie, cette candeur qui leur manque en terre d’Amérique. Le bon sens primaire, la spontanéité des sentiments et des réactions et surtout le désir lancinant d’en finir avec un quotidien éprouvant qui était le leur, il n’y a pas longtemps encore. Ils ont ri… aux larmes… qui coulaient aussi par nostalgie, par regret d’être si loin de ce qui fait leur chez-soi.
Un chez-soi bien campé sur scène. Une salle de séjour où l’homme affalé devant son écran télé est comme au-dessus des problèmes des enfants et de la vie courante. Une chambre à coucher où Facebook s’invite un peu trop facilement. Une porte de chambre d’enfant, fermée aux supplications des parents… C’est dans la simplicité du détail que Betty Taoutel nous touche. Dans ses mots, candides, naturels qu’elle prononce comme si c’étaient les siens, les nôtres, avec son talent de one woman show qui occupe magistralement l’espace tout le long de la pièce. Pour un moment, on oublie qu’on est à la Place des Arts à Montréal. Nous sommes chez Betty à Beyrouth, on l’écoute s’époumoner, se démener, s’écheveler pour convaincre son époux, et elle en premier, du bien-fondé de sa décision d’immigrer. Elle invente des scénarios plus désopilants l’un que l’autre, se documente sur les activités, sur les écrits de ceux qui l’ont précédée au pays de l’exil, sous l’œil torve de celui qui la laisse faire… Situation rocambolesque mais poignante de vérité, d’authenticité. Et c’est là la plus grande force de Betty Taoutel. A ne pas rater, dès le 6 février, au théâtre Monnot à Beyrouth.
Yamal el-Sham
Charbel Rouhana, Léna Chamamyan et Nasser Chamma rendent hommage aux peuples du Printemps arabe
Soirée de clôture émouvante où pour contrer la fureur, la destruction et la violence au Moyen-Orient, trois artistes ont uni leurs talents pour raconter à travers leur art la plus belle des histoires: celle de la musique… qui «efface le désespoir… pour que l’amour se manifeste et réalise une paix immense qui envahirait tout l’univers», comme l’a présenté Charbel Rouhana qui a entamé la première partie de ce spectacle de maestros. Tirant de son oud légendaire des notes qui caressent nos cœurs, il a chanté et joué des grands classiques de notre répertoire oriental. En fusion totale avec l’orchestre montréalais OktoEcho, il a marié ses quarts de ton aux consonances occidentales.
Léna Chamamyan, en robe blanche, a débuté sa prestation, pratiquement a cappella. Sa voix puissante, mais qui ne perd rien de sa pureté et de sa limpidité, a envahi la grande salle Wilfred-Pelletier. Avec un répertoire judicieusement choisi de son dernier album, elle a dédié ses chansons au peuple syrien, autant cris du cœur que coups de cœur pour ses nombreux fans.
Nasser Chamma, le grand maître du luth, a pincé son oud à la mode andalouse, en a sorti des morceaux avec une seule main, s’est envolé avec l’orchestre sous la direction de Katia Warren, avant de revenir sur scène en duo magique avec Charbel Rouhana. Bientôt rejoints par la chanteuse syrienne, ils ont offert alors un moment intense de communion entre artistes et spectateurs qui se sont rejoints bien au-delà des frontières. Dans cet espace mélomane privilégié se sont mêlées avec bonheur les sonorités orientales aux harmonies occidentales. Il y a là tout l’esprit du Festival du monde arabe… Et le public québécois et oriental d’applaudir à tout rompre…
Gisèle Kayata Eid, Montréal
En parallèle
♦ Notre correspondante Gisèle Kayata Eid a animé un débat dans le cadre du Salon de la culture du Festival du monde arabe de
Montréal, sur le thème du troisième âge à partir de son dernier ouvrage Kibarouna,
dialogues avec nos aînés. Discussion à
plusieurs voix et très animée, notamment sur les avantages et inconvénients de vieillir au Canada.
♦ Les deux prestations remarquées du oudiste Elias Youssef et du percussionniste Joseph Khoury dans le spectacle
exceptionnel Oudistique, rencontre musicale de dix ouds, proposé par Mohammad
Masmoudi; ainsi que la projection du film Taxi Ballad de Daniel Joseph.
Spectacle Liban Jazz accueille Vinicio Capossela
L’édition 2013 de Liban Jazz est sur le point de se terminer. Le dernier concert de l’année en cours est prévu pour le lundi 25 novembre, à 21h. Les planches du Music Hall accueilleront cette fois Vinicio Capossela.
Décrit comme «visionnaire» par le New York Times (quotidien new-yorkais distribué internationalement et l’un des plus prestigieux journaux américains), comme «le plus grand secret d’Italie» par le Sunday Times (journal du dimanche distribué au Royaume-Uni et en Irlande) ou comme «le plus intriguant voyageur musical d’Italie» par Mojo (magazine mensuel traitant de musique, notamment de «classic rock», publié au Royaume-Uni), Vinicio Capossela a surfé à travers un chemin musical inimitable, puisant de ses diverses influences, entre le folk italien, le burlesque, le rock. Celui qu’on nomme le Tom Waits italien a, au bout de vingt ans de carrière, une quinzaine d’albums à son actif, des tournées mondiales et de multiples compositions pour le théâtre.
Vinicio Capossela présentera au public libanais son dernier album, Rebetiko Gymnastas, accompagné de son «big band», l’Italo-Greek Orchestra.
Des instruments traditionnels, mandoline, oud et bouzouq, aux percussions folks en passant par le piano et une section de cuivres, l’événement du 25 novembre prochain au Music Hall promet d’être une soirée emmêlant des sons déjantés d’Italie, de Grèce et d’Orient.
Nayla Rached
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Théâtre Ka3eb 3aleh à Monnot
L’année dernière, il avait mis en scène Reasons to be pretty avec Talal el-Jurdi, Nadine Labaki, Nada Bou Farhat et Elie Mitri. Jacques Maroun revient, cette année, avec une nouvelle pièce, Ka3eb 3aleh, au théâtre Monnot, du 29 novembre au 19 janvier.
Adaptée de Spike Heels de Theresa Rebeck, Ka3eb 3aleh est une comédie qui traite de sujets sérieux. Elle explore les questions de harcèlement sexuel, d’amour déplacé et de la possibilité d’un amour à quatre. Les protagonistes sont une femme légère et sexy, un professeur de littérature arabe, un avocat et une fiancée aristocratique. A l’affiche: Ammar Chalak, Talal el-Jurdi, Rita E. Hayek, Nisrine Abi Samra.
Du 29 novembre au 19 janvier, au théâtre Monnot, les jeudis, vendredis, samedis et dimanches à 21h30.
N.R.
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