Le double attentat suicide perpétré, mardi matin, devant l’ambassade d’Iran, à Bir Hassan, dans la proche banlieue de Beyrouth, a provoqué une véritable hécatombe dans la population et traumatisé les survivants. Magazine s’est rendu sur la scène du crime.
Des immeubles aux façades soufflées par la double explosion encadrent la rue menant à l’ambassade d’Iran dans le quartier huppé de Bir Hassan, au sud de Beyrouth. Un secteur discrètement surveillé par le Hezbollah. A l’entrée de la rue, communément connue Rue des ambassades, un périmètre de sécurité de plusieurs centaines de mètres a été dressé. Les militants d’Amal sont nombreux, en raison de la proximité d’un immeuble appartenant à leur parti, situé presque en face de la chancellerie. Les militants du Hezbollah, vêtus de noir, sont également présents, leurs talkies-walkies en main. L’Armée libanaise, elle, est postée sur des chars aux coins de la rue près du site de l’attentat.
L’explosion, à moins d’une dizaine de mètres de l’ambassade d’Iran, a causé d’énormes dégâts dans une demi-douzaine d’immeubles à proximité de la chancellerie. La déflagration a provoqué des dommages importants dans les bâtiments et les commerces environnants. Les façades sont éventrées, les balcons se sont effondrés et les vitres ont volé en éclats dans un rayon de plusieurs centaines de mètres. Des corps déchiquetés sont projetés non loin du lieu de l’explosion.
A proximité du site de l’attentat, les parpaings sont couverts du sang des victimes. «Les passants et les habitants, s’étant précipités sur le lieu de l’explosion après le premier attentat, ont été projetés en arrière par la seconde déflagration. Certains corps sont complètement calcinés et méconnaissables», se lamente un des gardiens d’immeubles du quartier. «Je connaissais les gardes, c’étaient des gens bien, affables et polis, quatre d’entre eux ont été tués», ajoute-t-il.
Les survivants racontent
Du haut d’un immeuble, situé à une vingtaine de mètres de l’ambassade, on a eu une vue d’ensemble insoutenable du site de l’attentat. De gros cratères parsèment la chaussée, là où les kamikazes se sont fait exploser. Sur le premier étage de l’immeuble face à la chancellerie, des jouets sont oubliés par des enfants sur un balcon à moitié soufflé par la déflagration. Les restes d’une voiture sont abandonnés, calcinés, alors que d’autres véhicules semblent avoir été tordus par la double charge. Des morceaux de métal et de chair ont été projetés sur les terrasses environnantes. Faten Mata, résidante du quartier, jette un regard fataliste à son appartement détruit. «Les pertes ne sont que d’ordre matériel, Dieu merci, nous l’avons échappé belle», raconte-t-elle en tournant des yeux hagards autour d’elle. La porte de son appartement est sortie de ses gonds, les vitres sont complètement brisées et le faux plafond est en train de s’effondrer. Une scène qui se répète d’un appartement à l’autre. «J’ai perdu deux voisines», ajoute Mme Mata, qui explique avoir été projetée en arrière par le souffle de la seconde explosion. «Nous sommes, ma fille et moi, accourues au balcon au premier attentat pour nous enquérir de ce qui s’était passé. Dieu merci, nous n’avons pas eu le temps de rejoindre la seconde terrasse qui a été quasiment détruite par le second attentat».
Au deuxième étage de l’immeuble de Faten Mata, Naïm est venu recenser les dégâts. Sa belle-sœur et sa fille, légèrement blessées, ont été transportées à l’hôpital. «Que voulez-vous que je vous dise? Ce qui se passe au Liban est triste, je crois que notre seule issue est de quitter ce pays. C’est encore heureux que l’explosion n’ait pas eu lieu plus tôt, à l’heure du ramassage scolaire», explique le jeune homme.
Dans la rue, en contrebas de l’immeuble, les badauds s’agglutinent autour des cordons de sécurité mis en place par l’armée. Maha, Libanaise résidant au Sénégal, attend un laissez-passer de l’armée pour rejoindre son appartement. «Mon rendez-vous de 10 heures a été heureusement avancé à 9h30, ce qui m’a sauvé la vie», déclare Maha. Elle ajoute vouloir quitter le Liban au plus vite. «Je suis dégoûtée, je n’ai qu’une pensée, rentrer au Sénégal».
Ebloui par l’explosion
Un groupe de résidants est attroupé près d’une ambulance. «Mon père a sauvé de nombreuses personnes aujourd’hui, mais il a été légèrement blessé», signale Ali qui affirme avoir assisté à l’attentat. «La première déflagration est due à un kamikaze qui s’est fait exploser en causant la mort de quatre gardes protégeant l’ambassade», dit-il. «La deuxième est due à un autre kamikaze, conduisant un 4×4 qui s’est fait exploser», affirme un gardien d’immeuble, ajoutant avoir été ébloui par l’explosion.
Vingt-quatre personnes ont perdu la vie dans ce double attentat, sans compter les deux kamikazes, alors que 147 personnes sont blessées. «Un bilan qui n’est pas définitif», selon le ministre de la Santé, Ali Hassan Khalil.
Un groupe jihadiste, entretenant des liens obscurs avec al-Qaïda, a revendiqué ce double attentat suicide par le biais du compte Twitter de Sirajeddine Zureikat, un responsable des Brigades Abdallah Azzam. «Il s’agit d’une double attaque pour laquelle deux de nos héros, des sunnites du Liban, sont tombés en martyrs», a écrit sut Twitter le cheikh Zureikat. Le responsable a prévenu que les attentats se poursuivraient au Liban tant que le Hezbollah continue de combattre en Syrie. Le compte Twitter a ensuite été désactivé après la revendication.
Dans le quartier de Bir Hassan, en majorité habité par la bourgeoisie chiite, les résidants semblent imputer la responsabilité de l’attentat à l’Arabie saoudite. «Que Dieu maudisse Bandar» (Ben Sultan), le patron des services de renseignement saoudiens, crie une femme voilée, soutenue par deux personnes.
Des équipes d’inspecteurs s’activent impavides en quête de précieux indices dans l’espoir sans doute de résoudre ce énième attentat qui ne sera, vraisemblablement pas, le dernier dans l’histoire mouvementée du Liban…
Mona Alami
Entre rumeurs et réalité
Selon les premières informations, les médias relaient les déclarations d’experts selon
lesquelles deux roquettes se seraient abattues sur le quartier de Bir Hassan. Certaines
supposaient qu’elles visaient la résidence de l’ancien ministre Wiam Wahab. Il s’est
toutefois avéré que le double attentat a été perpétré par deux kamikazes. Le premier, circulant à moto, a tenté de se faire exploser à l’entrée principale de la chancellerie, près du kiosque des gardes pour ouvrir la voie au deuxième kamikaze, au volant d’une voiture bourrée d’explosifs, et qui projetait de la faire sauter à l’intérieur de l’enceinte de
l’ambassade. Le terroriste au volant de la
voiture a été gêné par une camionnette de livraison d’eau potable, ce qui a laissé le temps aux gardiens d’ouvrir le feu dans sa direction. Il s’est alors fait exploser à quelques mètres de l’entrée.