Les résultats des élections cette année à l’Université Saint-Joseph font des mécontents parmi les étudiants. Ceux du 8 mars et du Hezbollah, ne les ayant pas acceptés, ont manifesté leur colère en se rassemblant devant le campus des Sciences sociales, rue Huvelin, alors que ceux du 14 mars se cantonnaient à l’intérieur. La tension était telle qu’elle a menacé de dégénérer. Pendant plusieurs heures, les étudiants se font face sous le regard des forces de l’ordre.
Les résultats dans les facultés de gestion et de droit se sont révélés favorables aux étudiants soutenus par le 14 mars. Les agressions verbales opposant les deux camps perturbent la reprise des cours tôt le matin au lendemain du scrutin. La tension est tangible dès l’arrivée des étudiants qui ont trouvé des tags sur les murs à l’extérieur du campus portant le nom de Habib Chartouni, l’assassin présumé du président Bachir Gemayel, au milieu d’un cœur sur les murs. Aussitôt, les étudiants du 14 mars dénoncent ces actes.
L’armée et les forces de sécurité interviennent alors à la demande de l’administration.
Les étudiants du 14 mars rapportent que des éléments du Hezbollah, non étudiants, venus de Khandak el-Ghamik, se sont positionnés à l’extérieur du campus avec les étudiants du 8 mars et ont hissé un drapeau du parti. Le 14 mars a vu là une tentative d’encercler la faculté, «le symbole», disent-ils, de la résistance chrétienne. Les Kataëb et les Forces libanaises accusent le Hezbollah. Le député Sami Gemayel, s’adressant à la direction du parti chiite, lui demande les raisons de son «obstination à provoquer les autres et à semer la rancune». «Est-ce que nous insultons votre résistance et vos martyrs?», leur dit-il. Le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, ne mâche pas ses mots: «L’Etat se discrédite, mais personne ne nous entraînera dans la violence contre notre gré».
Le Hezbollah ne tarde pas à réagir. Le député Hassan Fadlallah qualifie d’«incidents mineurs» les événements qui ont bloqué plusieurs heures la rue Huvelin. Il souligne «la place de la diversité dans les universités. Ajoutant que des problèmes avaient été créés de toutes pièces à l’USJ. Que des tensions existent entre étudiants est une chose normale et nous n’avons pas estimé qu’il était nécessaire d’intervenir politiquement». Cependant, il n’a pas manqué de hausser le ton en accusant les interventions politiques d’avoir exacerbé les tensions et d’avoir incité à la discorde. «Ils veulent, dit-il, créer des problèmes pour compenser leurs pertes sur d’autres terrains. Les étudiants sont tous libanais. Est-ce là la culture de la coexistence, de la diversité et du dialogue?», s’est-il demandé en appelant les étudiants à laisser la politique au dehors des campus. «L’USJ n’appartient à aucun parti. Des étudiants harcelés, dénonce-t-il, ont voulu exprimer leur mécontentement en organisant un sit-in devant l’université».
Cet incident, qui aurait pu dégénérer devant l’une des universités les plus anciennes du Liban, a mobilisé la République. Le président de la République, Michel Sleiman, a appelé au calme et à accepter les résultats des élections.
Ces résultats étaient attendus. Les délégués à la faculté de droit et à la faculté des sciences politiques sont élus d’office. Seule la deuxième année des sciences politiques a élu ses délégués, pour un résultat final de quatre sièges pour les indépendants et quatre pour le 8 mars. Mais ce sont les élections à la faculté de gestion, la plus importante en nombre, qui ont alimenté la tension. Elles ont abouti à la victoire du 14 mars, avec neuf sièges gagnés y compris la présidence, contre six pour le 8 mars.
Au total, douze facultés reviennent au 14 mars, sept au CPL et au 8 mars, quatre aux indépendants. Sur les campus du Nord et de la Békaa, la victoire du 14 mars est quasi générale. Au Sud, c’est le 8 mars qui l’a emporté.
Arlette Kassas