Magazine Le Mensuel

Nº 2925 du vendredi 29 novembre 2013

general

Sweetie. Piège pour les prédateurs sexuels

Pourquoi de plus en plus d’enfants sont-ils victimes de pédophilie sur Internet? Et pourquoi les choses ne bougent-elles pas? C’est ce que l’ONG Terre des hommes a voulu savoir en piégeant 25 000 prédateurs sexuels potentiels, prêts à payer pour se livrer à des actes sexuels avec Sweetie, une fillette virtuelle de 10 ans, créée par l’ONG. L’opération a été un véritable succès.
 

C’ est une fillette virtuelle philippine et plus de 20 000 hommes l’ont contactée. «Nous avons créé une fille virtuelle de 10 ans, une Philippine» sur Internet, a déclaré le directeur de la branche néerlandaise de Terre des hommes, Albert Jaap Van Santbrink, au cours d’une conférence de presse à La Haye. Une image virtuelle de l’enfant a même été conçue et a circulé sur la Toile.
L’objectif de la démarche est de sensibiliser l’opinion publique et les autorités au phénomène de la prostitution des enfants sur Internet. L’organisation non gouvernementale (ONG) Terre des hommes s’insurge contre le nombre réduit de personnes interpellées pour ce qu’elle appelle le «tourisme du sexe avec enfants par webcam», seules six personnes dans le monde ces dernières années, selon elle, ont été arrêtées.
C’est dans ce contexte que l’ONG a conduit cette enquête qui a duré dix semaines. Plus de 20 000 «prédateurs» potentiels venant de 71 pays différents ont pris contact avec cette «fillette», baptisée Sweetie, sur des forums publics de discussion: «Ils étaient prêts à payer Sweetie pour qu’elle se livre à des actes sexuels devant sa webcam». L’ONG en charge de la supercherie a même identifié un homme en tant qu’«Older4Young», 35 ans et père de deux enfants, originaire d’Atlanta, aux Etats-Unis, qui aurait offert dix dollars américains à Sweetie en lui écrivant: «Allume ta webcam, je suis excité».
Parmi ces «prédateurs», plus de 1 000 ont été «facilement» repérés. «Tout cela ayant lieu sur Internet, ils pensent que personne ne les observe, il a donc été facile de collecter des informations à leur sujet», a déclaré Hans Guyt, responsable de l’enquête. L’ONG a pu retrouver leurs coordonnées et des photos d’eux, et a transmis leur identité aux autorités compétentes, en particulier à Interpol.
Quatre personnes composaient l’équipe d’enquêteurs de l’ONG, dont l’identité est restée secrète par mesure de sécurité. «Se mettre dans la peau d’une fillette philippine de 10 ans et voir ce que certains hommes veulent de vous a été une expérience choquante pour elles». «Il y avait des demandes et des gestes vraiment obscènes», a précisé Guyt, affirmant que des images vidéo des pédophiles ont été enregistrées pendant les séances de «chat». Guyt a aussi été formel en assurant que «les enquêteurs de l’ONG n’avaient jamais proposé quoi que ce soit aux personnes piégées, mais avaient attendu que les demandes soient formulées spontanément, sans être provoquées. De même, ils n’entamaient pas les conversations, ils attendaient d’être contactés».
Selon l’ONG, les conversations étaient systématiquement arrêtées une fois que les «prédateurs» amenaient l’argent sur le tapis et proposaient de payer pour voir des actes sexuels. «Il est évident que nous n’avons montré aucun acte sexuel à ces gens. On arrêtait avant», selon Van Santbrink

 

1 000 pédophiles clairement reconnus
Albert Jaap Van Santbrink a soutenu que si Terre des hommes avait été capable d’identifier plus de 1 000 «pédophiles», les autorités du monde entier devraient être capables d’en identifier beaucoup plus. «Avec plus de ressources, nous aurions facilement pu en identifier 10 000», a également affirmé Hans Guyt. «Il y avait de tout, des hommes de 30 ans, 35 ans, 45 ans, 50 ans, des pères de famille, un musicien, un architecte, etc.», a-t-il expliqué à l’AFP, à l’issue de la conférence de presse. Il a ajouté que les «prédateurs» étaient «issus du monde entier, d’Amérique, d’Europe, mais aussi de pays tels que l’Inde, le Japon, la Corée du Sud».
Terre des hommes a, par conséquence, fait circuler une pétition au niveau mondial. Les autorités compétentes ne peuvent plus nier le problème car l’ONG a expliqué leur avoir transmis son mode d’opération. «Nous avons suivi les procédures utilisées par les forces de police», a soutenu Guyt, expliquant avoir procédé de la sorte dans l’objectif d’obtenir des preuves largement utilisables: «Mais bon, nous ne sommes ni des procureurs, ni des juges, ce sera à eux de décider quoi faire avec les éléments que nous avons transmis», a ajouté le responsable de l’ONG.
Quelque 750 000 pédophiles sont en mesure d’être, simultanément, en ligne sur Internet et rien qu’aux Philippines, des dizaines de milliers d’enfants sont victimes de tels «prédateurs» sur Internet, en plus d’être les cibles potentielles de pédophiles affamés dans les rues.

Anne Lobjoie Kanaan

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