Moins d’une semaine après Hermel et, pour la troisième fois depuis le début de cette année, un attentat suicide frappe, mardi, Haret Hreik. Bilan, quatre victimes et des dizaines de blessés. Les deux attaques sont revendiquées par le Front al-Nosra.
Le Hezbollah n’en finit plus de payer le prix de son engagement en Syrie. Les territoires qu’il contrôle ne sont plus invulnérables. Pire, ils deviennent une cible privilégiée. C’est la cinquième fois depuis le mois de juillet qu’un fief du parti est visé par une opération terroriste et, manifestement, le rythme des attaques s’accélère. En l’espace de cinq jours, Hermel, bastion du parti dans la Békaa, cible quotidienne des tirs de roquettes à travers la frontière syrienne, et le quartier de Haret Hreik, au cœur de la banlieue sud de Beyrouth, ont tour à tour été frappés par des attaques suicide à la voiture piégée. Les similitudes entre les deux attentats sont troublantes.
Le premier a lieu le 16 janvier, sur la très fréquentée place du marché du Hermel, près du Sérail, aux alentours de neuf heures du matin. Les enquêteurs ont conclu qu’un kamikaze s’était fait sauter dans une Kia Sportage qui contenait 35 kg d’explosifs. Bilan, trois morts et des dizaines de blessés (voir page 26). Le deuxième survient vers onze heures, le mardi 21 janvier, dans la rue commerçante de Aarid, tout près d’une fabrique de carrelage. Les premiers éléments montrent qu’un terroriste s’est fait sauter dans une Kia Sportage qui contenait 15 kg de TNT. Bilan, quatre morts et des dizaines de blessés. Les limiers retrouveront un bâton d’explosifs et des fusées remplies de boulons restés intacts. Sur la scène de l’explosion de Haret Hreik, les scientifiques retrouveront deux permis de conduire partiellement calcinés. L’un porte le nom de Ali Tleiss, l’autre d’Adib Tleiss.
Toutes ces similitudes n’ont pas échappé aux enquêteurs qui ont rapidement suivi la piste des véhicules utilisés dans les deux attentats (voir encadré).
Le dénominateur commun reliant les deux affaires: elles ont été, toutes les deux, revendiquées par le Front al-Nosra au Liban sur un compte Twitter, ouvert le 24 décembre dernier, pour s’attribuer la paternité des tirs de roquettes qui frappent Hermel. Y seront diffusées, le 16 janvier, la revendication de l’attentat qui a frappé la ville, et ce mardi, l’attaque de Haret Hreik «destinée à venger les massacres du parti de l’Iran contre les enfants de Syrie et de Ersal». En outre, le Front appelle les sunnites du Liban à «s’unir pour combattre le parti du diable». Redondant mais clair.
Alors qu’en Syrie, le Front al-Nosra d’Abou Mohammad Jolani dispute à l’Etat islamique d’Irak et du Levant (EIIL ou «Daech» en arabe) d’Abou Bakr Baghdadi la direction des opérations terroristes; au Liban, le premier a succédé au deuxième dans la lutte contre le Hezbollah. Le dernier attentat perpétré dans la banlieue sud de Beyrouth remontait au 2 janvier et avait fait cinq morts et des dizaines de blessés. Revendiqué par l’EIIL, il a eu lieu à quelques dizaines de mètres seulement de la dernière attaque en date. Rien de tel qu’un ennemi commun pour rapprocher des frères ennemis. Plusieurs informations font état d’un accord entre les deux organisations sur une feuille de route commune consistant à importer la guerre au Liban.
Le cycle des attentats risque malheureusement de ne pas s’arrêter là.
Julien Abi Ramia
La nébuleuse Taha
Deux voitures de la même marque volées, la coïncidence n’est pas fortuite. Celle de Haret Hreik l’a été le 30 octobre 2013 à Kfarhabab, dans le caza du Kesrouan. Celle du Hermel deux jours plus tôt à Antélias. Les deux 4×4 portaient de fausses plaques d’immatriculation. En quelques heures, les policiers remontent jusqu’au dénommé Nabil Moussaoui, arrêté mardi après une course-poursuite entre Hazmié et Aïn al-Remmané. Interrogé, le voleur de voitures a avoué avoir vendu les deux véhicules en question à un certain Maher Tleiss, originaire de Brital, connu des services de police au moins depuis 2010 pour commerce de voitures volées et revendues au plus offrant. Les deux Kia ont ensuite été achetées par un membre du groupuscule créé par Ahmad Taha, un Palestinien de Bourj Brajneh recherché pour son rôle dans l’affaire des roquettes
lancées sur la banlieue sud en milieu
d’année. Les voitures ont ensuite été
transportées à Yabroud, dans la région du Qalamoun, en Syrie, pour y être équipées.