Cette semaine, la presse internationale s’est servie de l’ouverture du procès Hariri pour faire un point sur la situation du pays, embarqué dans un ouragan déclenché neuf ans plus tôt.
LIBÉRATION
Pays: France.
Périodicité: quotidien national.
Diffusion: 125000 exemplaires par jour.
Sixième journal du pays, derrière Le Parisien, Le Figaro, Le Monde, L’Equipe et Les Echos.
Le journal français de gauche revient sur «le geste flou des incendiaires d’une bibliothèque», référence à l’incendie qui a ravagé la bibliothèque al-Sayeh, l’une des plus grandes du Liban.
Le feu a été maîtrisé en une dizaine de minutes, mais cela n’a pas permis de sauver près d’un quart des 85000 ouvrages scientifiques et religieux. Située depuis plus de trente ans dans le cœur historique de Tripoli, elle appartient au prêtre Ibrahim Sarrouj. Elle a été incendiée début janvier par des inconnus armés. L’une des raisons évoquées: un pamphlet de quatre pages hostile à l’islam et au prophète Mahomet que le prêtre est accusé d’avoir rédigé et envoyé à imprimer avec plusieurs autres livres. Le texte, qui évoque de manière provocatrice la vie du Prophète, est en fait totalement étranger au prêtre.
Certains évoquent une autre piste pour justifier l’incendie: la bibliothèque se situe dans un bâtiment ancien, en partie délabré, que les propriétaires veulent détruire, pour revendre le terrain à prix d’or. Le prêtre, qui est locataire à vie, a déjà refusé plusieurs offres des propriétaires pour quitter les lieux. Au lieu de renforcer les tensions communautaires, l’incendie a suscité un élan de solidarité, mobilisant des centaines de jeunes de Tripoli pour remettre la bibliothèque en état.
TIME MAGAZINE
Pays: Etats-Unis.
Périodicité: hebdomadaire.
Diffusion: 3,2 millions d’unités.
Magazine d’information le plus distribué au monde.
Le Time proposait cette semaine un long article sur la situation du Liban dans ses premières pages, signé Aryn Baker, chef du bureau Moyen-Orient de l’hebdomadaire.
Les affiches fleurissent un peu partout dans Beyrouth: une société promet de «protéger vos proches» grâce à des plaques en vinyle qui évitent aux baies vitrées de se briser en cas d’explosion. Au Liban, le marché de l’attentat est florissant. Jamais, depuis la guerre de 2006, les Beyrouthins n’avaient semblé aussi prudents. Dans cette ville qui s’est fait la promesse de continuer à vivre même sous les bombes, la violence a réussi à paralyser. «Habituellement, nos clients sont les banques et les ambassades», explique Nada, la gérante de la société en question. «Maintenant, ce sont les familles qui s’inquiètent pour leurs enfants».
Les attentats ont fait ressurgir le spectre d’une redite de la guerre civile. Pour les analystes, c’est autre chose qui se profile, quelque chose de peut-être pire. Le Liban risque d’être embarqué dans une confrontation entre chiites et sunnites, plus symbolique et plus profonde que la guerre de 1975. Les guerres indirectes par procuration que se livrent l’Iran et l’Arabie saoudite sont potentiellement plus dévastatrices que les guerres «importées», menées par des puissances non arabes.
AL-SHARQ AL-AWSAT
Pays: Arabie saoudite.
Périodicité: quotidien national.
Diffusion: 200000 exemplaires par jour.
Premier quotidien panarabe de la région, devant al-Hayat.
Ancien directeur de la rédaction du Journal international des Arabes, Abdulrahman el-Rashed est aujourd’hui directeur de l’information de la chaîne al-Arabiya. Il signe une tribune cinglante intitulée Les 30 ans de tuerie d’Assad au Liban.
Tous ceux qui ont osé dire non l’ont payé de leur vie. L’appétit criminel du régime Assad et du Hezbollah n’a cessé de croître au cours des vingt dernières années. Avant l’assassinat de Rafic Hariri, les crimes du régime d’Assad au Liban avaient duré plus de trente ans. Des centaines de personnes ont été tuées; parmi elles, des présidents, des Premiers ministres, des ministres, des dignitaires religieux et des leaders de la société civile, des intellectuels et des activistes chrétiens, sunnites et chiites. Enfin, les crimes d’Assad et du Hezbollah sont traduits en justice, bien que la justice divine ait précédé l’audience lorsque le peuple syrien s’est soulevé contre le régime dans sa propre cour.
Ce procès est juste un symbole qui va perdurer quelques mois, voire un an, avant que le tribunal ne livre son verdict. Aucune peine ne sera exécutée contre les criminels recherchés. Malgré cette impuissance attendue, ce procès reste une condamnation politique rappelant au monde de ce que les assassins ont fait.
LIBERTÉ
Pays: Algérie.
Langue: français.
Périodicité: quotidien national.
Diffusion: 115000 exemplaires par jour.
Quatrième quotidien du pays, derrière Echourouk (arabe), el-Watan (français) et le Quotidien d’Oran (français).
Le journal algérien s’intéresse au communautarisme d’Etat en vigueur au Liban. «Un Etat message», c’est la célèbre qualification du Liban par le pape Jean-Paul II lors de sa visite du Pays du Cèdre en mai 1997, «le Liban est plus qu’un pays, le Liban est un message». Depuis, les Libanais ne cessent de se répéter cette phrase, en espérant sauver leur pays de tout genre de conflit et surtout des conflits religieux qui ont détruit, à plusieurs reprises, la «Suisse du Moyen-Orient», surtout entre 1975 et 1990. Mais la suppression de la confession pourrait-elle sauver ce pays? Le Liban, par sa géographie, sa composition pluriconfessionnelle et sa démographie religieuse, se donnait pour vocation d’être une terre de dialogue islamo-chrétien, et un pont entre l’Orient et l’Occident. Cependant, la question qui se pose est: est-ce que les systèmes constitutionnels, politiques et sociaux actuels permettent au Pays du Cèdre d’accomplir cette mission!? Le Liban est caractérisé toujours par une «mosaïque remarquable des religions». On peut ainsi définir dix-huit communautés.
Quand la guerre civile a pris fin en 1990, les Libanais ont essayé de fonder un Etat laïque et fort à travers des changements constitutionnels. Ils se sont mis d’accord, à travers le préambule de la Constitution. Vingt-trois ans après, ils n’ont pas réussi à trouver de solution.
THE GUARDIAN
Pays: Grande-Bretagne.
Périodicité: quotidien national.
Diffusion: 350000 exemplaires par jour.
L’autre quotidien britannique de gauche du pays, avec The Independent.
La semaine dernière, Magazine vous proposait, dans sa rubrique Twittoscope, un focus sur la performance artistique de Rima Najdi. La presse internationale, comme le quotidien britannique, a pris le train en marche.
Cette femme est une bombe… littéralement! Ou en tout cas elle l’a été, le temps d’une journée. Rima Najdi, une artiste libanaise pluridisciplinaire, vit à Berlin. A son retour en terre natale pour les fêtes, elle décide d’exprimer «sa peur de mourir à tout moment» de façon originale: en déambulant dans les rues de Beyrouth, déguisée en dynamite géante. Rappelant un peu l’univers des dessins animés, son costume, fait main, avait pour but d’utiliser l’humour pour tester la réaction des gens et alerter sur la violence et l’insécurité croissantes qui touchent le pays. D’où le projet Madame Bomba TNT. Sur la page Facebook spécialement créée pour l’événement, Rima Najdi, qui se décrit comme «une dynamite mobile errant dans les rues de Beyrouth», a recueilli les encouragements d’autres Libanais, mais aussi d’Algériens, de Turcs, d’Espagnols ou encore de Yéménites.
Julien Abi Ramia
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Cette semaine, l’actualité libanaise est traitée à travers trois gros dossiers par la presse internationale. En première place, le début du procès Hariri, neuf ans après l’assassinat du Premier ministre. Viennent ensuite les débordements sécuritaires. On retrouve tour à tour l’attentat à la voiture piégée du Hermel, la chute de roquettes dans la région de Ersal et la reprise des combats à Tripoli – qui coïncide avec l’ouverture du procès à La Haye.