Il a été inauguré le 16 janvier et se poursuit jusqu’au 16 février, le festival Photomed a enveloppé la capitale libanaise. Photographes étrangers et libanais, des maîtres et des talents émergents, la photographie méditerranéenne dans tous ses états.
C’est un événement unique en son genre au Liban. Une première également pour le festival Photomed qui a lieu, depuis trois ans, en France, à Sanary-sur-Mer: s’exporter dans un autre pays. Direction donc le Liban qui était, en 2013, l’invité d’honneur de Photomed. Malgré la situation tellement instable du pays, le festival a bel et bien eu lieu, en présence de ses nombreux invités étrangers, et se poursuit toujours dans différents endroits de la capitale, jusqu’au 16 février.
«Nous tenions absolument à garder le festival maintenant, car c’est un signe fort de dire que la culture nous unit, que d’être à côté de nos amis libanais en cette période, et fiers d’être là». Ce sont les mots de Philippe Heullant, cofondateur de Photomed aux côtés de Philippe Serenon. Des propos qu’il a tenus lors d’une conférence de presse le 16 janvier, à l’hôtel Le Gray pour annoncer le lancement des activités du festival inauguré le soir même par le vernissage de l’exposition de Nino Migliori, La matière des songes, au siège central de la banque Byblos, à Achrafié, en présence du photographe italien. Nino Migliori s’est félicité de la tenue de ce festival visant à unir les peuples. «La photographie, ajoute-t-il, est parole. Elle n’est pas la représentation de la réalité, comme on le pensait jadis, mais une interprétation de ce que l’on voit et de ce que l’on veut dire».
Parmi les autres moments forts du festival, l’exposition Portraits de Costa-Gavras qui devait venir au Liban, mais qui en a été empêché en raison d’un problème de santé. Il a toutefois tenu à faire parvenir un message aux organisateurs exprimant sa tristesse de ne pas être là, alors qu’il se faisait une joie de revenir à Beyrouth dont il garde «de beaux et complexes souvenirs, jamais banals». Et Philippe Heullant de rappeler que Costa-Gavras est avant tout «un cinéaste qui, toute sa vie, a photographié ses amis. Il a accepté d’ouvrir ses archives et a lui-même été content de redécouvrir ces photos qui datent d’une quinzaine d’années et qui révèlent son engagement». Des clichés en noir et blanc de Simone Signoret, Yves Montand, Régis Debray… exposés aux Jewellery souks de Beyrouth,
«Il n’y a pas d’union politique ou économique pour la Méditerranée, alors faisons-la exister par la culture qui est le meilleur vecteur pour réunir les pays méditerranéens». Philippe Heullant explique ainsi en quelques mots l’idée de départ de Photomed. Un festival qui vise également à créer un espace pour permettre aux jeunes photographes méditerranéens de présenter leurs œuvres et d’émerger ainsi sur la scène internationale, tout en faisant découvrir ou redécouvrir de grands talents. C’est ainsi que l’année dernière, plus de 50 000 visiteurs ont pu s’immerger sur trois semaines dans l’œuvre de photographes méditerranéens, libanais notamment puisque, après le Maroc et la Turquie, le Liban était l’invité d’honneur. «Un pays petit par la taille, mais grand par ses talents. L’enthousiasme suscité par l’édition 2013 a été tel, que nous avons décidé d’exporter Photomed à l’étranger, en collaboration avec l’Office du Tourisme». Un défi que Serge Akl, directeur de l’Office du Tourisme, et Tony Hage, commissaire de la partie libanaise, étaient décidés à relever haut et fort.
Et il l’a été, avec neuf expositions de plus de quinze photographes éparpillées dans la ville. Aux côtés de Nino Migliori et Costa-Gavras, comme l’explique Jean-Luc Monterosso, directeur artistique de Photomed et directeur de la Maison européenne de la photographie à Paris, figurent également d’autres grandes expositions. Fouad El-Koury a rassemblé à la SV Gallery, à Saïfi, les photographies de son Liban natal, symphonie subtile de paysages intérieurs et spirituels, dans lesquels il a glissé quelques photos prises en dehors du Liban. A la galerie Ex-Maqam, également à Saïfi, la jeune photographie libanaise est à l’honneur (voir encadré), sous l’œil expert du commissaire Tony Hage qui, lui, expose aux Jewellery Souks, ses Portraits, de 1981 à 1985, qui, comme il l’explique, sont autant de «petites histoires entre le photographe et la personne rencontrée».
La galerie 169 (Saïfi) et les Jewellery Souks accueillent respectivement le travail de deux photographes grecs: Katerina Kaloudi, qui livre une vision inattendue de la Grèce d’aujourd’hui, et Stratis Vogiatzis qui décrit la vie des pêcheurs en Haute Méditerranée à travers des images troublantes et puissantes. La Méditerranée revit aussi à l’Institut français à travers les architectures du Marseillais Jacques Filiu, Marseille précisément, ainsi qu’à travers le regard du photographe Guy Mandery dans La Méditerranée de nos jours. Ce dernier, historien et critique, expose des images réalisées au cours de ses voyages et séjours en Grèce, Sicile, Tunisie, et plus récemment au Liban. Enfin l’art vidéo est présenté dans l’espace Station (Jisr el-Wati) avec une sélection de la collection de la Maison européenne de la photographie et la collaboration amicale de Barbara Polla.
Avec cette première édition de Photomed au Liban, Monterosso souhaite que «Beyrouth puisse s’inscrire désormais dans la lignée des grandes capitales photographiques».
Nayla Rached
Programme: www.institutfrancais-liban.com − www.festivalphotomed.com
La jeune photographie libanaise
Sept photographes libanais, sept talents émergents, même s’ils ne le sont plus sur la scène locale comme le précise Jean-Luc Monterosso, exposent leur travail à la galerie Ex-Maqam, à Saïfi Village, tous les jours de 11h à 18h. Caroline Tabet, Emile Issa, Ghadi Smat, Joanna Andraos, Lara Zankoul, Mazen Jannoun, Tanya Traboulsi, «une génération de l’entre-deux, selon Monterosso. Des photographes qui ont gardé la mémoire de situations douloureuses que le Liban a vécues, mais qui sont aussi témoins de la reconstruction, entre ce passé douloureux et ce futur inquiétant mais quand même plein d’espoir». A noter également que Photomed a instauré, en collaboration avec l’Institut
français du Liban, un concours de
photographie annuel dont le lauréat sera invité à exposer à Sanary en France, et le second à l’Institut de Beyrouth.