Au lendemain des événements de 1958, l’élection du président Fouad Chéhab à la tête de la République donne au Liban un nouvel essor. Cependant, la mission du nouveau président n’est pas aisée. Le pays avait été mis à feu et à sang pendant des mois.
Dans son discours d’investiture, le général Fouad Chéhab présente un plan ambitieux: rétablir le calme et reconstruire ce qui a été détruit. Un plan dont le Liban avait grand besoin et auquel vont s’atteler les différents leaders pour effacer les séquelles de l’insurrection.
Rétablir l’autorité de l’Etat sur tout le territoire libanais s’avère difficile les premiers temps. Il faut des mois de patience et de coopération de tous pour ramener la sécurité, profondément ébranlée, dans le pays.
Le 24 janvier 1959, une embuscade tendue par des membres de la tribu des Jaafar au Akkar entraîne la mort d’un moine et l’enlèvement de deux autres. Les pères Janatios, Georges et Jean Mourani, de l’Ordre alépin maronite, se rendaient à un mariage à Kobeyate. A 3 Km, à peine, de leur destination, leur voiture est la cible de tirs. Le père Janatios est grièvement blessé. Les agresseurs refusent de lui porter secours et le laissent mourir sans aucun soin. Les pères Georges et Jean Mourani sont enlevés par les membres du clan.
Les deux prêtres sont relâchés, deux jours plus tard. Ils affirment que les Jaafar savaient qu’ils étaient moines, ce qui ne les a pas empêchés d’attaquer leur voiture et de laisser le père Janatios mourir sur place.
L’affaire provoque une vive émotion. Les responsables libanais sont choqués et déplorent ces actes barbares, perpétrés par des clans dans les régions éloignées. Ils sont unanimes à appuyer toute action du gouvernement pour dénoncer et punir ces actes. Le chef de l’Etat dénonce l’affaire et préconise des mesures pour arrêter les coupables.
Le ministre de l’Intérieur, Raymond Eddé, s’empresse de prendre les décisions qui s’imposent. Il rencontre une délégation de la famille Jaafar qui promet de livrer les coupables. Ces derniers sont arrêtés et jugés. Le 3 juillet 1961, le Tribunal militaire condamne à mort Nehmet Jaafar, coupable du meurtre du père Janatios Mourani.
Le travail des différents services concernés par l’affaire contribue à son heureux aboutissement. La réconciliation nationale, survenue après l’insurrection de 1958, résiste aux secousses et aux incidents qui auraient pu entraîner le pays dans l’inconnu. Pourtant, la sécurité restait précaire malgré les dispositions prises pour remettre le pays sous la seule autorité de l’Etat. Fin décembre 1958, une amnistie générale est votée. Mais face aux menaces d’une sécurité encore précaire, la loi Eddé est adoptée en février 1959. Elle annule les circonstances atténuantes et impose la peine de mort à tout criminel qui aurait agi intentionnellement, même sans préméditation.
Etant donné l’existence des armes entre les mains des citoyens, ces mesures étaient en dessous de toutes les attentes. Plusieurs crimes sont perpétrés. Un nouveau gouvernement est mis en place, le ministre Eddé ayant démissionné pour protester contre les lenteurs de la justice.
1959 fut malgré tout l’année de la reprise en main de l’autorité par l’Etat. La dénonciation, à l’unanimité, par toute la classe politique des actes commis par les clans, permet d’y mettre un terme.
Arlette Kassas
Les informations citées dans cet article sont tirées du Mémorial du Liban – le mandat Fouad Chéhab de Joseph Chami.
Agression contre un ex-député
Le meurtre du père Janatios et l’enlèvement de deux moines n’est pas la seule affaire qui préoccupe les responsables libanais au début de 1959. Les incidents se multiplient dans
plusieurs régions, surtout au Nord. Le 31
janvier 1959, l’ex-député du Akkar, Albert Hage, est grièvement blessé à Tripoli par un individu masqué. Aucun lien n’a été établi avec l’affaire de Kobeyate. Le 4 février, les autorités
réussissent à arrêter Omar Osman qui avoue avoir agressé Me Albert Hage, ce dernier ayant exigé de lui des honoraires élevés.