Magazine Le Mensuel

Nº 2937 du vendredi 21 février 2014

Affaire Déclassée

Il y a un demi-siècle. Un réseau terroriste syro-libanais décapité

En 1964, le Liban tente de consolider l’Etat et ses relations avec la Syrie sont au plus mal. Le 6 mai de cette même année, un réseau terroriste dirigé par un officier syrien, Jalal Merhej, est découvert et révélé à l’opinion publique. Des arrestations ont lieu dont celles de nombre de Syriens. L’affaire est à la Une de tous les médias locaux pendant des jours.

Après l’arrestation du lieutenant syrien Jalal Merhej, Damas exerce des pressions sur le Liban pour que l’affaire soit étouffée, mais malgré tout, le juge d’instruction militaire publie, fin mai, l’acte d’accusation qui porte sur l’intention inculpée de faire sauter une ambassade arabe, des sièges de journaux et d’enlever des personnalités libanaises et des réfugiés syriens au Liban.
Le nouveau gouvernement de Damas cherche une solution sauf que l’acte d’accusation est clair. Il met en cause l’ancien gouvernement syrien qui aurait cherché à créer la discorde sur la scène libanaise, alors que le Liban jouissait d’une prospérité due à l’entente entre les différentes communautés et à l’unité nationale instaurée dans le pays. Le lieutenant Merhej, ainsi que plusieurs autres accusés syriens, avaient l’intention de mettre à exécution un plan terroriste susceptible de provoquer la panique et le désordre et de créer la méfiance entre les citoyens.
L’acte d’accusation retient les charges de terrorisme: détention d’explosifs, plans d’attentats contre la sûreté de l’Etat, enlèvements, ports d’armes prohibées… La liste est très longue et met en cause le lieutenant Merhej et ses complices dont le journaliste syrien Moutih Ghadri, Mohammad Jalal Talabani et Jamil Daaboul. D’autres personnes ont fait l’objet de mandats d’amener. La peine requise contre Merhej et ses complices, des travaux forcés à perpétuité.
Damas demande alors que l’officier inculpé lui soit livré, ce que Beyrouth refuse. Les incidents se multiplient. Les forces de l’ordre libanaises arrêtent un Syrien transportant dans sa voiture des mécanismes pour bombes à retardement et des explosifs.
Quelques jours plus tard, un autre réseau terroriste syrien est découvert. Il est dirigé par le commandant syrien, Tarek Bachir, avec pour complice le Syrien Ahmad Said et le Libanais Tanios Rizk Gergès. Des Syriens qui ont cherché à s’infiltrer au Liban sont arrêtés. Dans son acte d’accusation, le juge d’instruction militaire requiert également les travaux forcés à perpétuité contre le commandant Bachir, jugé par contumace.
Un troisième réseau est intercepté à Tripoli, il compte douze membres dont huit Syriens. Les autorités le tiennent responsable dans l’attentat perpétré contre le domicile de Hachem Husseini.
Pendant ce temps, la Syrie ne désarme pas. Radio-Damas appelle à la libération de Merhej et accuse la presse libanaise de mener une campagne anti-syrienne. Elle demande la remise de certains réfugiés syriens considérés repris de justice. Elle pousse même sa campagne jusqu’à accuser le Liban d’abriter des centres d’entraînement de sabotage.
Les autorités libanaises sont face à un dilemme difficile. Les relations avec la Syrie sont au plus bas. Pierre Gemayel propose l’instauration de relations diplomatiques avec Damas que ce dernier rejette sans discussion, en arguant du fait que les contacts directs suffisent à régler les litiges entre les deux pays.
Beyrouth s’empresse de mettre à la disposition des autorités syriennes les enregistrements sur bandes des déclarations de Merhej. Le Liban adresse une note au ton ferme au nouveau gouvernement syrien en riposte aux accusations lancées contre lui.
Au procès, le lieutenant Merhej plaide non coupable. Il déclare devant le Tribunal militaire être venu au Liban «pour arrêter des criminels recherchés par Damas». Mais l’un des accusés affirme que l’officier projetait de dynamiter l’ambassade de la République arabe unie (RAU), d’assassiner Kamal Joumblatt et d’effectuer d’autres actes subversifs.
Merhej est condamné à dix ans de travaux forcés. Le 22 août 1964, il est gracié par le chef de l’Etat Fouad Chéhab. L’affaire est close.
 

Arlette Kassas

Riposte de Damas
Le 18 juin 1964, alors que deux inspecteurs libanais de la Sûreté générale, rentraient de Turquie via la Syrie, ils sont arrêtés en représailles à l’affaire Merhej et libérés une fois ce dernier gracié. Ils avaient passé soixante-six jours à la prison de Mazzé.

Les informations citées dans cet article sont tirées du Mémorial du Liban: le mandat Fouad Chéhab, de Joseph Chami.

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