Le 21 janvier, pris d’un coup de folie meurtrier, Rouhad Ezzeddine tue ses deux filles et finit par se suicider. Sa femme, officier de l’Armée américaine, venait tout juste de rentrer d’Afghanistan. Récit d’une tragédie aux circonstances encore troubles.
La première classe Carla Santisteban racontait tout sur sa page Facebook. En ce début d’année, sa mission en Afghanistan, au sein d’une unité spécialisée dans la logistique médicale, s’achève. Sur les réseaux sociaux, la jeune Américaine de 33 ans originaire du Pérou crie sa joie de rentrer chez elle, à Fort Hood, au cœur du Texas. Son chez-soi se situe aux abords de la plus grande base militaire des Etats-Unis − elle peut accueillir 80 000 personnes, dont 43 000 soldats. En ligne, tous les messages de Carla s’adressent à ses deux filles; Leila, 9 ans, et Zeinab, 5 ans. Aucune allusion à son mari Rouhad, sauf ce message daté du 12 janvier: «Une relation, ça marche à deux, mais certains ne savent pas compter». Ce Libanais de 42 ans, originaire de Kafra, dans le Liban-Sud, était-il volage? Mardi 21 janvier, à 4h24 du matin, Carla poste ce message liminaire: «A Fort Hood». Trois heures plus tard, lorsqu’elle entre dans sa petite maison située dans le lotissement de Pershing Park, toute sa vie va s’effondrer.
Elle découvre les corps de Rouhad et de ses deux filles, tous les trois tués d’une balle dans la tête. Pour les enquêteurs militaires du Criminal Investigation Command, la scène du crime ne laisse pas de place au doute, il s’agit d’un meurtre suicide. Le père a abattu ses enfants avant de se suicider. «C’est une tragédie pour la mère et la famille de ces enfants», déclarera le major-général Anthony Ierardi, commandant de la base de Fort Hood. Le drame bouleverse la communauté très éprouvée de Fort Hood, qui voit dans cette affaire ressurgir les questions autour du suivi psychologique des soldats et de leurs familles. En 2009, un psychiatre de la base, Nidal Hassan, avait tué treize personnes.
L’affaire Hariri surgit
Une tragédie qui s’est achevée quatre ans plus tard après sa condamnation à mort, en août dernier. En 2010, les autorités de Fort Hood ont rapporté vingt-deux suicides au sein des forces armées stationnées sur la base. Depuis, le chiffre est en constante diminution. L’affaire a ému le Congrès qui a posé une requête auprès du secrétaire à la Défense sur la faisabilité d’une étude publique sur les suicides dans les familles de soldats.
Au Liban, l’affaire a pris une tout autre tournure. Il y a quelques jours, la chaîne de télévision al-Jadeed a révélé que Rouhad Ezzeddine était le frère de Moustafa Ezzeddine, utilisateur de l’un des numéros de téléphone portable cités dans l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri en 2005. Moustafa ne l’a jamais nié. Quelques jours après la révélation de certains de ces numéros de téléphone, la rédaction de la chaîne a indiqué que certains de ces numéros sont encore en service et qu’ils appartiennent à des personnes qui, semble-t-il, n’ont rien à voir avec l’affaire Hariri. Le tribunal a donc été contraint de publier un communiqué dans lequel il explique que l’un des numéros de téléphone portable cités pendant le procès était en fait erroné, une erreur d’impression, argue-t-il. La coïncidence ne s’arrête pas là, car selon la chaîne, les enquêteurs auraient en fait confondu Moustafa Ezzeddine, dont le numéro se termine par 967, et Moustafa Badreddine, successeur de Imad Moghnié au sein du Hezbollah et l’un des instigateurs présumés de l’attentat qui a coûté la vie à Rafic Hariri.
A la lecture de toutes ces conjectures, la famille de Rouhad Ezzeddine a publié un communiqué dans lequel elle conteste les conclusions de l’enquête américaine, exhortant les médias à attendre ses résultats définitifs. Pour Carla et sa famille, leur conviction est faite.
Julien Abi Ramia
Libanais victimes en série
Aux Etats-Unis, avec l’affaire Ezzeddine, deux autres affaires de meurtre, impliquant des Libanais de confession chiite, sont apparues en l’espace de vingt-quatre heures.
Le même jour, Hussein Saghir, âgé de 30 ans et originaire du village de Kharayeb, a été tué au cours du cambriolage d’une
station-service à Benesville, dans la banlieue de Chicago, où il travaille avec son frère.
Quelques heures plus tard, Assil Ali Srour Makki, une jeune femme de 20 ans originaire de Batoulay, près de Tyr, s’est suicidée à Dearborn, dans l’Etat du Michigan, dans des circonstances mystérieuses. Elle laisse
derrière elle un fils de neuf mois.