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Nº 2937 du vendredi 21 février 2014

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Joseph Chami. «Le Liban s’enfonce dans le sectarisme et le communautarisme»

1988-1990. De l’indépendance à la tutelle. Tel est le titre du neuvième ouvrage d’une très riche collection Le Mémorial du Liban, à travers laquelle Joseph Chami brosse l’histoire du Liban et celle des différents mandats présidentiels de 1920 à 1990.
 

Quel message avez-vous voulu transmettre 
à travers vos écrits?
Je trouve utile de sauvegarder la mémoire. On se souvient de ce qui a eu lieu hier et on oublie ce qui s’est déroulé dans le passé. Il était indispensable à mes yeux de conserver les traces de cette époque pour comprendre ce qui se passe actuellement. Qu’est-ce qui fait que nous sommes aujourd’hui dans une impasse? Cela remonte, d’après moi,  aux hommes politiques qui n’ont rien entrepris − à l’exception de quelques responsables − pour faire du Liban une nation. Ils ont maintenu les Libanais dans leur communauté avec la bénédiction des chefs religieux, qui forment une classe politique à part, car c’est seulement en maintenant les citoyens divisés de façon sectaire qu’on peut perpétuer le pouvoir. Je ne jetterais pas la responsabilité aux seuls hommes politiques et religieux, mais aussi sur la population. A quoi nous a servi d’avoir des dizaines d’universités? Nous sommes incapables de réfléchir indépendamment des sirènes politiques qui nous assourdissent de promesses.
J’ai été journaliste pendant une quarantaine d’années et cela m’a donné l’occasion de constater que nous sommes «aspergés» de promesses jamais tenues. Nous sommes enclins à applaudir ce qu’ils promettent sans leur demander des comptes. Nous sommes l’un des rares pays, gérés par une politique démocratique à n’avoir jamais sanctionné un dirigeant. Par ailleurs, en fréquentant des collègues journalistes lors de mon séjour à Chypre au siège régionale de l’AFP 
(Agence France Presse), j’ai constaté combien ils pouvaient être d’excellents rédacteurs, tout en ignorant ce qui s’était déroulé hier et combien leur vision du proche passé était influencée par des positions tranchées. J’ai donc pensé qu’il serait bon et utile de compiler par ouvrage, consacré à chaque président de la République, le déroulement des événements. Tout ce qui se faisait et se disait et non seulement sur le plan politique, mais aussi social, artistique, sportif… les rares volets positifs du pays.

 

Comment les responsables ont-ils accueilli vos ouvrages?
Il est évident que je sors de l’Histoire pour toucher à l’actualité et que beaucoup de responsables, plus ou moins directement, ou par leur descendance au pouvoir, ne souhaiteraient pas se voir rappeler des prises de position à contre-courant de ce qu’elles étaient, il y a dix ou vingt ans. Mais  je laisse au lecteur s’il le veut ou le peut, le soin de tirer ses propres conclusions.

D’après votre expérience, 
comment voyez-vous l’avenir?
Nous faisons face à deux défis. A deux pays voisins qui n’ont  jamais voulu du Liban. Israël, gêné par la Syrie qui, depuis l’accession du parti Baas au pouvoir en 1963, n’a pas accepté la présence à ses côtés d’un Etat démocratique. Ce qui est dangereux aussi c’est que le Liban s’enfonce dans le sectarisme et le communautarisme. Les gens qui réfléchissent se taisent ou s’exilent. A court terme, le pays risque une paralysie inquiétante et une forme de «somalisation». De plus en plus de régions échapperont à toute autorité étatique. Il faut un soubresaut au niveau de la population qui doit se retrouver autour de dénominateurs communs. Nous sommes exceptionnels sur le plan individuel mais non collectivement.

Propos recueillis par Danièle Gergès

Une carrière en bref
De culture juridique et économique, diplômé en planification de l’Irfed, il fut secrétaire de rédaction du Jour puis de L’Orient-Le Jour et rédacteur en chef de Magazine. Fondateur des Fiches du monde arabe – FMA, il fut conseillé de l’information du président Amine Gemayel, puis directeur du service mondial arabe de l’AFP. La très riche collection du Mémorial, dont cet ouvrage est le dernier en date, compte huit autres portant sur chacun des mandats de Béchara el-Khoury à Amine Gemayel.

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