Magazine Le Mensuel

Nº 2937 du vendredi 21 février 2014

Mouna Béchara

L’espoir interdit

Nouvel attentat, nouveaux kamikazes, nouvelles victimes, des morts et des blessés innocents, et de nouveau la peur dans le pays. Le gouvernement, accouché aux forceps, dont le Liban vient de se doter, est ainsi rappelé à l’urgence de se mettre au travail. Après dix mois de querelles autour de l’avenir du pays, de ses accointances avec ses voisins, de son indépendance et de sa souveraineté, le retour à l’autorité de l’Etat se fait de plus en plus pressant. La désignation par les parlementaires, de Tammam Salam à la succession de Najib Mikati démissionnaire, a été applaudie à l’unanimité et impose à son équipe de renoncer à tout intérêt électoral ou personnel pour ne penser qu’à celui d’un peuple dont la vie est sans cesse mise en danger. La personnalité et l’héritage politique du nouveau Premier ministre sont rassurants. L’espoir semblait renaître et le climat s’apaiser quand est survenu ce nouveau drame qui frappe tous les Libanais. Depuis le 14 février 2005, de triste mémoire, trois gouvernements se sont succédé, tous avec autant d’inefficacité. Tiers de blocage, ou non, les urgences sont négligées et les décisions jetées aux oubliettes. Les promesses faites sous la pression de la rue, si souvent prise d’assaut par les mécontents de la république, restent lettre morte. Les voitures piégées et les assassinats sont devenus monnaie courante et occupent la première place dans les médias. Les forces de sécurité s’activent, certes, mais sans l’indispensable couverture politique et les «élus du peuple» se contentaient – prochaines législatives obligent – de partager sincèrement ou pas, le drame que vivent les familles endeuillées. Mais trêve de larmoiements. Le fait est que, malgré ceux qui continuaient à conseiller au Premier ministre désigné et au chef de l’Etat de donner encore du temps au temps, l’impatience gagnait le peuple dont le quotidien devenait de plus en plus dur à vivre. Mais, on ne sait par quelle baguette magique les nœuds se sont soudain défaits et les positions, hier encore inflexibles, se sont assouplies, du moins en apparence.
Echaudé, le Libanais incrédule ne veut pas encore croire au changement d’ambiance et à un retour possible dans le giron d’un Etat providentiel. S’il est vrai qu’il faut être naïf pour croire que, désormais, tout coulerait de source, que la sécurité deviendrait irréprochable et que la stabilité règnerait, il n’est pas interdit de l’espérer ou même d’en rêver.
Le cabinet Salam, s’il survit à ses contradictions, vivra tout au plus trois mois pour accomplir la mission qui lui est impartie. Celle de remettre de l’ordre dans la société laissée, depuis des années, sans filet avec pour seule ambition: sortir de l’ornière et échapper à ce qui était devenu, plus qu’une république bananière, une jungle où les loups sévissent en tout impunité et où les crimes ne sont plus que des faits divers, presque banals, qui alimentent les médias.
Mais trêve de pessimisme et, malgré un scepticisme justifié, il nous faut reconnaître que ce petit pays de 10452 km2, perdu dans ce monde qui bouillonne, continue à intéresser les puissants Etats de la région et de l’Occident. Cela ne tient pas du miracle mais de la dynamique d’un peuple qui, laissé à lui-même, a donné l’exemple de sa force de volonté et de sa résistance en se reconstruisant au lendemain d’une guerre meurtrière de quinze ans. La situation n’est, certes, plus la même. Combien de Libanais, désespérant de leurs dirigeants, ont abandonné le bateau pour s’en aller enrichir d’autres pays de leur savoir-faire reconnu de tous. Sommes-nous au seuil d’une nouvelle ère? Même si cela tient de l’utopie, nous voulons y croire et avant de nous lancer dans des spéculations prématurées laissons à ce gouvernement, qui affiche ses bonnes intentions, le bénéfice du doute même si nous savons que l’enfer en est pavé.

Mouna Béchara
 

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