C’est aujourd’hui, 28 février, qu’est lancé le mois de la francophonie, plus de trente jours d’activités culturelles de tous genres. A cette occasion, Magazine rencontre Henri Lebreton, directeur de l’Institut français du Liban et conseiller de coopération et d’action culturelle près de l’ambassade de France.
Quels sont les points forts de la programmation du mois de la francophonie?
Nous avons voulu cette année mettre le programme sous le signe de l’humour, de la légèreté. Je crois qu’aujourd’hui, tout le monde en a besoin. Nous avons des rendez-vous qui sont particulièrement attractifs pour le public. L’ouverture se fait le 28 février, avec deux expositions, et le spectacle L’art du rire du comédien belge Jos Houben, qui a fait un tabac à Paris l’année dernière, et qui, comme un professeur, vient expliquer de manière très académique ce qu’est le rire et comment il faut rire. Il y a dans cette même veine d’autres spectacles tout publics, familiaux. La compagnie Les Trombines à coulisses présente un théâtre un peu fantastique, burlesque pour les enfants, et la compagnie Les Z’Indépendants présentera une compétition d’improvisation théâtrale avec des étudiants libanais sous la supervision de l’AUF (Agence universitaire de la francophonie), ainsi que le spectacle de stand-up de Jo Kodeih. Et puis nous avons à Beyrouth et dans les instituts en province tout une série d’ateliers, d’animation, de contes, de projections de cinéma, de rencontres littéraires qui, là aussi, visent à proposer des activités de proximité. C’est vraiment un programme très bien rempli qui s’adresse à un public jeune et familial, à tous ceux qui s’intéressent à la francophonie vivante.
Il y a une véritable attention accordée à la jeunesse. Pourquoi?
La francophonie au Liban repose sur un socle scolaire et universitaire tout à fait important. Il est donc particulièrement fondamental de toucher ce public pour l’amener à se rendre compte que le français est une langue de culture, académique, mais aussi une langue de communication, et qu’il y a des tas de façons de jouer avec les mots et d’utiliser le français, qui sont plaisantes et ne s’inscrivent pas seulement dans la correction grammaticale.
Sentez-vous un désintérêt par rapport au français parmi les jeunes, que la francophonie est menacée comme on le dit souvent?
Je suis de nature optimiste. Les recteurs que j’ai rencontrés m’ont tous confirmé l’importance qu’ils attachaient à la maîtrise du français par les étudiants qu’ils recrutent et qu’ils emmènent jusqu’au niveau du Master. Pour ces universités, USJ et UL, c’est vraiment un objectif que de permettre à leurs étudiants de maîtriser suffisamment le français pour pouvoir l’utiliser, à côté des autres langues, comme un outil professionnel et de contact international. Les enseignants que j’ai pu rencontrer, un certain nombre d’interlocuteurs libanais ont tendance à regretter un temps passé où, disent-ils, le français était mieux parlé qu’il ne l’est actuellement. Je ne doute pas du tout de leur appréciation. Mais je pense qu’on est dans un monde qui a changé où l’internationalisation est beaucoup plus forte, où les besoins de français sont certainement différents de ce qu’ils étaient il y a vingt-cinq ans et qu’il faut travailler avec toutes les institutions libanaises dans ce sens. C’est-à-dire voir comment l’apprentissage du français peut servir des étudiants, des jeunes, dans leurs projets personnels et utiliser des outils qui leur permettent de hausser leur niveau, si celui-ci ne leur permet pas d’atteindre les objectifs qu’ils veulent se fixer.
Vous avez récemment pris vos fonctions, quelle sera votre politique d’action?
Il y a une relation entre la France et le Liban qui est très riche. Il y a énormément d’initiatives, de nombreux programmes de coopération qui existent, soit à l’initiative de l’ambassade de France et de l’Institut français, soit à l’initiative d’acteurs libanais et français, qu’il s’agisse de collectivités locales, d’universités ou d’établissements scolaires.
Il y a une première direction qu’il est plus que jamais important d’appuyer, c’est la qualité de l’enseignement du français au Liban. Le français fait partie de l’identité libanaise. Nous pouvons apporter un certain nombre d’outils de formation continue aux professeurs qui enseignent en français et le français. Soit donc tout ce qui peut contribuer à faire vivre la francophonie, et je pense à des manifestations comme celle du mois de la francophonie ou le Salon du livre.
La deuxième orientation est de pouvoir continuer d’irriguer les échanges culturels entre la France et le Liban. Les artistes, les collectifs d’artistes libanais regardent bien souvent vers l’étranger. Ils ont un public local, mais s’ils veulent se faire reconnaître au-delà du Liban, il faut qu’ils passent par l’Europe ou par d’autres destinations. Nous avons là un rôle à jouer pour aider les créations les plus innovantes, et faire que de jeunes cinéastes, danseurs, comédiens, musiciens… puissent, ici, à Paris, à Avignon… trouver un auditoire qui leur permette d’avancer sur leurs créations. Et cela est d’autant plus pressant que quand les temps sont difficiles, quand beaucoup de contraintes pèsent sur la situation quotidienne, les gens de culture sont encore plus importants.
Le troisième domaine, c’est l’université. Le Liban a joué et continue de jouer un rôle prépondérant dans la région en matière de formation et d’exportation de compétences très pointues dans de nombreux domaines. Les points d’accrochage sont nombreux; je pense qu’on peut continuer de travailler et de consolider ce qui a été fait pour amener les universités à renforcer leurs recherches. Ce sont des programmes que nous avons lancés récemment et qui peuvent permettre aux universités, désirant demeurer dans le domaine de la recherche, de rester au niveau des meilleures institutions universitaires dans la région et au-delà. Et c’est important pour l’avenir des jeunes Libanais de pouvoir être encadrés par des enseignants chercheurs qui sont capables d’exposer la pointe des travaux de recherche.
Mais ce qui me frappe, c’est qu’il ya un tel foisonnement d’initiatives qui se renforcent et se consolident. Une dynamique qu’il faut continuer à entretenir.
On ressent, ces derniers temps, une plus grande implication de l’AUF sur la scène locale. Qu’en pensez-vous?
Nous travaillons en confiance avec le bureau régional de l’AUF, évidemment dans le même sens et bien souvent avec les mêmes partenaires. Ce que fait l’AUF, avec ses propres instruments, est d’offrir d’autres ouvertures, complémentaires ou différentes, de celles que nous pouvons nous-mêmes assurer. De ce point de vue, l’AUF a un rôle très important pour la communauté universitaire libanaise, mais aussi de mise en relation de celle-ci avec la communauté universitaire de la région et les universitaires du Nord.
Vu la situation sécuritaire du pays, comment jongler?
Nous continuons de travailler pour qu’il y ait une offre et des propositions culturelles aussi importantes et diversifiées que la situation le permet, et qui se déroulent aussi bien à Beyrouth qu’en province.
C’est précisément lorsque nos amis libanais ont besoin de se sentir un peu épaulés qu’il faut que nous soyons là. Et je suis très heureux de voir que les artistes qui ont été conviés au mois de la francophonie ont tous répondu présents. Il faut maintenir autant que nous pouvons nos propositions culturelles.
Propos recueillis par Nayla Rached