Si aucune entente sur la déclaration ministérielle n’est trouvée avant
le 17 mars, deux options sont envisagées: soit le gouvernement Salam gère les affaires courantes jusqu’à la présidentielle, soit le Premier ministre démissionne et laisse la place à de nouvelles consultations parlementaires.
Mardi, la dixième réunion de la commission ministérielle chargée de la rédaction de la déclaration ministérielle n’a rien donné. Les alliés du Hezbollah restent attachés à la prééminence de la Résistance, le 14 mars tient à la confiner sous la coupe de l’Etat. Les formules alternatives, étudiées ces derniers jours, n’ont même pas été discutées. Ni celle de Gebran Bassil qui avait évoqué «le droit du Liban [et des Libanais] à la libération de ses territoires et à la résistance contre toute attaque israélienne par tous les moyens légitimes» à la tribune du Conseil des ministres des Affaires étrangères des pays membres de la Ligue arabe. Ni celle concoctée par Ali Hassan Khalil et Waël Abou Faour, qui a obtenu l’assentiment de Nabih Berry et de Walid Joumblatt. Les deux ministres ont décidé ensemble, quelques minutes avant la réunion, de ne pas la présenter. Ils attendent le moment propice pour le faire. En clair, lorsque les camps auront dépassé la phase de la surenchère. Autrement dit, lorsque s’apaisera l’atmosphère régionale.
Inévitable impasse
Après avoir rencontré chacun des membres de la commission, le Premier ministre Tammam Salam a ouvert la séance de mardi en expliquant qu’il est «hors de question que se tienne une onzième réunion sans un accord sur la déclaration». «Je me dois d’être honnête», ajoute-t-il, avant d’annoncer que la question sera étudiée en Conseil des ministres. Une façon de neutraliser les débats. La réunion ne durera que quelques minutes. Boutros Harb propose une formule. Niet de Mohammad Fneich. Sejaan Azzi s’interroge sur les suites constitutionnelles. Salam coupe court.
Le climat qui a prévalu les quelques jours suivant la formation du gouvernement de Tammam Salam s’est subitement gâté. La conséquence calculée du report de l’étude de la déclaration ministérielle. Pour le
14 mars, il est ici question de rétribution en interne. En se rapprochant du CPL et du Hezbollah, avec qui il a finalisé la formation du gouvernement, Saad Hariri a froissé les faucons du 14 mars représentés par le leader des Forces libanaises Samir Geagea. Pour préserver les équilibres internes, il était inconcevable que le leader de la coalition concède encore du terrain en ce vendredi 14 mars.
Les options de Salam
Mardi soir, deux dates sont inscrites dans les agendas des ministres. La séance du Conseil des ministres, prévue ce jeudi, servait surtout à Salam pour coller à la procédure et mettre toutes les parties devant leurs responsabilités. Avant même cette séance, il était exclu que le Premier ministre sorte une formule de son chapeau et la soumette à un vote à la majorité qualifiée. La minorité lésée aurait immédiatement démissionné. La deuxième date, le 17 mars, est celle de l’expiration du délai imparti à la commission pour présenter la déclaration ministérielle. Comme l’a expliqué cette semaine Sejaan Azzi, «un premier miracle est arrivé lorsque le gouvernement a été formé. Un second miracle peut donc se produire avec la mise au point de la déclaration ministérielle. Mais les miracles n’arrivent pas tous les jours».
Il reste tout de même une carte à jouer. Khalil et Abou Faour vont-ils mettre la proposition Berry-Joumblatt sur la table? «J’attendrai la déclaration ministérielle jusqu’à lundi prochain minuit», expliquait mercredi le président du Parlement. La possibilité reste entrouverte. Après tout, les vents contraires de la situation régionale peuvent souffler dans le bon sens. Mais à entendre les parties représentées au gouvernement, la prochaine étape diplomatique est prévue pour le 22 mars, date de la visite du président américain Barack Obama en Arabie saoudite. Une façon de dire qu’ils regardent déjà l’après-lundi.
Ils regardent le calendrier et lisent la Constitution. Comme l’a rappelé Sejaan Azzi lors de la réunion de mardi, l’expiration du délai des trente jours serait une première historique. Jamais les constitutionnalistes ne s’étaient penchés sur cette éventualité. En tout cas, jusqu’ici. Dans sa deuxième partie, l’article 64 qui évoque cette question dit ceci: «Le gouvernement ne peut exercer ses prérogatives avant l’obtention de la confiance ni après sa démission ni après avoir été considéré démissionnaire, dans le sens étroit de l’expédition des affaires courantes».
Sans déclaration ministérielle, pas de confiance du Parlement, ni de gouvernement de plein exercice. La Constitution laisse donc à Tammam Salam deux possibilités. Lundi, le Premier ministre peut démissionner de lui-même, prenant acte de son incapacité à diriger un gouvernement dont les composantes ne s’entendent pas sur une politique commune. Des sources proches du Premier ministre expliquaient en milieu de semaine qu’il étudiait «sérieusement cette possibilité, car attaché au respect de la Constitution». Un camouflet énorme, voire injuste, pour un homme qui n’aurait été finalement qu’une victime collatérale des péripéties échappant à son contrôle.
La suite? C’est le président de la Chambre, Nabih Berry, qui l’évoque: «Sans déclaration ministérielle avant lundi, je demanderai au président de lancer de nouvelles consultations parlementaires». Les députés se mettraient donc à la recherche d’un nouveau Premier ministre. Le seul aujourd’hui capable de réunir l’ensemble des suffrages est sans conteste Saad Hariri. Leader de son camp, son ouverture au CPL et les signaux lancés au Hezbollah font de lui le Premier ministre le plus stabilisateur sans doute.
Mais il reste une autre possibilité qui dépend de l’interprétation renversée de la Constitution et de la volonté du président de la République. Lorsque le gouvernement Salam sera considéré démissionnaire, il devra gérer l’expédition des affaires courantes. Mais s’il ne démissionnait pas? Là, les avis divergent. Le président Sleiman, dont le mandat s’achève le 25 mai, soit dans un peu plus de deux mois, peut lancer des consultations parlementaires et faire coïncider les calendriers gouvernementaux et présidentiels. Comprendre, coupler la nomination du Premier ministre et l’élection présidentielle. En attendant la désignation d’un chef d’Etat, le gouvernement Salam serait considéré comme la plus haute juridiction de l’Etat.
Les scénarios les plus abracadabrantesques et les craintes du 8 mars commenceraient à prendre forme. Si, le 25 mai, aucun gouvernement n’a été formé et qu’aucun président n’était élu, la prorogation du mandat de Michel Sleiman serait un impératif politique. Pour parer au vide, le président pourrait faire même décréter l’état d’urgence et déléguer à l’armée, dirigée par Jean Kahwagi, la protection de l’Etat. Plus personne ne dit que l’on n’en est plus là, tout le monde y pense.
Julien Abi Ramia
Hezbollah-Moustaqbal, le choc
Cette semaine, le vice-président du conseil exécutif du Hezbollah, Nabil Kaouk, a déclaré que «si ce gouvernement venait à adopter une déclaration ministérielle faisant fi de la
Résistance, on sera alors en présence d’un
gouvernement qui menacerait l’intérêt national».
De son côté, le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, a expliqué que «les ministres du 14 mars qui participent aux séances de la rédaction de la déclaration ministérielle se sont engagés à défendre le principe selon lequel la résistance contre l’occupation et contre Israël est un droit, un devoir et une nécessité, à condition que cette résistance ne soit pas l’objet d’un monopole politique et communautaire».