L’amour exprimé de la maman est l’une des conditions essentielles pour le développement de l’enfant et de l’adulte. Or, elles sont nombreuses ces mères qui n’ont pas la capacité d’exprimer leur affection, développant chez leurs progénitures une carence affective qui les suit toute leur vie. Quelles sont les répercussions de ce manque? Peut-on s’en sortir? Comment? Etat des lieux et témoignages.
Un politicien connu révèle une partie sombre de sa vie. Venant d’un milieu très aisé, il a tout obtenu dans la vie sur le plan matériel. Mais il traîne, depuis son plus jeune âge, une carence affective. C’est que sa mère, prise par diverses contraintes sociales, ne lui a jamais consacré du temps. Elle l’a rarement pris dans ses bras, considérant qu’ainsi elle en ferait un homme dans le vrai sens du mot. Il a toujours ressenti ce vide et même tous ses partisans réunis n’arrivent pas à le combler. Il s’étourdit de travail et reproduit avec ses enfants le même schéma éducatif. Il trompe, en outre, sans cesse sa femme lui reprochant de ne pas savoir le combler.
Hamed, lui, est un homme d’affaires. Apparemment, tout lui réussit. Il suffit qu’il se lance dans une affaire pour que l’argent remplisse ses caisses. Marié à quatre reprises, le seul reproche qu’il fait à ses «femmes» dont il divorce, c’est qu’elles ne l’aiment pas assez. Selon son entourage, toutes ses femmes l’ont beaucoup aimé, voire adulé. Son problème? Hamed a toujours vécu au pensionnant, sa mère préférant être aux côtés de son mari en Afrique. Il attendait de ses différentes partenaires qu’elles comblent ses manques affectifs.
Malek est médecin. Il ne se rappelle pas d’un seul moment où sa mère l’ait tenu dans ses bras. Elle préférait le laisser aux soins de sa nourrice. Elle consacrait l’essentiel de son temps à briller en société et à se tailler une place dans le monde des affaires. Veuve, au caractère farouche, la mère a fait de son fils un être qui rejette toute forme d’amour se vouant totalement à son métier et travaillant comme un automate pour oublier son vide affectif. Sa femme? Simple génitrice de ses enfants.
Un cri de souffrance
Qu’est-ce que la carence affective? C’est essentiellement un besoin fondamental qui n’a pas été comblé. Certaines mamans gardent une distance face à leurs enfants, soit parce qu’elles n’ont pas le temps de s’en occuper personnellement, soit que leur éducation rigide les a convaincues que plus elles sont sévères et plus elles feront de leur enfant un homme bien éduqué… Avec ce profil de femme qui n’exprime ni verbalement, ni physiquement son amour, l’enfant grandit avec un manque qu’il traînera toute sa vie. On sait aujourd’hui qu’un enfant que sa mère prend dans ses bras quand il pleure va pleurer de moins en moins au fil des mois. En revanche, celui qui n’a jamais connu les bras de sa mère lorsqu’il pleure continuera à pleurer beaucoup plus souvent et plus longtemps. Un enfant qui n’est pas comblé, sécurisé, rassuré, angoisse de ne pas trouver l’amour dont il a besoin et sera marqué par des cicatrices indélébiles qui auront des conséquences sur sa vie future.
A l’âge adulte, ce besoin d’affection restera ancré dans l’homme qui cherchera sans cesse à le combler et demandera, consciemment ou non, à ceux qu’il côtoie, de le faire, comme s’ils étaient susceptibles de compenser ce qu’il n’a pas reçu. Cet homme aura l’impression de ne jamais être assez pris en considération, jamais assez aimé, et ce manque est l’écho de ce qu’il n’a pas eu. Ce qu’on lui donne n’est jamais assez et ne peut compenser tout le manque qui vient de l’enfance.
L’absence de tendresse maternelle génère trois types de comportements. Subir sans réagir, et c’est l’inhibition qui correspond à une sorte d’attitude dépressive. Etre sur la défensive, dans le sens où même quand on vous aime, vous n’y croyez pas. Refouler l’amour auquel on ne croit pas, car on pense qu’il n’est pas possible d’être aimé. Enfin, fuir carrément. Cette personne pensant ne pas être digne de cet amour, préfère prendre la fuite.
Comme nous avons pu le constater, en cas de traumatismes dans l’enfance, la vie émotionnelle peut être très difficile à gérer. Les personnes ayant manqué d’affection pendant leur enfance n’ont pas toujours appris à établir des relations heureuses avec autrui, ni avec elles-mêmes d’ailleurs. Sur le plan physique, elles ont tendance à souffrir de dépression, d’anémie, de boulimie ou d’anorexie, de crampes d’estomac, de nausées, d’insomnie…
Danièle Gergès
Comment sortir de ce cercle vicieux?
Si vous avez manqué d’affection pendant votre enfance, vous n’en êtes pas pour autant prédestiné à être malheureux toute votre vie. Vous n’êtes pas non plus obligé de devenir un mauvais parent ou une personnalité
dépendante. Vous n’êtes pas contraint de répéter cette négligence avec vos propres enfants. En apprenant à vous aimer, et en apprenant à avoir de bonnes relations avec autrui, vous pouvez briser le cycle infernal du manque d’affection. En tant qu’enfant ayant manqué d’affection, vous avez été pris dans un cercle vicieux. Vous avez été négligé, et vous continuez à vous négliger. Vous avez été ignoré ou abandonné, et vous continuez à être ignoré ou maltraité par autrui. Arrêtez de croire que l’amour va combler vos manques. Vous devez faire un travail sur vous-même pour identifier vos blessures. Comprenez pourquoi vous fonctionnez ainsi, avec des
souffrances à répétition… Apprenez à vous aimer. Il s’agit de sentir et de réaliser que votre souffrance prend sa racine dans votre passé et que la personne qui est là au présent n’en est aucunement responsable. Il faut se reconstruire dans un nouveau schéma de fonctionnement où l’on peut enfin accepter d’aimer et être aimé. Soyez votre propre parent, donnez ce que l’on ne vous a pas donné. Vous pouvez vous faire un véritable planning «anti-manque d’affection», pour développer votre estime de soi.
Lorsqu’on souffre de carence affective
♦ On a le don de nous lancer dans des
relations de couple souffrantes.
♦ On tombe amoureux ou on s’attache à toute personne qui dit nous apprécier, nous aimer ou qui nous fait des compliments.
♦ On ne sait pas comment gérer ses
émotions, c’est pourquoi on n’est pas à l’aise avec les gens.
♦ On a de la difficulté à prendre des décisions.
♦ On est hypersensible aux jugements des autres ou aux critiques.
♦ On vit tout le temps dans la crainte d’être rejeté au point d’essayer de plaire à tout le monde afin de nous protéger du rejet ou de l’abandon.
♦ On doute souvent de soi et on a besoin d’être sans cesse rassuré.
♦ On reproche aux autres d’être méchants, considérant qu’ils ne prennent pas soin
de nous.
♦ On manque de confiance en soi et en les autres qu’on accuse de vouloir nous blesser à tout moment.
♦ On fait des cadeaux, on essaie de sauver des gens pour recevoir de l’amour et de la reconnaissance.