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Nº 2942 du vendredi 28 mars 2014

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POLITIQUE

Tarik Jdidé et ses environs. Un nouveau foyer de troubles en plein cœur de Beyrouth

Tarik Jdidé est le théâtre de combats sporadiques à intervalles réguliers, entre milices pro et anti-syriennes. Le dernier round, samedi dernier, serait-il une tentative de créer un nouveau foyer de tension à l’instar de celui de Tripoli, ou se greffe-t-il au combat idéologique qui divise l’ensemble du pays? Magazine enquête.
 

Des mouvances politiques de toutes sortes pullulent à Tarik Jdidé. Ce quartier pauvre qui s’étend de la corniche Mazraa à la Cité sportive avec, en prolongement, le camp de Sabra et Chatila, est un véritable bidonville. Dans ses ruelles, loin des grands axes qui partagent la région, dans les parages de l’Université arabe, rivalisent des idéologies contradictoires. Le secteur, à majorité sunnite, abrite des Libanais et des Palestiniens soutenant, dans leur majorité, le mouvement du 14 mars et, plus particulièrement, le Courant du futur, ainsi qu’une minorité chiite et des sunnites alliés à la Syrie et au Hezbollah. «Nous suivons l’évolution de la situation dans cette région depuis déjà un certain temps et nous avons des informations selon lesquelles certains membres, liés aux cellules terroristes récemment appréhendées, pourraient toujours se trouver dans ce quartier», signale à Magazine une source militaire s’exprimant sous couvert d’anonymat. L’un d’entre eux, le Saoudien Majed el-Majed, ancien chef des Brigades Abdallah Azzam, est décédé d’une défaillance rénale, le 4 janvier dernier, après son arrestation. Il occupait de manière ponctuelle un appartement à Tarik Jdidé. Autre facteur compliquant la donne, la proximité des deux camps palestiniens de Sabra et Chatila de la région où se trouveraient nombre de cellules dormantes.
 

Présence salafiste
Le week-end dernier, le quartier a été le théâtre de nouveaux combats à la mitraillette et aux lance-roquettes entre des miliciens. Il s’agit notamment de membres du Courant arabe de Chaker el-Berjaoui, sunnite proche du Hezbollah, des militants du Courant du futur (CDF), ainsi que des milices palestiniennes. Ces clashs ont fait un mort et treize blessés. Berjaoui a accusé des salafistes d’être impliqués dans les accrochages, information niée par une source du Fateh palestinien. «Des membres du Courant du futur et des milices palestiniennes opposées au Hezbollah ont participé aux combats, alors que les salafistes se sont abstenus», déclare la source en question.
La présence salafiste dans le secteur remonte à l’année 1988, date à laquelle l’association al-Taqwa a été fondée. Les membres de cette organisation, qui apporte un soutien important aux réfugiés syriens, font toutefois profil bas depuis l’arrestation d’un de leurs collègues, le cheikh Omar Homsi, appréhendé pour son association présumée avec le Palestinien Naïm Abbas, impliqué dans de nombreux actes terroristes. Une accusation que les membres de l’association qualifient de politique avant tout et liée à leur rôle dans le soutien à l’opposition syrienne.  
Les combats trouveraient leur origine dans un incident individuel dans le secteur de Zaroub Bacha ayant dégénéré en combats de rue.
Interrogé par les médias, Chaker el-Berjaoui a souligné que ses partisans étaient régulièrement «harcelés» à Tarik Jdidé et appelle l’armée à intervenir. Il a accusé le Courant du futur d’être à l’origine de cette irruption de violence. «Des miliciens du Futur, aidés par des salafistes, ont tenté de prendre d’assaut nos bureaux dans un
quartier situé à proximité de la Cité sportive, dimanche à l’aube; nous nous sommes trouvés dans l’obligation de réagir, dit-il. La veille, samedi soir, une rixe avait éclaté entre l’un de mes supporters et un habitant du quartier», ajoute-t-il. Du côté des salafistes, on accuse Berjaoui de servir les intérêts syriens en fomentant des troubles dans le quartier. «Berjaoui est un mercenaire qui a changé très souvent son fusil d’épaule et (Bachar) Assad a promis de mettre la région à feu et à sang si son pays était visé. Il met donc ses menaces à exécution au Liban. Berjaoui est donc un instrument entre les mains du régime, servant à espionner ses opposants», signale le responsable de presse de l’association al-Taqwa, Ihab Banna. Chaker el-Berjaoui a eu un parcours très particulier. Affilié à l’OLP, il s’est ensuite rendu en Irak pour combattre aux côtés des troupes de Saddam Hussein contre l’Iran et à son retour au Liban, il se rallie au régime Assad et au Hezbollah. Il avait été l’allié du Courant du futur, après l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri.
A l’instar d’autres régions, Tarik Jdidé est prise en tenaille entre deux visions opposées du Liban. La guerre en Syrie, attisant les rivalités internes et mettant en exergue l’affaiblissement des courants politiques traditionnels sunnites et de l’Etat, aura servi à renforcer les courants islamistes en tous genres.

Mona Alami 

Précision de l’armée
Le Rassemblement des ulémas musulmans a adressé des critiques à l’Armée
libanaise sur le traitement des détenus fondamentalistes, interdits de porter la barbe en prison. L’armée a publié un
communiqué soulignant que «le cheikh Omar el-Atrache (accusé de terrorisme) était sans barbe quand il avait été arrêté, alors que Omar Jouanié (Homsi) n’étant pas un religieux, il lui est interdit de porter
la barbe en prison».

Démenti du Courant du futur
Interrogé par les médias, le député Ammar Houri (bloc de Hariri) affirme que les partisans du Courant du futur n’étaient pas impliqués dans les affrontements de dimanche, précisant que les accrochages ont opposé le groupe de Berjaoui à «des habitants de la région qui ont réagi aux exactions des miliciens de ce dernier».

L’insécurité règne à Tripoli
En dépit de la fin du 20e round de combats, des coups de feu sporadiques étaient toujours entendus dans la ville de Tripoli au nord du Liban. Une bombe a été trouvée et désamorcée par l’armée à la faculté de sciences de
l’Université libanaise, à  Qobbé. L’armée a arrêté un responsable du groupuscule armé de Bab el-Tebbané, Saad el-Masri, remis en liberté plus tard après avoir été désarmé. Le caïd de quartier a publié un communiqué
appelant à «l’arrestation de l’ancien député Ali Eid et son fils Rifaat, secrétaire général du Parti arabe démocratique, pour avoir participé, directement et indirectement, au double attentat contre deux mosquées à Tripoli en août
dernier». Près de 28 personnes ont été tuées lors de ce vingtième round de combats.

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