Magazine Le Mensuel

Nº 2942 du vendredi 28 mars 2014

Affaire Déclassée

La disparition d’Emile Bustani. Un accident d’avion encore sans réponses

Le 15 mars 1963, l’avion privé d’Emile Bustani, député du Chouf et président de la Cat (Contracting and Trading Co) disparaît en mer, au large de Beyrouth entre la baie du Saint-Georges et le port de Beyrouth, dans des circonstances restées floues.
 

L’avion privé d’Emile Bustani, un trimoteur Aéro-Commander, est piloté par le capitaine John Oglivie, un Britannique marié à une Libanaise. A bord, se trouvaient aussi le Dr Nemr Toukane, un éminent bactériologue et l’ingénieur Marwan Kartabil.
C’était un vendredi. Le député Bustani devait assister à la réunion du conseil d’administration de la Banque arabe à Amman, dont il était membre. Réveillé à six heures du matin, il se contente d’un verre de lait chaud et donne des instructions pour la journée aux employés de la Cat. Il avait organisé ses affaires avant de se rendre à l’aéroport. Il ne réveille pas son épouse. Il devait rentrer pour assister le soir même à un dîner offert par le président de l’Université américaine en l’honneur d’un nouveau membre du conseil de l’université.
En route pour l’aéroport, il passe par Haret Hreik pour prendre le Dr Toukane, et à Ras Beyrouth où l’attend l’ingénieur Kartabil. Il ne devait passer que quelques heures à Amman et avait décidé d’annuler sa réservation à bord d’un vol de la MEA et de prendre son avion personnel.
Il faisait un temps orageux. L’avion décolle à 7h53 en direction de Amman via Damas. Vingt minutes plus tard, le pilote avise la tour de contrôle d’une couche de givre qui commence à recouvrir les ailes de l’avion et demande l’autorisation de revenir à Khaldé. Mais quatre minutes plus tard, alors que l’avion survole Beyrouth, le contact est rompu avec le pilote. L’appareil est tombé en mer à 3 Km de la jetée.

 

Témoins oculaires
Des témoins oculaires auraient assuré avoir vu l’avion au-dessus de la mer dans un état normal avant d’entendre une explosion et de voir l’avant de l’appareil se désintégrer et plonger à une rapidité vertigineuse en mer.
Des recherches sont entreprises sur les lieux indiqués. Deux heures plus tard, les corps de Toukane et du pilote sont repêchés. Ceux de Bustani et de Kartabil sont introuvables. L’enquête conclut à la possibilité qu’ils soient coincés dans la carlingue. Des experts ont signalé que l’épave pouvait être à une profondeur de deux cents mètres.
Malgré tous les efforts, il fut impossible de récupérer l’épave de l’appareil. L’enquête ne put aboutir à définir les causes de l’accident. Pour les uns, la foudre aurait frappé l’appareil, pour les autres, le givre formé sur les ailes a déséquilibré l’avion qui aurait plongé dans la mer. La Cat fait appel à trois sociétés européennes pour retrouver le corps de Bustani.
Le 22 juillet 1975, le bateau grec Hellenic Leader tente d’entrer au port de Beyrouth quand il accroche une épave. C’était celle de l’avion de Bustani dont le corps n’a toujours pas été retrouvé.

 

L’empire Bustani
Emile Bustani a vécu une enfance dure. Sa mère l’avait inscrit dans un orphelinat à Saïda afin qu’il apprenne à lire et à écrire. Il servait à table pour avoir le droit de manger. Il ne voyait sa mère que les dimanches, comme il le racontait lui-même. Il a travaillé dur pendant des années pour construire un empire dans le monde des affaires. Alors qu’il poursuivait des études à l’Université américaine de Beyrouth, il travaillait pour subvenir à ses frais. Il réussit à obtenir une bourse à l’Institut de technologie de Massachusetts (MIT), avant de rentrer au pays et de s’imposer dans le milieu politique. Elu en 1951 député du Chouf, il garde son siège jusqu’à sa disparition en 1963.
Il incite, en 1952, avec six autres députés, Kamal Joumblatt, Camille Chamoun, Ghassan Tuéni, Pierre Eddé, Anouar Khatib et Abdallah Hage, à ce qu’on a appelé la révolution socialiste blanche.

Arlette Kassas

La Cat
Emile Bustani fonde la Cat avec deux partenaires, Abdallah Khoury et Chucri Chammas. Son essor commence en 1947. Au Koweït, la société construit des écoles, une université et un aéroport. Elle prend en charge
l’infrastructure du désert d’Abu Dhabi, ainsi que des palais de l’émir du Qatar, et du roi en Irak, d’un aéroport en Jordanie, et d’autres affaires au Soudan et au Pakistan. La Cat devient la plus importante compagnie au Moyen-Orient avec 17 000 employés, répartis sur trente-cinq bureaux dans dix-neuf pays.    

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