Alors que l’Armée libanaise a une nouvelle fois été victime d’un attentat à la voiture piégée le week-end dernier, un nouveau plan de sécurité vient d’être mis en place, pour tenter de ramener un semblant de calme dans le pays. Cette fois-ci, c’est du sérieux.
L’Armée libanaise est plus que jamais sur tous les fronts. Au lendemain de l’attentat de Ersal, une unité de la division aéroportée a ainsi découvert lundi soir une nouvelle voiture piégée. Une fois encore, le véhicule, une Honda CRV bleu marine, avait été piégé avec une grande quantité d’explosifs − dans les 200 kg − selon les dires de l’armée. Elle a été découverte à Wadi Hmayed, dans le jurd de Ersal, après une journée intense de recherches, et désamorcée par des artificiers. Elle a visiblement été abandonnée non loin d’un poste de l’armée par son conducteur, qui a pris la clé des champs. A cela s’est ajoutée, dans la même journée, la saisie d’une dizaine de voitures volées à Ersal, cachées dans un parking, ainsi que dans un camp de réfugiés syriens.
Ces prises interviennent donc au lendemain de l’attentat suicide perpétré samedi soir contre un barrage militaire du jurd de Ersal, à Wadi Ata, dans l’est. Bilan de cette nouvelle attaque meurtrière, trois jeunes soldats tués − Mahmoud Ibrahim Hajj Hassan, 24 ans, Hussein Khalil Hamdar, 23 ans, et Abdel-Kader Mohammad Ouayek, 25 ans – en plus du kamikaze, ainsi que quatre autres militaires blessés. Selon l’artificier de l’armée, la Kia noire avait été piégée au moyen d’une centaine de kilos d’explosifs. Il s’agit du deuxième attentat de ce type après celui perpétré à Hermel, le 22 février dernier.
L’attentat a une nouvelle fois été revendiqué par les Brigades des sunnites libres de Baalbeck, un groupuscule affilié à al-Qaïda, depuis leur compte Twitter. L’attaque visait, selon leurs propos, «à venger la mort du martyr Sami el-Atrache», qui avait été tué par l’armée jeudi 27 mars, lors de son arrestation par une patrouille. Sami el-Atrache était soupçonné par l’armée d’être un dangereux terroriste impliqué dans les attentats à la voiture piégée contre les fiefs du Hezbollah. Les Brigades des sunnites libres de Baalbeck ont aussi livré sur Twitter l’identité du kamikaze, qui se nommerait Abdel-Kader Taan, avant de menacer l’armée «croisée» de nouvelles attaques. «Ce n’est que le début. Nous avons mis en garde depuis plusieurs jours contre le fait que les exactions de l’armée croisée qui visent les sunnites du Liban n’étaient plus acceptables», ont-ils prévenu. Ces menaces s’ajoutent à celles déjà formulées au soir de la mort de Sami el-Atrache. Le groupe terroriste avait alors indiqué que cet incident allait «ouvrir les portes de l’enfer», soulignant que chaque assassin de soldats libanais irait «au paradis».
Couverture politique
En réponse, le commandement de l’Armée libanaise a fait savoir dans un communiqué que l’armée «continuera de combattre et de poursuivre les terroristes et qu’elle est déterminée à mettre à exécution le plan de sécurité (…), quels que soient les sacrifices».
Ledit plan, décidé la semaine dernière par le Conseil des ministres et élaboré selon les recommandations du Haut conseil de Défense, concerne à la fois la ville de Tripoli, sujette à des tensions communautaires permanentes, ainsi que certains quartiers de Beyrouth, la ville de Saïda, mais aussi les barrages et postes militaires le long de la frontière à Ersal. Selon certaines sources, ce plan serait différent des précédents, car il donnerait cette fois une large couverture à l’armée, ainsi que des prérogatives élargies, afin d’en finir une fois pour toutes avec les heurts quasi quotidiens dans la ville.
Hélicoptères à Tripoli
Concernant justement les positions de l’armée, le nouveau plan de sécurité vise à protéger les membres de la troupe déployés dans l’est et soumis à de fortes pressions de la part des rebelles syriens et de leurs soutiens. Avec, comme nouveauté, l’utilisation d’hélicoptères militaires qui pourraient surveiller la frontière entre la Syrie et le Liban et permettre aux soldats déployés au sol de repérer plus aisément les voitures et passagers suspects. Afin d’éviter que ne se reproduisent les attaques kamikazes.
Quant à Tripoli, toujours sujette à d’importantes tensions qui font toujours plus de victimes, l’armée a commencé à se déployer dès six heures du matin, mardi, afin de mettre en œuvre le nouveau plan de sécurité. Rappelons que depuis le 13 mars, les heurts entre les quartiers rivaux de Jabal Mohsen et Bab el-Tebanné ont fait pas moins de vingt-six morts et de très nombreux blessés, dont des enfants. Ces dernières semaines, plusieurs assassinats ont été recensés, dans la ville, touchant les civils comme les soldats.
De nombreuses unités se sont positionnées dans les quartiers de Qobbé et de Jabal Mohsen, dans un premier temps, mardi matin, ôtant en même temps les barricades et autres sacs de sable de la zone. Des raids ont aussi été organisés dans ces quartiers, ainsi qu’à al-Bqar et une perquisition au domicile du chef du Parti arabe démocratique, Rifaat Eid, toujours introuvable. Une dizaine de suspects ont, en revanche, été interpellés. Des dépôts d’armes devraient être aussi fouillés et confisqués dans la ville.
Dans le même temps, l’armée a mis en place une trentaine de points de barrage et intensifié ses patrouilles, soumettant toutes les personnes qui passent par là à des contrôles d’identité. Une présence similaire devait être mise en place dans le quartier de Bab el-Tebbané, dès mercredi. Au déploiement de l’armée s’ajoute la présence de quelque 1 400 membres des Forces de sécurité intérieure (FSI), afin de restaurer le calme à Tripoli. Les deux corps de défense travailleront main dans la main dans les opérations de sécurité.
A Tripoli, des hélicoptères militaires ont été chargés de survoler la ville, afin de surveiller toute activité suspecte et de la signaler à la troupe au sol. Dans le même temps, on annonçait la coupure du service Internet mobile des deux compagnies d’alfa et touch, à Tripoli, sans doute pour empêcher les bandes rivales de communiquer.
Jenny Saleh
Bombe désamorcée à Tripoli
Dimanche, dans la foulée de l’attentat suicide de Ersal, l’Armée libanais a pu intercepter une bombe à retardement qui devait exploser devant un poste militaire. L’engin, conçu de manière artisanale et dissimulé dans une caisse en carton, était composé d’une bonbonne d’oxygène bourrée de clous et programmée pour exploser à 17h, au coin de la rue Miteyn.
Fort heureusement, un habitant du quartier qui avait vu un motard déposer le carton a pu prévenir l’armée qui s’est chargée de
désamorcer la bombe.