Chaîne de télévision d’information internationale française, France 24 émet, 24 heures sur 24, en trois langues: français, anglais et arabe. Son directeur général, Marc Saikali, de passage au Liban, son pays natal, répond aux questions de Magazine, après avoir participé à la conférence Voix francophones, organisée par l’Université Antonine et dont le thème principal a tourné autour des médias francophones.
Diffusant au total 144 journaux quotidiens et une trentaine d’émissions, reçue dans 250 millions de foyers dans le monde avec une audience hebdomadaire de 42 millions dans les pays mesurés seulement, présente dans 177 pays, France 24 compte 400 journalistes à Paris et 100 bureaux de correspondance dans le monde. Son créneau, c’est que les trois chaînes (arabophone, francophone et anglophone) soient différentes les unes des autres. En effet, celles-ci n’ont pas la même grille de programmes, ni les mêmes émissions, puisqu’elles adaptent les programmes à la catégorie de téléspectateurs. Bien que les grilles soient différentes, la ligne éditoriale reste toutefois unique. Basée sur des valeurs universelles de liberté d’expression, d’égalité entre les êtres humains et de droits humains, France 24 se distingue des grands médias anglo-saxons et arabophones par son adoption d’une approche française européenne digne de l’actualité: «Le monde anglo-saxon a tendance à chercher la victime et le bourreau à travers les médias et les télévisions du monde arabophone parfois militantes», explique Marc Saikali. France 24 constitue, selon lui, une troisième voix puisqu’elle aborde les événements de manière différente et nuancée. Donner plus d’explications, porter un regard singulier sur les événements, telles sont les lignes directrices de la chaîne d’information française. Sa ligne rouge: la dignité humaine. «Nous ne donnons jamais la parole aux terroristes et nous ne montrons jamais de photos abjectes parce que nous considérons ceci comme n’étant pas de l’information, mais plutôt de l’horreur, du plaisir à regarder l’horreur ou de la manipulation», affirme le directeur général de France 24.
Monument activement médiatique
Il est clair que les nouvelles technologies ont changé les perspectives de développement, affectant par conséquent les enjeux des médias généralement et ceux de France 24 plus spécifiquement. «Nous sommes parfaitement conscients de cela, indique Marc Saikali, et, aujourd’hui, la réalité nous montre que tout individu peut être un média. Le circuit de l’information n’est plus le même». Il constate aussi que les gens rejettent de plus en plus la passivité et cherchent inlassablement à être en interactivité et en interaction avec les émissions. C’est pour cette raison que trois débats quotidiens dans les trois langues sont diffusés sur France 24. Ils portent sur un thème d’actualité du jour et font chacun quarante-cinq minutes.
Un réseau de 5 000 observateurs dans le monde fait aussi partie des «créations» de France 24. Il s’agit de personnes ordinaires, jouant le rôle de journalistes (sans pour autant remplacer les vrais journalistes de la chaîne) qui informent France 24 sur des événements se déroulant dans la plus proche proximité de leur vie, et ce par le biais des réseaux sociaux, via Skype, via le Web, etc.
A la question de savoir si nous pouvons encore parler d’insuffisances persistantes de l’information et de l’audiovisuel francophones sur la scène mondiale, Marc Saikali répond que France 24 privilégie la qualité à la quantité. «Il n’y a pas beaucoup de chaînes d’information francophones dans le monde. C’est d’ailleurs dans la concurrence que naît l’émulation et c’est dans cette mesure qu’il faut voir francophonie et esprit francophone», atteste le directeur général de la chaîne.
France 24 et Télé-Liban
En mars dernier, France 24 et Télé-Liban (TL) ont signé un accord de coopération autorisant TL à émettre deux heures quotidiennes de programmes de France 24. Marc Saikali explique le choix de TL. D’abord, le nouveau P.-D.G. de la chaîne libanaise a fait preuve de dur labeur. Ensuite, étant donné que les deux chaînes (française et libanaise) sont des chaînes de service public, et que les valeurs de service public doivent être respectées, France 24 a franchi ce pas, considérant le Liban comme le pays-clé pour le Proche-Orient et le Golfe. «Les Libanais sont, par leur triculturalisme et par leur trilinguisme, un pont entre les différents mondes».
Ambivalence du monde arabophone
Au sujet du paysage médiatique des chaînes arabophones, Marc Saikali considère que celui-ci est en perpétuel changement. «Tout est question d’argent. Ceci n’est ni gage de qualité, ni de succès, ni de pérennité, ni de réussite, ni de démocratie, ni d’évolution journalistique, ni de diversification des opinions», avance-t-il. Le journalisme financier ne doit pas définir ce métier qui, en réalité, est un métier noble, ne devant en aucun cas être conditionné par le pouvoir de l’argent uniquement.
Se prononçant au sujet de l’évolution des pratiques linguistiques dans les médias, le directeur général de France 24 estime que celles-ci reflètent l’évolution plus générale des pratiques linguistiques de la société puisque les médias sont indéniablement le reflet de la société. «Si les médias étaient décalés par rapport à la société, ils n’auraient plus de téléspectateurs».
C’est dans ce sens que Marc Saikali considère que l’arabe est certainement une langue de modernité et d’avenir pour une raison très simple: le monde arabe est au cœur de l’actualité mondiale de par ses richesses culturelle, financière et humaine.
Stratégies et créativité de France 24
«Notre stratégie est très simple. Nous voulons rester leaders et nous voulons nous consolider là où nous le sommes déjà», confie Marc Saikali. Consolidation et développement sont donc les devises de la chaîne française. «Nous croyons en ce que l’on appelle l’effet miroir. Les téléspectateurs doivent se reconnaître en nous. C’est pour cette raison que nous avons créé une nouvelle émission qui s’appelle Billet Retour, partie d’un concept nouveau: faire du hot news, certes, mais continuer à traiter l’événement et à enquêter dessus», déclare-t-il.
Natasha Metni
Délocalisation
France 24 veut renforcer sa force de frappe en délocalisant plus de programmes et d’émissions dans tous les pays du monde. Dans ce contexte, elle projette de créer une émission en arabe en Egypte, Hawa Masr, qui consistera en un hebdomadaire depuis l’Egypte et de développer encore plus la culture française et francophone en
consolidant par exemple le Paris des Arts (nouveau magazine créé par France 24).