Avec une guerre en Syrie qui s’installe dans la durée, l’Iran, pourvoyeur de fonds du régime Assad, est condamné à continuer à soutenir son indéfectible allié. Mais ce pays peut-il se le permettre indéfiniment, à l’ombre d’une situation économique extrêmement difficile, aggravée par de lourdes sanctions? Magazine interroge Thierry Coville, chercheur associé à l’Iris.
A-t-on observé une amélioration de la situation
économique de l’Iran depuis le début des
négociations sur le nucléaire?
Les agents économiques font preuve de plus d’optimisme. L’accord intérimaire sur le nucléaire, en novembre 2013, a renforcé cet optimisme puisqu’un arrangement sur le nucléaire (et la suppression de l’ensemble des sanctions) apparaît possible. Ceci a conduit à une appréciation du rial contre le dollar sur le marché libre. Alors que le rial s’était effondré à cause des sanctions, passant de 1 dollar pour 11 000 rials en septembre 2011, à 1 dollar à 40 000 rials fin 2012, il s’échangeait en mars 2014 à près de 30 000 rials. Ceci a permis un ralentissement de l’inflation qui est passée de 45,1% en juin 2013 à 28,8% en janvier 2014. Par ailleurs, des secteurs comme l’automobile ou la pétrochimie qui ont été «sortis» du régime des sanctions, enregistrent un redressement de leur activité. Toutefois, l’essentiel des sanctions reste en place, notamment les sanctions sur les banques et les exportations de pétrole. Après la récession de 2013 (-5%), on peut prévoir au mieux un léger redressement de l’activité (+1%) en 2014. Ceci est insuffisant pour réduire le chômage, qui, d’après certaines estimations officielles, serait proche de 22%.
Cependant, depuis le début de ces négociations, l’ayatollah Khamenei est revenu à une «économie de résistance», pourquoi donc?
Le régime iranien a appelé à une économie de résistance pour faire face aux sanctions. Il s’agissait de mettre en place des stratégies (comme le rationnement des importations, soutien aux exportations non pétrolières) pour limiter leur impact. Le résultat de cette politique est mitigé puisque ces sanctions ont durement affecté l’économie iranienne. Ali Khamenei continue de faire référence à ce slogan car l’essentiel des sanctions reste en place pour l’instant.
Quelles sont les dépenses militaires de l’Iran et quel pourcentage du PIB représentent-elles?
Le budget militaire de l’Iran est officiellement proche de 10-12 milliards de dollars, ce qui représente près de 2% du PIB.
Quel montant serait alloué à la guerre en Syrie? Existe-t-il certaines estimations?
Les sources du Hezbollah assurent que la guerre coûte au parti entre 10 et 20 millions de dollars, tous les mois… Quel montant serait alloué au Hezbollah libanais?
Il est très difficile de connaître ces montants. Les estimations que j’ai trouvées en faisant une petite recherche évoquent une aide de l’Iran à la Syrie de près de 8 milliards de dollars par an. Cela représenterait 3% du budget.
Les citoyens iraniens sont-ils opposés à ses dépenses?
C’est difficile à dire. On peut supposer que compte tenu des difficultés économiques actuelles, on peut s’attendre à ce qu’une majorité trouve ce montant trop élevé. Toutefois, la réponse sera sans doute différente dans la sphère politique iranienne tant le soutien à la Syrie est important stratégiquement.
Les Iraniens peuvent-ils se permettre de financer à long terme une guerre en Syrie? Cela aura-t-il un impact sur leur économie?
A priori, si ces dépenses représentent 3% du budget, il n’apparaît pas impossible pour l’Iran de continuer à les financer. Bien qu’importantes (équivalentes à la moitié du budget militaire), il reste possible de les financer.
Les Etats-Unis ont payé très cher leur intervention en Irak, peut-on établir un parallèle entre l’impact de la guerre en Irak sur les E.U et celui de la guerre en Syrie sur l’économie iranienne?
Je ne le pense pas. Les Etats-Unis avaient envoyé une armée se battre en Irak. L’Iran a plutôt envoyé un certain nombre de conseillers. Et le coût budgétaire de l’aide à la Syrie n’apparaît pas insurmontable.
Propos recueillis par Mona Alami