Magazine Le Mensuel

Nº 2944 du vendredi 11 avril 2014

ACTUALITIÉS

Irak. Elections sur fond de violences

La campagne pour les élections législatives, qui doivent se tenir, en Irak, le 30 avril a commencé, sur fond de divisions politiques et alors que l’Irak traverse actuellement la pire vague de violences depuis 2008, avec la prise de contrôle par el-Qaïda, de vastes zones dans l’ouest du pays.
 

La vague de violences qui sévit actuellement en Irak rappelle les heures les plus sombres du pays, après la chute de Saddam Hussein. Depuis le début de l’année, pas moins de 2 200 personnes ont déjà été tuées lors d’attaques, avec le triste bilan de 592 morts rien que pour le mois de mars dernier, selon le dernier bilan des Nations unies. C’est dans ce contexte très tendu qu’a été lancée la campagne pour les élections législatives début avril. Des élections qui doivent avoir lieu le 30 avril prochain, avec plus de dix mille candidats en lice sur l’ensemble du territoire pour 328 sièges de députés. Le Premier ministre sortant, Nouri el-Maliki, a d’ores et déjà fait part de son intention de se maintenir à son poste, malgré un mauvais bilan du Parlement actuel. En quatre ans de mandat, l’Assemblée parlementaire n’a pu voter aucune loi majeure, tandis que les institutions sont plus que jamais bloquées par les désaccords entre les trois principales communautés kurde, sunnite et chiite.
Une situation qui a même poussé l’envoyé spécial des Nations unies, Nicolaï Mladenov, à regretter une «campagne électorale qui divise les Irakiens». Dans un entretien accordé à l’AFP depuis le quartier hyper sécurisé de la zone verte de Bagdad, l’émissaire onusien estime que cette «escalade» a commencé avant même le début de la campagne officielle. De même, il a déploré que la campagne se porte sur «des attaques personnelles» au lieu de «porter sur les vraies questions et sur la façon dont l’Irak peut régler ses problèmes». Selon Mladenov, «tous les partis politiques» agissent de la même façon et ne font rien pour rapprocher les communautés entre elles. Et de fait, sur les affiches électorales qui fleurissent sur les murs, les candidats vantent davantage leur appartenance tribale ou leur ethnie, que leur programme. Pourtant, les problèmes à résoudre sont nombreux. Coupures d’électricité, eau courante insalubre, corruption qui gangrène l’économie et les institutions, chômage et insécurité croissante figurent parmi les principales préoccupations des Irakiens, sans que cela semble interpeller les politiciens. En parallèle, l’Irak n’a toujours pas conclu d’accord sur son budget annuel, bloqué par une mésentente profonde entre le gouvernement et le Kurdistan. Les Kurdes souhaitent en effet exporter directement leur pétrole à l’étranger, sans passer par Bagdad. Le Kurdistan a, pour l’heure, évoqué l’export de 100 000 barils de pétrole par jour via les oléoducs contrôlés par le gouvernement. Si cette promesse n’est pas tenue, le pourcentage du budget fédéral alloué à la région diminuerait en conséquence, une mesure que les députés kurdes du Parlement ne voteront pas, l’on s’en doute. En plus du pétrole, un autre différend, territorial celui-là, oppose le Kurdistan au gouvernement central. La région bénéficie d’une autonomie importante et dispose de ses propres forces de sécurité, d’un gouvernement et d’un drapeau. Or, les Kurdes ont soutenu le Premier ministre sortant, Nouri el-Maliki, lors de ses deux mandats. Un soutien qui pourrait ne pas durer. Le fils du président kurde d’Irak, Gobad Talabani, a ainsi déclaré: «Nous ne sommes pas contents de la situation en Irak, le pays pourrait être en meilleure santé avec une meilleure direction. Mais nous réviserons nos alliances et notre choix seulement après le résultat des urnes».
Alors que la campagne bat son plein, Nouri el-Maliki est aussi accusé de vouloir mettre à son crédit la campagne militaire menée depuis le 1er janvier dernier contre Fallouja et Ramadi, deux régions sunnites, tombées sous le contrôle de factions de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). Si Maliki assure mener une campagne anti-al-Qaïda dans cette région, nombreux habitants − dont certains ont pris les armes contre l’armée irakienne − voient là un règlement de comptes anti-sunnite. Lundi, les forces de sécurité irakiennes ont annoncé avoir tué dix-neuf insurgés dans des combats au sud de Badgad et aux environs de Ramadi et Fallouja. Si l’essentiel de Ramadi semble être revenu dans le giron de l’armée, la ville de Fallouja, située à peine à 60 km de la capitale, reste aux mains de EIIL, tout comme d’autres poches de la province d’al-Anbar.
Depuis plus d’une semaine, ces insurgés sont aux prises avec les forces de l’ordre dans les villages de Zoba et Zaidan, près d’Abou Ghraib, à une vingtaine de kilomètres seulement de Bagdad. Ce qui inquiète la population qui craint de voir le pays sombrer de nouveau dans la guerre civile. Une hypothèse d’assaut par les combattants d’EIIL sur Bagdad a toutefois été écartée par le ministère de l’Intérieur irakien. «Ils n’en ont pas la puissance et nous avons d’immenses renforts militaires pour les stopper. Nos troupes ont lancé des attaques quotidiennes contre eux aux abords de Fallouja, et ils ont essuyé de nombreuses pertes», a souligné le général Saad Maan, porte-parole du ministère.
 Néanmoins, les parades organisées par les brigades d’EIIL à Abou Ghraib montrent, selon Charles Lister, chercheur associé au Brookings Centre de Doha, «à quel point, l’EIIL est en capacité d’agir avec une impunité quasi totale dans certaines zones sunnites» et représente «d’importants défis» pour les forces de sécurité irakiennes. La situation, si elle perdure, pourrait donc bénéficier dans les urnes au pouvoir en place et donc à Nouri el-Maliki, qui affiche plus que jamais sa fermeté.

Jenny Saleh

Le Tchad sur le banc des accusés
Après s’en être pris à l’Arabie saoudite et au Qatar qu’il accuse de soutenir les groupes d’insurgés sunnites en Irak, début mars, le Premier ministre Nouri el-Maliki s’est attaqué début avril, au Tchad. Il accuse le pays africain d’envoyer et de financer des mercenaires 
tchadiens et nigérians sur le sol irakien.

S’en va et puis revient
La Haute Commission électorale irakienne, qui avait démissionné de façon collective fin mars, est finalement revenue sur sa décision. Ses membres souhaitaient protester contre des ingérences politiques et judiciaires 
contradictoires, concernant l’exclusion de 
candidats aux élections législatives. Une 
disposition de la loi électorale irakienne stipule en effet que les candidats doivent avoir «une bonne réputation» pour se présenter. Ce qui a poussé un comité de juges à invalider plusieurs candidatures, dont celles d’opposants au Premier ministre, Nouri el-Maliki, sans aucun appel possible. De son côté, le Parlement avait donné pour consigne de n’exclure que les 
candidats n’ayant pas un casier judiciaire vierge, interprétant différemment la loi 
électorale et donnant lieu à un véritable 
casse-tête pour la Commission électorale.

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