Comme par magie, les portes de la Place de l’Etoile se sont ouvertes devant des parlementaires privés, depuis belle lurette, de leurs fauteuils sous la coupole de l’hémicycle et satisfaits de les retrouver au point de voter aveuglément des lois dans la forme qui leur est proposée pour ne pas dire imposée. Les citoyens, qui n’ont pas l’heur d’accéder à ce lieu mythique, regardent avec méfiance ces messieurs qui légifèrent et gèrent leurs vies à leur gré. Ils savent que, pour le moment, avec une fougue qu’ils avaient probablement perdue, messieurs les députés se dépêtrent dans des textes dont la plupart ne connaissent ni les tenants ni les aboutissants. Beaucoup n’en sont pourtant pas, à leur premier mandat et, pour les quelques néophytes dans la carrière, l’occasion est trop belle de rappeler qu’ils étaient là, «élus» du peuple. Après avoir promis aux défavorisés de régler leurs problèmes quotidiens, ces prétendus responsables ne savent pas comment s’en sortir quand les dettes publiques pèsent de plus en plus et que les caisses du Trésor se vident à une vitesse incroyable. Ils ignorent, hélas, la maxime qui veut que «gouverner c’est prévoir». Ainsi, la loi dictant les conditions de la grille des salaires n’a pas fini de faire couler de l’encre pendant que les principaux concernés ont, vite fait, de regagner la rue pour la énième fois. Une loi inique prétendant protéger la femme contre la violence faite aux femmes, que ces dernières revendiquent depuis longtemps, est contestée pour sa teneur. Celle qui favorise les anciens propriétaires, certes lésés dans leurs droits, risque de jeter à la rue des locataires qui, dans leur majorité, ne peuvent pas acquérir un appartement malgré la période de grâce qui leur est accordée. Pour 140000 vieux logements à libérer, selon les statistiques de l’Etat, ce sont 700000 personnes qui perdront leurs logis. Une décision de plus qui crée un clivage inutile entre citoyens. On ne peut pas non plus négliger la mesure extrême des bénévoles de la Défense civile, que le désespoir et le manque de confiance dans les promesses de l’Etat, ont poussés à se jeter à l’eau, histoire de réveiller la conscience des responsables.
Plutôt que d’amender des lois iniques, le gouvernement, promettent certains élus, «offrira une aide financière» aux anciens locataires démunis.
La question reste posée, et personne n’ose encore y répondre clairement: celle de savoir d’où viendra le financement de toutes ces justes revendications. D’un Etat, que la mauvaise gestion, pour ne pas parler de la corruption, a mis en faillite, alors que les pays de la région se modernisent à un rythme hallucinant?
C’est avec beaucoup d’arrogance et même de mépris pour la situation des citoyens, que les responsables proposent, ou plutôt menacent, de renflouer les caisses de l’Etat à coups de TVA gonflées, de subventions annulées, dont celle accordée à l’électricité, faisant semblant d’ignorer que les Libanais, ceux qui le peuvent encore, paient une double facture, celle de l’EDL et celle du générateur de quartier. Que dire de l’eau, si précieuse qui coule à flots dans les rues à travers des tuyaux crevés totalement ignorés par les municipalités et qui font les affaires des propriétaires de citernes?
Sans risque de nous voir opposer des démentis, nous pourrions aller encore très loin dans la liste des négligences, pour ne pas dire de la désinvolture, sans lesquelles le Liban serait encore ce paradis que toute la région nous enviait.
Qui ne se rappelle de la Syrie qui, avant sa révolution, a vu pousser les hôtels dont elle manquait tant lorsque les nôtres s’effondraient sous les bombes? Nous ne l’envions pas pour autant et nous n’avons aucune hostilité à l’égard d’un peuple qui souffre comme nous avons souffert.
Qui, durant la guerre «des autres sur notre terre» n’a jamais pris le bateau jusqu’à Chypre pour prendre l’avion vers une autre destination à partir d’un aéroport, à l’époque désuet, quand le nôtre était la cible d’un canonnage incessant?
Comment ne pas se révolter en regardant des émissions diffusées sur les chaînes étrangères faisant l’apologie du tourisme dans les Emirats? Quand la Sorbonne y ouvre ses portes, que le Louvre y promet sa coopération et qu’enfin une exposition universelle s’y tiendra en 2020?
Mais trêve de doléances, nous plaçons nos espoirs dans la politique toujours possible d’un nouveau gouvernement, dans l’élection d’un président de la République fort, libre et indépendant, que l’actuel locataire de Baabda appelle de toutes ses forces, s’attirant des critiques acerbes et même insultantes de ceux qui le voudraient consensuel, synonyme de faible.
Mouna Béchara