Le plan sécuritaire parviendra-t-il à restaurer le calme au Liban après les combats acharnés dans diverses régions? Ou va-t-il simplement calmer le jeu temporairement sans apporter de solution définitive, comme le laissent présager les nouveaux affrontements dans le camp palestinien de Mié Mié?
Une semaine après le lancement du nouveau plan sécuritaire, huit personnes sont mortes et dix autres blessées lundi dans une bataille dans le camp palestinien de Mié Mié, à l’est de Saïda, au Liban-Sud.
«Des combats violents ont opposé le groupe Ansar Allah à celui des Martyrs du retour, affilié à Ahmad Rachid, à la suite d’une tentative d’assassinat du cheikh Jamal Suleiman», rapporte une source d’Ansar Allah, mouvance proche du Hezbollah. Dans les combats, une profusion de roquettes et de grenades ont été utilisées. Une situation assez inhabituelle dans ce camp généralement calme, contrairement aux autres enclaves palestiniennes du Sud.
Cet affrontement s’est produit à la suite d’un plan mis en place par le ministre de l’Intérieur visant à rétablir la sécurité à Tripoli dans un premier temps, avant de s’étendre à la Békaa puis à Beyrouth. Dans ses commentaires à la presse, le ministre Nouhad Machnouk avait déclaré: «Il n’y a pas de retour en arrière ni d’hésitation dans le plan de sécurité».
Ce plan a ciblé plusieurs points chauds de Tripoli. Le commissaire du gouvernement auprès du tribunal militaire, le juge Sakr Sakr, a émis des mandats d’arrêt contre une douzaine de personnes, y compris contre les responsables politiques du Parti arabe démocratique, Ali Eid et son fils Rifaat. Les deux hommes sont accusés «d’appartenir à une organisation terroriste, d’être en possession d’armes, d’inciter au confessionnalisme et d’avoir participé et soutenu les affrontements entre Jabal Mohsen et le quartier de Bab el-Tebbané». Des détenus arrêtés dans le secteur de Jabal Mohsen ont admis l’implication des Eid dans les batailles ayant opposé les quartiers rivaux.
Les nombreuses arrestations ne vont pas nécessairement apporter une paix définitive à la ville, estiment certaines sources. Des hommes de Bab el-Tebbané ont protesté contre la mise en œuvre du plan sécuritaire, le jugeant «partial». En marge de ce mouvement, la plus haute autorité salafiste, le cheikh Daï el-Islam Chahal, a déclaré dans une conférence de presse que le Liban avait été «kidnappé» et que la réponse se trouvait chez le commandement de l’armée et le gouvernement.
Soutien politique
«Le calme régnera tant que les deux factions du Hezbollah et du Courant du futur sont en harmonie», précise le cheikh salafiste Nabil Rahim. Une opinion que semblent partager les habitants de Jabal Mohsen et de Bab el-Tebbané, assurant que cette phase était «une simple trêve en l’absence d’une solution définitive».
Dans le dossier relatif à la situation sécuritaire de la Békaa, où un plan similaire semble être enclenché, le ministre Machnouk précise que plus de cinquante suspects étaient actuellement recherchés. Ils seraient impliqués dans les vols de voitures, la vente de ces véhicules à des terroristes et dans les enlèvements contre rançons. Comme à Tripoli, les forces armées et de sécurité sont chargées de récupérer les stocks d’armes illégales dans les zones frontalières de la Syrie. Selon des sources sécuritaires, l’armée est désormais en charge de tous les points de contrôle sur la route reliant les villes de Ersal et Hermel près de la frontière syrienne. «La question qui se pose sur ce plan est de savoir si, comme dans le cas de Tripoli, certains chefs de milices et suspects dangereux vont avoir l’occasion de disparaître avant leur arrestation», se demande un officier de l’Armée libanaise. «L’efficacité de ce plan dépend avant tout de la volonté des partis de mettre fin aux exactions des bandes armées et de leur retirer toute couverture», ajoute la source.
Le ministre des Travaux publics, Ghazi Zéaïter, assure «que tous les partis, les clans et les habitants de la Békaa soutiennent la sécurité et la stabilité (de la région)», mettant en exergue «l’exigence de sécurité très importante et celle de la précieuse vie humaine». Ce dernier a également souligné que «personne ne couvrait les criminels».
Mais tant à Tripoli que dans la Békaa, ces mesures sécuritaires ne mettent pas fin à des années de rivalités politiques transmutées en troubles à caractère confessionnel quasi permanents. Outre cet arrangement sécuritaire dont les effets seraient temporaires, le gouvernement et les partis politiques devraient s’atteler à résoudre leurs différends, seule solution susceptible de mettre fin aux troubles et aux clivages profonds prévalant au Liban.
Mona Alami
Nouvelles arrestations à Tripoli
Selon le commandement de l’Armée libanaise, de nouvelles arrestations dans le chef-lieu du Liban-Nord ont permis de capturer le responsable de l’axe de Jabal Mohsen-Riva, Ammar Ali Abdel-Rahman, et celui de l’axe Barraniyé-Jabal Mohsen, Jalal Hassan Hejji. De nouvelles perquisitions ont été effectuées dans des dépôts d’armes dans les régions de Jabal Mohsen et de Barraniyé. Des grenades ont été jetées dans le secteur d’al-Barraniyé, alors que des résidants bloquaient la route d’al-Dabagha par un barrage de pneus enflammés. Ce mouvement de protestation s’est accentué après l’interpellation de deux voitures appartenant au cheikh salafiste Daï el-Islam Chahhal. Les attaques visaient à empêcher l’armée de mener des raids et d’arrêter des suspects impliqués dans la série d’affrontements ayant frappé Tripoli. Ces événements ont été suivis de près par le président de la République Michel Sleiman qui a présidé mardi à Baabda une réunion sécuritaire en présence du Premier ministre, Tammam Salam, du vice-Premier ministre et ministre de la Défense, Samir Mokbel, du ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, et des chefs des services de sécurité.
La tuerie de Mié Mié
Le désaccord entre Ansar Allah et le groupe d’Ahmad Rachid serait lié à une querelle qui aurait éclaté entre leurs membres il y a de cela plusieurs semaines, ainsi qu’à une tentative d’assassinat visant le chef de la mouvance, le cheikh Jamal Suleiman. «Les accrochages ont éclaté lorsque le groupe Ansar Allah a attaqué le bureau d’Ahmad Rachid, le tuant sur le coup, avant «d’assassiner son frère dans son lit», selon certaines sources. Les éléments d’Ansar Allah ont alors mis la main sur le siège des «Martyrs du retour», situé dans le camp, avant l’intervention du comité de coordination entre les factions palestiniennes, secondé par l’armée. Selon une source d’Ansar Allah, le frère du chanteur Fadel Chaker, allié du cheikh radical Ahmad el-Assir, aurait été trouvé sur les lieux. Dans un communiqué, le mouvement Fateh a démenti tout lien avec le commandant Ahmad Rachid, ajoutant qu’il dépendait de l’ancien cadre du Fateh, Mohammad Dahlan, ennemi juré du président de l’Autorité palestinienne. Cette information a été toutefois démentie par le commandant Mahmoud Issa du Fateh, connu sous le nom d’al-Lino, qui a affirmé que l’activité de Dahlan dans le camp se limitait à une action caritative.